Chapitre 34

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Presque une semaine passa, sans que nous ne parlions beaucoup de ce qu'il s'était passé. Nous avions mis une journée entière à remettre l'appartement en ordre. Cela était en partie dû à une mémorable bataille de polochon en plein milieu du salon, qui nous avait permis de décompresser efficacement malgré son côté quelque peu forcé. Depuis nous essayions toutes les deux de retrouver nos marques et de reprendre une vie normale, sans grand succès. Je crois que nous étions en train de prendre conscience, elle comme moi, que rien ne serait plus jamais comme avant. Nous avions beau avoir conservé nos petits rituels et nos habitudes, il y avait comme quelque chose de... cassé entre nous.

Depuis sa confession au commissariat et nos deux fous rires libérateurs, Cassie semblait m'éviter de plus en plus et se replier chaque jour davantage sur elle-même. Un terrible vide fait de silences et de non-dits était inexorablement en train de se creuser entre nous, sans que j'aie la moindre idée de quoi faire pour y remédier. Ça me minait, je me sentais rongée par une ineffable tristesse, encore amplifiée par mon inactivité forcée. J'avais échappé à la prise de sang, mais n'avais pu éviter les radios, exigées par la police, qui avaient révélé que j'avais deux côtes fracturées et deux fêlées. J'étais donc assignée à résidence pour trois semaines sur ordre des médecins, avec repos et antidouleurs obligatoires. En résumé, j'avais tout le temps de broyer du noir.

De plus, comme si ça ne suffisait pas, depuis que j'étais séparée de Féline et des autres métamorphes, les agressions psychiques semblaient s'amplifier de jour en jour, me causant d'horribles migraines qui ne me laissaient pas beaucoup de répit. Mes défenses naturelles et mes remparts étaient en miettes et tous mes efforts pour les ériger à nouveau restaient vains. Mon état dépressif paraissait augmenter au même rythme que mon épuisement, renforcé par les horribles cauchemars que je faisais toutes les nuits.

La triste vérité était que, bien que j'aie réussi à sauver Cassie et qu'elle soit de nouveau là avec moi, je ne m'étais pas sentie aussi seule depuis très longtemps. Cette solitude me rongeait, elle me bouffait de l'intérieur ! Nous nous étions quittés en mauvais termes, mais j'avais quand même essayé de joindre Jude à plusieurs reprises sur son portable, sans succès. En désespoir de cause, j'avais même essayé de joindre Charles pour prendre des nouvelles de Féline et pouvoir passer un peu de temps avec elle, espérant que cela m'aiderait à contrôler mes pouvoirs de plus en plus chaotiques, sans plus de résultat. Je les soupçonnai fortement de filtrer mes appels.

Je m'enfonçai chaque jour un peu plus dans une sorte de déprime paralysante et mon inquiétude pour Féline ne cessait de s'accroître. J'en étais à me dire que si je n'arrivais pas à joindre la communauté d'ici la fin de la semaine, je m'y rendrais, avec ou sans leur permission. Le jeudi matin, alors que je sortais de la douche, le téléphone sonna. Étant seule dans l'appartement, je fus contrainte d'accourir toute dégoulinante dans le salon, pour décrocher avant que le répondeur ne s'enclenche.

— Il faut que tu viennes vite, il faut que tu leur dises... chuchota à toute vitesse une voix à peine audible.

— Que je dise quoi à qui ? répondis-je d'une voix un peu affolée en réponse au ton paniqué de mon interlocuteur. Adam, c'est toi ? Que se passe-t-il ? Est-ce que Féline va bien ?

— C'est Jude...

J'entendis comme un bruit de porte que l'on ouvrait au loin, puis plus rien, à part le bruit de la tonalité.

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant