CHAPITRE VINGT-HUIT .1

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Tranit savait pouvoir trouver ce qu'il lui fallait, même si le prix allait probablement être élevé. Mais elle avait envie de se faire plaisir et se disait que ces achats risquaient d'être un très bon investissement pour les mois à venir.

Elle en parla à Adacie qui acquiesça.

— Vous avez raison commandant. Pour votre chariot, vous n'avez pas besoin de dorkis de cavalerie. De bonnes bêtes de somme, bien puissantes seront excellentes.

Là, je n'ai rien pour vous aider, je n'y connais pas grand-chose en dorkis.

Tranit indiqua au coche où se rendre et celui-ci se glissa habilement dans le trafic de fin d'après-midi.

La demi-heure de la cinquième heure du jour était entamée, quinze heures pour les Montagnards, comme le lui rappela Adacie, lorsqu'elles parvinrent à l'extrémité du vieux cardo, l'ancien axe nord-sud de la cité.

Là, se trouvait le nouveau marché au bétail, rapidement devenu trop petit et remplacé par un champ hors murs, mais l'endroit s'appelait toujours ainsi et les principaux éleveurs de la région venaient y apporter leurs plus belles bêtes.

Un immense noisetier couvrait l'endroit et protégeait les innombrables ouvriers de la violence du soleil, des averses ou même du vent. Le coche vint s'arrêter devant une étable ne payant pas trop de mine.

Un portier débonnaire surveillait le portail. Tranit savait que c'était derrière le bâtiment que le propriétaire aimait rester, à bien observer ses bêtes ou celles qu'il projetait d'acheter.

Tranit laissa Adacie dans le coche, lui laissant quelques pièces pour qu'elle mange si elle en avait envie et entra dans l'étable après un geste d'invitation du portier.

Les stalles étaient pleines de magnifiques bêtes laissées en pension par des chevaliers, plus d'une vingtaine d'animaux tous aussi beaux les uns que les autres.

Un erkis était à part, un mâle quelque peu âgé, mais d'une puissance incroyable. Tranit ne résista pas au plaisir de le regarder quelques instants, sous l'œil attentif d'un garde. Le marchand prenait ses précautions.

Il accueillit Tranit avec circonspection. Il venait des terres d'empire, il avait des positions très arrêtées sur le rôle et la place des femmes en société. Tranit trouvait ça plutôt stupide mais ne pouvait contester qu'il était le meilleur dans son domaine.

Par contre, rien n'interdisait à ce qu'elle passe à ses yeux plus pour une sorte de domestique qu'un officier supérieur. Il ne devait rien comprendre aux uniformes montagnards et Tranit ne payait pas de mine dans cette tenue.

Il la reconnut et ne s'étonnât pas à ce qu'elle lui dise être entrée au service d'un seigneur du Banca, cela lui semblait... naturel. Il lui montra les bêtes qu'il avait, mais Tranit précisa bien des bêtes d'attelage.

Il lui proposa plusieurs paires de bêtes. Tranit en avait besoin de deux couples pour le chariot qu'elle avait choisi. Elle accepta le prix du marchand, somme toute raisonnable mais celui-ci ne voulait pas entendre parler de facture. Il voulait des espèces.

La jeune femme n'avait pas assez dans la bourse, mais lui versa une belle avance, et promit de revenir au plus vite avec le complément.

Elle rejoignit son coche. Là, les codes d'Erwan comme son instrument de transmission ne servaient à rien au cœur de la ville. Il fallut retraverser une grande partie de la cité pour rejoindre la tour et trouver un banquier montagnard pour obtenir la somme d'argent nécessaire.

Adacie organisa les choses pour elle. Un jeune officier de cavalerie escorterait Tranit pour payer les dorkis et pour l'aider à les ramener chez le carrossier. Adacie se chargeait d'acheter un harnachement d'attelage chez un bourrelier proche du marchand.

Tranit trouva l'idée excellente, cela permettrait de rentrer avec le chariot en passant chez les menuisiers. Il allait falloir se dépêcher, la première veille s'approchant. Les marchands fermaient en général avant celle-ci. Il faisait trop sombre dans les boutiques pour travailler convenablement et les gens pensaient à leur repas du soir.

Tranit put payer ses animaux et réussit à les ramener rapidement chez le carrossier. Adacie lui montra les harnais qu'elle venait d'acheter, de l'excellente qualité à en juger non seulement par le prix payé mais aussi par les regards approbateurs du cavalier et du conducteur de coche. Le cocher fut libéré, fort content de la somme gagnée et le chasseur aida Tranit à harnacher les dorkis et les atteler au chariot avant de rejoindre son poste à la tour des marchands. Adacie examina les arceaux et la bâche et en fut satisfaite.

Manœuvrer un chariot était un peu plus difficile que de monter un dorkis, surtout un attelage de quatre bêtes n'ayant pas l'habitude de travailler ensemble.

La conduite de Tranit fut un peu chaotique mais aucun autre conducteur ne lui en fit le reproche après qu'elle eut botté les fesses d'un boucher peu aimable. Cahin-caha, Tranit descendit la rue des menuisiers qui débouchait au pied de la vieille tour.

Adacie lui avait fait une liste de ce dont elle avait besoin et les meubles furent directement chargés dans le chariot. À la demie de la première veille, Tranit disposait enfin d'un bagage complet, mais son chariot ne se trouvait plus qu'à trois ou quatre paumes du sol.

Dès son retour à la tour, Tranit remit la tablette du banquier à un druide, fit confirmer ses achats et rendit la bourse, alors qu'Adacie faisait charger leurs affaires et le cabinet de toilette acheté le matin même.

Tranit eut quelques hésitations à faire passer son attelage par la poterne qu'un milicien accepta d'ouvrir pour elle contre une petite récompense, mais ainsi elles se retrouvèrent hors les murs sur un chemin dégagé, leurs montures en remorque du chariot, ce qui était bien plus aisé pour manœuvrer le lourd véhicule.

Les abords du hêtre abattu étaient illuminés, le travail se poursuivant fort tard, et le village temporaire déjà vibrant de toutes les activités possibles et imaginables. Des cavaliers, des hommes d'armes continuaient à venir voir l'arbre abattu. L'exploit d'Erwan devant sembler une belle affabulation aux yeux de certains. Cela durerait bien encore un jour ou deux.

Le passage du canal de navigation fut un véritable calvaire pour une conductrice novice comme Tranit avec son chariot si bas. Déjà, le long du chemin les quartz avaient touché le sol lors de certains passages bosselés.

Elle craint même de verser et se maudit de ne pas avoir demandé un cocher expérimenté. Tranit fit jurer à Adacie d'en chercher au plus vite et la jeune fille, très très pâle le lui promit avec empressement.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant