CHAPITRE VINGT-NEUF .7

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Elle appela un enseigne et donna quelques instructions qui furent suivies d'un remue-ménage à l'extérieur. Elles retournèrent dans le vestibule et Tranit apprécia ses fenêtres dans cette étrange matière qui permettait de voir ce qui se passait dehors sans subir les inconvénients du vent ou de la pluie.

À peine assises, on leur apportait de la bière fraîche et quelques morceaux de criquet grillé enrobé de miel. Ce n'était pas de la nourriture fraîche, mais c'était délicieux.

Tranit s'enquit de la blessure d'Adacie qui jura s'être rendue auprès d'un mage. La petite enseigne pouvait en témoigner.

Tranit la prévint en souriant qu'elle vérifierait plus tard. Puis elles se racontèrent leurs journées respectives. Maintenant que tout était à sa place, elles pouvaient vivre une vie plus ordonnée.

La petite enseigne revint avec un autre plat, des cubes de chairs de carpe et de panais cuits à la vapeur.

Tranit n'avait pas trop l'habitude du poisson, mais Adacie lui expliqua qu'elle en mangerait beaucoup parce que les montagnards en raffolaient et qu'Erwan avait décrété que c'était très bon pour la santé.

Tranit se laissa tenter mais trouva l'ensemble un peu fade. Elle se retint de se plaindre, effrayée qu'Adacie se mette en tête de lui faire plaisir. Il y eut enfin un coulis de framboise.

Adacie expliqua qu'en temps normal les repas comprenaient trois services, une tradition imposée par Erwan. Mais en manœuvres, en cas d'engagement, la situation imposait ses conditions.

Tranit s'en satisfit. Elle n'était pas une grosse mangeuse et la variété imposée par les trois différents plats lui plut. Elles eurent droit à un lait de noisette bien chaud et relevé d'une petite goutte d'alcool.

Elles se partagèrent une pipe de chanvre et Tranit retourna chercher le panier sur son lit. Adacie se redressa sur son siège et ses yeux se mirent à pétiller.

Lorsque Tranit releva le rabat, la jeune fille laissa échapper un petit cri de surprise, incrédule. Tranit lui dit de prendre une arme.

— Sahix est passé me voir avec les officiers de notre cavalerie et un adjudant maître armurier. Il m'a dit que c'était un cadeau d'Erwan pour hier et pour le livre.

— C'est magnifique. Si vous saviez combien j'en ai rêvé de cette arme ! Elle est réservée...

— Aux mousquetaires et aux carabiniers de la garde ! Oui, Sahix me l'a expliqué. Il m'a dit que normalement tu aurais dû intégré cette unité, c'est vrai ?

— Oui mon commandant. À la fin de nos deux années d'enseigne, les meilleurs intègrent une des deux compagnies de mousquetaires pour un an au moins. Ils en sortent avec le grade de lieutenant dans les autres régiments. C'est l'élite. Ceux qui restent deux ans deviennent capitaine ou commandant.

— Donc je t'ai empêché d'y aller ?

Adacie s'affola !

— Non mon commandant ! Elle bafouilla d'émotion, rougit avant de retrouver ses mots. J'ai eu la chance de vous reconnaître alors que tout le monde avait ordre de vous retrouver depuis le début d'après-midi quand sa seigneurie a appris que vous seriez chassée de la milice.

Le prince Awel lui avait parlé de vous, ainsi que le colonel Cydrac. Ils le plaisantaient, mais nous avions ordre de vous retrouver. Cela faisait au moins trois cents personnes ici et en ville à chercher partout, mais personne ne savait ce que vous alliez faire.

Et moi qui revenais d'une nouvelle ronde parce quelqu'un croyait vous avoir vue... j'étais épuisée, j'apportais de mauvaises nouvelles et... Et je me tourne pour vous voir dans votre coin, resplendissante ! Je crois qu'au début je n'y ai pas cru !

Tranit s'amusa de la voir évoquer cette rencontre d'une manière totalement inattendue alors que ce n'était que trois soirs plus tôt. Elle attrapa la main d'Adacie qui tremblait d'émotion.

— Alors tu vas te calmer, parce que j'ai bien remarqué en si peu de temps que tu gigotes des fesses quand tu veux dire quelque chose à quelqu'un mais que tu hésites et que tu remues la main ainsi quand tu as peur de faire une bêtise.

Adacie regarda sa main qui gigotait encore malgré la poigne de Tranit et sourit, tristement.

— Je ne voulais pas vous vexer ni vous attrister commandant. En me nommant lieutenant et en me donnant à vous, sa seigneurie m'a fait honneur. J'ai presque peur de ne pas être à la hauteur.

— La hauteur de ses espérances ?

— Et des vôtres commandant, surtout des vôtres.

Tranit relâcha sa main qui s'était calmée et lui attrapa le bout du nez.

— Ne dis pas de bêtises Kalonig, c'est moi qui débarque dans votre monde si différent du mien, c'est moi qui devrais avoir peur de ne pas être à la hauteur de vos espérances.

Elle la pinça avec douceur, lui interdisant par son sourire de répondre ou de se remettre à trembler.

— Voilà, il est tard, tu dois avoir des potions encore à prendre et moi je veux me doucher.

* * *

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant