CHAPITRE QUARANTE-TROIS .5

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Le prince Awèl fit patienter son auditoire un court instant pour afficher un nouveau sourire de satisfaction.

— J'ai eu la nouvelle ce matin. Trois catamarans chargés à ras bord d'armes et de munitions, de matériel et surtout d'hommes expérimentés, escortéspar un croiseur trimaran, qu'il confie à Erwan par mon intermédiaire, à charge pour lui de les former en un régiment comme celui que tu montes Tranit.

Erwan intervint de nouveau.

— Le point important est le suivant : Tranit, auras-tu le temps de t'occuper d'un régiment supplémentaire ? Avec tout ce qui t'incombe ?

La jeune fille eut un petit soupir, la réponse n'était pas facile.

— Je devrais dire non, votre altesse, parce que la tâche qui nous attend est difficile, mais je ne peux repousser votre demande.

Demain, le commandant Luin va répartir l'ensemble de nos hommes dans de nouvelles unités. Cela devrait prendre deux jours, trois au plus ? Tranit interrogea Luin du regard qui confirma d'un signe de tête. C'est ce que je pensais.

Alors nous pourrions pour les quinze prochains jours dédoubler nos unités pour que les nouveaux s'imprègnent mieux de notre façon de faire. Ces nouveaux hommes sont-ils expérimentés ?

Le prince fit signe que oui et précisa.

— Tous le sont plus ou moins. Il y a des anciens de la garde qui venaient en fin de contrat et ont signé pour cette nouvelle unité. Des soldats et des cadres.

Il y en a une trentaine formée par Louvie justement. Des volontaires d'Arthèz que mon père engage régulièrement pour ses chars, une centaine d'hommes et leurs célèbres immenses dorkis.

Benwan qui assistait à la réunion se redressa fièrement. Ces hommes, ces montures qui venaient de chez lui avaient dû remplir les poches de son père.

C'était bien la première fois depuis longtemps que l'or rentrait si facilement en Arthèz.

Tranit échangea un rapide coup d'œil avec Luin et ses commandants, mais l'occasion était tentante.

— Bien votre altesse. Si Erwan n'y voit pas d'inconvénients, nous formerons vos hommes.

Le soulagement sur le visage du prince était évident. Erwan lui tapota l'épaule.

— On va pas te laisser démuni face à ta fratrie. Tes navires seront là quand ?

— Demain soir au plus tard.

— Merde ! Ils sont partis quand ? Erwan n'en revenait pas et le prince dissimula difficilement sa satisfaction.

— Hier matin seulement... Mais c'est parce que mon père a fait comme ce quetu as déjà essayé avec ton croiseur, s'empressa-t-il d'ajouter.

— Ce que je...

Erwan semblait pris au dépourvu et cela ne semblait pas trop lui plaire, une veine était apparue au-dessus de sa tempe gauche.

Tu en avais parlé lors de ton séjour à l'Ascain... de monter une zéro-onze sur un de nos croiseurs trimarans...

Les yeux d'Erwan pétillèrent.

— Non ! Il l'a fait ?

— Avec l'aide de tes techniciens, oui. Je n'en sais pas plus, mais il en a monté un grand modèle sur un trimaran.

Tranit se tourna vers Adacie parce que la plupart des gens présents ne comprenaient pas de quoi il était question. Sa lieutenante souriait elle aussi en entendant le prince.

Elle s'approcha de Tranit et lui expliqua rapidement, ainsi qu'à l'attention des commandants.

— C'est quelque chose que notre seigneur a créé. Il faut le voir pour le croire, c'est un monstre de fer, de vapeur, de puissance.

— C'est pour quoi ?

— Une seule peut remplacer des centaines de dorkis. Je ne l'ai vue que trois fois, mais la première, j'ai cru mourir de frayeur.

Erwan pressait l'épaule du prince, heureux, mais encore un peu irrité.

— Merde, Awel, j'aurais tellement voulu être là et le faire moi-même. Déjà que pour le 0321 je me suis contenté de découvrir une fois les gros travaux achevés...

- Le 0467 sera un excellent renfort pour ton croiseur et mon père m'assure que notre flotte n'en sera que plus efficace, avança le jeune prince, encore un peu impressionné par l'air de son aîné.

- Bon, c'est réglé, décida. Commandant Luin, comme Tranit l'a dit, vous passerez la journée de demain à recomposer vos unités, toutes vos unités.

Elles seront doublées par les troupes d'Awel et vous aurez au moins une quinzaine de jours pour leur inculquer les notions fondamentales. Benwan tu te chargeras de tout ce qui est cavalerie, charrerie.

Pour tout ce qui est chiffres, calculs vous donnerez tout à Mousse demain soir, ça l'amusera un peu et il confectionnera moins de sucreries. Il a repris du poids et va encore avoir mal aux dents !

Les quelques initiés s'en amusèrent. Erwan poursuivit.

— Tranit, je sais que tu as du travail, mais je dois t'en donner plus. Je vais devoir m'absenter pour rencontrer le... géniteur de la petite Suwane. J'ai besoin de ses oiseaux.

Maintenant encore plus qu'avant. Glèm a préparé le terrain pour moi, mais si la famille d'Ustaritz se montre intéressée, le seigneur d'Isturits ne décolère pas.

Donc toi, tu vas établir la stratégie d'attaque de ton régiment. Tu vas trouver le moyen d'escalader les remparts. Je t'enverrai des gens demain matin, des gens auxquels tu pourras poser toutes les questions étranges qui te passeront par la tête pour remplir ta mission.

Avec Adacie à tes côtés, vous vous débrouillerez bien. Vous continuerez à vous occuper de la petite Suwane, je pressens qu'elle nous sera d'importance d'ici peu.

Tranit ne put s'empêcher de tourner la tête vers les tables ou Suwane se trouvait avec le druide en grande conversation, écrivant frénétiquement ses réponses à ses questions quand son cousin ne pouvait le faire.

Erwan attira l'attention de tous et poussa son cousin vers Luin.

— Cousin, raccompagne le commandant Luin et ses officiers jusqu'à leur transport. Tu pourras lui parler en détail des accommodements que tu envisages de leur fournir.

Des lueurs d'intéressements apparurent dans les regards qui commençaient à montrer quelques signes de sommeil.

Adacie glissa au creux de l'oreille de Tranit.

— Le prince demande beaucoup, il est donc normal que nous y trouvions notre compte, sous forme d'argent, de matériel, pour nous récompenser de nos peines.

— Je comprends, c'est la même tradition chez nous.

Awel faisait quelques signes à ses enseignes et plusieurs d'entre eux arrivaient les bras chargés de cadeaux pour Luin et ses semblables. Ils se mirent en route pour rejoindre l'Adour, en devisant comme si de rien n'était.

Sarix fit un signe d'au revoir chaleureux à Tranit et suivit le mouvement. Benwan les quitta à son tour avec ses officiers.

— Aucune raison pour que je laisse à tes officiers tous les petits cadeaux que son altesse va nous proposer. Je te reverrais très bientôt Tranit. Votre seigneurie.

Benwan salua Erwan avec déférence et fit signe à ses hommes d'y aller. Erwan recula jusqu'aux tables débarrassées et s'assit sur le premier siège venu.

D'un geste un peu fatigué, il fit signe à Adacie et Tranit de s'asseoir à ses côtés et un enseigne leur apporta des boissons.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant