CHAPITRE VINGT-HUIT .2

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La fin du voyage fut beaucoup plus calme et elles longèrent Outre-berge par l'ouest puis arrivèrent finalement sans histoire au campement provisoire de ses volontaires.

Son autre chariot s'y trouvait, en proie à une activité fébrile. Des tables avaient été dressées sous un auvent de toile, une cuisinière s'affairait autour de deux grands feux. Tranit ne fut pas fâchée de lâcher les rênes de son acquisition et poussa un profond soupir.

La sergente Macie était déjà là au rapport et Tranit l'écouta, bien malgré elle.

— Tout le bagage de votre chariot d'état-major est là mon commandant. Les enseignes sont arrivés et installent vos affaires.

— Merci sergent et je vois que vous préparez le repas avec mes officiers.

— Oui commandant. Voyant que vous seriez en retard, j'ai proposé au commandant Luin d'organiser un repas léger avec les commandants d'unités. Demain, vous pourrez rencontrer les autres officiers plus longuement.

Tranit approuva.

— Bonne initiative sergent. Vous ferez offrir quelque chose à boire aux chefs de section pour m'excuser de reporter encore cette rencontre.

— Oui mon commandant, j'ai ce qu'il leur faut.

— Bien, maintenant, qu'on me laisse assez de temps pour me doucher et me changer, j'ai encore l'impression d'avoir de la fiente de mouette partout !

La sergente regarda Tranit avec des yeux exorbités mais n'osa pas demander de précisions. Adacie lui installa un petit abri de toile pour s'y doucher et lui fit apporter de l'eau chaude.

Tranit dut la menacer pour qu'elle arrête de bouger et chargea les enseignes de s'occuper d'elle jusqu'à son retour, ça leur ferait une bonne occasion de faire connaissance.

Propre, habillée de frais, Tranit put enfin se rendre auprès de ses officiers. Une douzaine de personnes papotait autour des tables, un verre à la main, dans une ambiance décontractée.

À son arrivée, un enseigne l'annonça et elles se mirent toutes au garde à vous. Luin vint la saluer puis lui désigna un homme derrière lui.

— Mes respects, commandant. Voici le commandant Silain du deuxième bataillon.

Tranit répondit à son salut. Luin présenta ses capitaines, Silain fit de même pour les siens. Les deux derniers officiers dépendaient de Tranit directement, le responsable de l'artillerie et celui de la compagnie auxiliaire.

Tranit effectua la formalité de répondre individuellement à chaque salut puis désigna les tables.

— Mesdames, messieurs, prenez place, je vous prie. Je me faisais une joie de vous rencontrer tous ensemble avec vos lieutenants, mais le service de sa seigneurie prime avant tout. Dès demain, je me ferais un plaisir de visiter chaque compagnie et de rencontrer vos adjoints et vos hommes. Commandants Luin et Silain, mettez-vous près de moi s'il vous plaît.

L'enseigne vint offrir une chope de bière à Tranit, qui la leva et la but à la santé de tous et ils s'installèrent pour dîner. Tous brûlaient de savoir ce qu'elle avait fait pour Erwan mais Tranit voulait d'abord savoir ce qu'ils pensaient de ses volontaires.

Elle enchaîna les questions et écouta attentivement les réponses, satisfaite de ce qu'elle entendait. Elle s'excusa auprès de Luin pour l'envoi de nouveaux volontaires le matin même mais le commandant dit que ça n'était rien.

Quelques blessés légers avaient été récupérés, le sénéchal lui avait envoyé une autre vingtaine d'hommes aussi un de ses capitaines avait supervisé l'intégration des nouveaux.

Tranit se la fit expliquer en détail et apprenant que dès le lendemain matin les hommes participeraient à des exercices physiques ensemble, Tranit décida d'y participer.

Elle expliqua que d'ici trois jours au plus elle organiserait ses volontaires en une grosse compagnie de milice avec et contre laquelle les compagnies des bataillons s'exerceraient.

Le soir, Tranit organiserait des exercices théoriques avec les officiers pour expliquer les manœuvres. Elle qui avait lu et relu son livre trouvait cela tout à fait normal mais, en voyant les visages des officiers, comprit que pour eux c'était quelque chose d'entièrement nouveau.

Cela l'amusa presque pour une fois d'impressionner ces Montagnards. Le repas, presque improvisé, se déroula fort bien. Une étiquette assez précise l'encadrait, Luin lui expliqua que c'était même inclus dans ce fameux TTA, à l'usage des officiers et Tranit convint que cela avait du sens.

Les milices étaient formées de gens habitant la même ville, le même quartier et les gens se connaissaient, savaient se comporter avec les autres.

Mais les unités montagnardes étaient parfois formées de gens venant d'endroits complètement différents, comme c'était le cas pour ses bataillons du Barcus, aussi les hommes comme les officiers devaient respecter un certain nombre de règles de politesse, comme la tenue face à l'alcool, la manière de poser une question à quelqu'un situé un peu loin. Même les exclamations de joies étaient codifiées pendant les repas.

Hormis pour les chanteurs et musiciens qu'on pouvait applaudir, les autres félicitations se manifestaient en tapotant de la main sur la table. Tranit sourit et s'excusa, mais son ordonnance ne lui en avait encore pas parlé, tant de choses étaient nouvelles pour elle.

Le capitaine de l'artillerie lui demanda pourquoi son ordonnance n'était justement pas là, puisque cela faisait partie de ses attributions. Tranit expliqua qu'elle avait été blessée en fin de matinée lors d'une action avec Erwan et Cydrac.

Tous les yeux se braquèrent sur elle, avides d'en savoir plus. Tranit se sentit prise au piège et repoussa son tranchoir de pain. Elle chercha sa pipe et sa blague de chanvre pour s'offrir quelques instants de réflexion.

Elle offrit une version abrégée de sa journée, mais cela suffit pour captiver son audience. Tous devaient l'imaginer escaladant un rempart, pistolet long brandi et tirant sur l'ennemi. Tranit donna assez de détail pour satisfaire la curiosité de tous.

Lorsque Tranit termina, toutes les mains tapotaient frénétiquement la table. Une petite voix se fit entendre derrière elle.

— La commandante oublie de préciser qu'elle a éliminé vingt-quatre combattants ennemis en moins de vingt minutes et quatre recharges de son PSA cavalerie !

Les tapotements redoublèrent et Tranit se tourna, fâchée de voir Adacie intervenir. La jeune fille était changée et marchait avec une béquille.

— Raison de service mon commandant, un invité surprise.

Un homme sortit de l'ombre, sourire aux lèvres. Tranit se leva pour l'accueillir, heureuse de le retrouver.

— Sahix ! Le prince Awel vous laisse sortir la nuit ?

— Mon commandant raison de service ! Il montra une bouteille de grande taille dont la vue fut accueillie par des soupirs d'aise.

Sahix passa de l'autre côté des tables pour faire face à l'ensemble et donna sa bouteille à un enseigne, lui faisaient signe de remplir les verres.

— Son excellence le prince Awel tient à féliciter la commandante Tranit pour son action d'aujourd'hui et m'a demandé de vous remettre ce modeste présent, une bouteille de vin de la réserve personnelle.

Tranit n'avait jamais entendu ce mot, mais à voir les sourires de joie sur les visages des officiers, les montagnards semblaient apprécier cette boisson. Sahix poursuivit.

— Je suis aussi venu vous annoncer l'attribution d'un peloton de chasseur pour chacun de vos bataillons et votre compagnie de commandement.

Le sixième chasseur d'Arros est trop doté, aussi sa seigneurie a décidé qu'un demi-escadron vous sera attribué dès demain. Ils rejoindront vos compagnies de fusiliers au camp.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant