CHAPITRE QUARANTE-SIX .1

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Tranit n'insista pas devant l'air hébété de son interlocuteur. Peut-être qu'en soirée il devenait plus compréhensible. Elle fit signe à Lonig de s'en occuper et Adacie revint à ce moment-là, le regard exorbité en découvrant l'individu.

Tranit lui fit signe de ne pas y prêter attention.

— C'est arrangé commandant, lui annonça son adjointe. Le bateau peut nous y conduire en deux petites heures au plus. On prendra l'armurier au passage. L'instructeur TAP a accepté de nous attendre jusqu'à dix-huit heures. La journée va être longue, soupira-t-elle.

— Comme d'habitude. Laisse tes instructions aux enseignes et au maître de camp. Nous partons toutes les trois avec nos montures avec une escorte simple.

— Je m'en occupe. Je vous rejoins à l'écurie d'ici peu.

Adacie repartie en courant, appelant déjà les enseignes autour d'elle. Tranit et Suwane rejoignirent leur chariot d'habitation pour y prendre quelques affaires avant de rejoindre l'écurie. Adacie les y retrouva, légèrement essoufflée.

— C'est bon commandant. Tout est 10-4 ! ajouta-t-elle, souriante, vous avez l'heure ?

Tranit s'en amusa et utilisa sa montre pour voir qu'il était un peu moins de huit heures du matin, ce qu'Adacie confirma d'un signe de tête.

— 10-4, lieutenant ?

— Oui, commandant, on y va !

La petite troupe quitta la forteresse et rejoignit les bords de l'Adour et le navire duquel les derniers éléments apportés par le génie et les spécialistes d'Erwan étaient déchargés.

Le capitaine les attendait sur le pont et les fit monter à bord, un marin leur indiquant la petite cale dans laquelle leurs montures allaient pouvoir voyager.

Tranit aurait bien aimé visiter le navire, mais Adacie parla avec un marin qui, après quelques instants de réflexion, les conduisit dans une salle vide à quelques pas de la cambuse. Adacie trouva cela très bien et remercia l'homme.

— Nettoyage des armes de poings. Les enseignes vont nous apporter les pistolets longs et courts. On commence par le revolver.

Tranit n'avait que donné un bref coup de chiffon au sien après le tir, puis pendant sa discussion avec Adacie. Elle s'empara de son arme qu'elle déverrouilla pour la décharger. En faisant coulisser une tige fermement fixée, le canon de l'arme basculait vers l'avant, donnant accès au barillet contenant les six cartouches.

Cette fois-ci, Tranit vit distinctement des traces noires à l'intérieur du canon et même quelques résidus poudreux sur le cul du barillet. Adacie s'en doutait parce qu'elle les signala aussi à l'attention de Suwane.

— Voilà ce qui se passe lorsqu'on ne nettoie pas l'arme entièrement après une longue séance de tir. Il y a des dépôts. Le pistolet est encore utilisable, mais si cela s'accumule pendant des jours et des jours, un accident peut arriver. Les dépôts peuvent corroder l'acier.

— Hier, nous n'avons tiré qu'une trentaine de cartouches, lui fit remarquer Tranit, pendant un combat cela se monterait à combien ?

La jeune lieutenante haussa les épaules, sans avoir besoin de réfléchir.

— Cela peut aller jusqu'à deux cents. Les hussards de Cydrac sont montés à ce nombre lors des plus gros combats contre la cavalerie d'Arros. Mais ils étaient à un contre vingt-deux.

J'ai participé à un combat annexe avec des chasseurs à cheval et des dragons. J'ai tiré plus d'une centaine de balles avec les deux types de pistolets en quatre assauts.

Tranit et Suwane étaient accrochées aux paroles d'Adacie, mais la jeune fille refusa d'en dévoiler plus et se limita à l'essentiel.

— Tard le soir, lorsque nous avons été enfin relevés, je n'avais plus de force dans les bras et pourtant, j'ai dû nettoyer mes armes. C'était horriblement difficile, mais vital.

Le lendemain, il y a eu une dernière contre-attaque stupide d'un seigneur vaniteux. Plusieurs de ceux et celles n'ayant pas eu la force, l'envie de nettoyer leurs armes ont eu des incidents de tir. Quatre de nos neuf morts furent dus à la négligence du nettoyage. Erwan était furieux.

Nos morts ont failli finir dans le digesteur le plus proche avec interdiction de prononcer leurs noms ni même de se souvenir d'eux. Ce fut terrible.

Tranit et Suwane étaient terrifiées. Quel sort plus horrible que d'avoir son cadavre jeté comme un rebut et son souvenir effacé de la mémoire des autres ?

La colère d'Erwan avait dû être extrêmement violente. Tranit le devinait capable de violence, c'était évident. Un prophète n'était qu'un homme après tout.

Envoyé par les dieux, certes, mais un homme doté de sentiments. Mais la colère n'était pas dans leurs habitudes, à en croire les chants. À moins que cela fût consécutif à la peur.

Quoi qu'il en soit, Tranit se trouva beaucoup plus attentive lors des explications suivantes et pendant son nettoyage. Même Suwane semblait plus concentrée.

Les deux pistolets furent sommairement démontés, les noms des différentes parties révisés et répétés plusieurs fois. Lorsque les deux enseignes vinrent avec leurs pistolets longs, Adacie supervisa le démontage et l'entretien avec une sévérité peu coutumière. Elle en profita pour expliquer l'arme à Suwane.

Lorsque le navire fit une brève halte dans le port civil de Maubourguet, pour y embarquer un petit groupe de personnes et leurs affaires, les pistolets et revolvers étaient propres et brillants, comme neuf, prêts à subir la plus sévère des inspections.

L'armurier, qui les rejoignit avec cinq enseignes, appartenait au régiment de chars de Benwan. Tout le monde s'installa face à l'adjudant qui sortit des deux caisses l'accompagnant, deux immenses fusils FLAPACA et des pièces permettant d'en remonter trois autres.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant