CHAPITRE TRENTE-TROIS .1

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Jusqu'à la fin de l'après-midi, Tranit détailla à Adacie et Lonig les tactiques utilisées pour les combats de remparts. Utilisant ses petites pierres de couleur pour représenter les différents types de combattants, Tranit expliqua les techniques apprises auprès du légat et dans l'ouvrage qu'elle possédait avant de montrer ses petites modifications personnelles.

Adacie et Lonig ne cessaient de noter à toute vitesse ses indications avant de révéler à leur tour les techniques utilisées par leurs troupes. Tranit notait quelques réflexions. Un assaut mené par des fusiliers allait être complètement différent, avec ces armes capables de percer boucliers et armures à d'aussi grandes distances.

Lors des exercices, les combats avec les arbalétriers montraient qu'il fallait moins de soixante pas aux assaillants pour obtenir une poussée efficace.

Les défenseurs, eux, pouvant s'appuyer sur des barbacanes ou des tourelles cherchaient une distance d'engagement plus grande pour affaiblir les assaillants puis les repousser.

Les stratégies d'attaque et de défense allaient s'en trouver complètement modifiées.

Tranit nota cela dans un coin de sa tête. Dès le lendemain lorsqu'elle préparerait ses anciens miliciens elle devrait revoir avec eux toutes les tactiques apprises étudiées pour que les fusiliers soient submergés et apprennent dans l'urgence à faire face. Cela allait promettre quelques entraînements bien vigoureux.

Elles travaillèrent ainsi jusqu'à ce que l'armurier rapporte les deux armes avec ses aides. Il montra avec fierté la modification qu'il avait imaginée pour le système de pompe.

La poignée de dague était naturellement relevée dans le sens du canon, mais il suffisait de la saisir pour qu'elle pivote vers le bas. Dès qu'elle était relâchée, elle revenait en position. Cela facilitait le rangement dans son étui qu'il avait juste fallu élargir.

Tranit était fort satisfaite et s'accorda un dernier tir de nuit pour fêter cela. Adacie, Lonig et le second enseigne ainsi que le jeune homme arrivé avec les montures y participèrent aussi.

Une centaine de cartouches furent encore utilisées et les résultats furent au rendez-vous. L'armurier les nota pour compléter son rapport aux services du sénéchal. Il savait que l'histoire allait faire du bruit.

Les troupes présentes se préparaient au départ. Tranit fit ranger son chariot de commandement et plaça les pièces des carabines dans un coffre, après avoir signé un papier à l'armurier le déchargeant de toute responsabilité. Il rejoignit son chariot satisfait.

Lonig s'arrangea pour piocher quelques provisions auprès de la cantine des fusiliers, de quoi patienter jusqu'au dîner. Lorsque Tranit proposa à Adacie de choisir entre un retour en chariot ou en dorkis, son aide de camp n'hésita pas.

— Ma blessure va très bien commandant. Vous avez bien vu que je n'ai pas fatigué ma jambe. Une petite ballade en dorkis me fera le plus grand bien.

Tranit se tourna vers ses trois enseignes.

— Bien, nous suivrons le convoi. Enseigne Lonig, vous êtes responsable de mon chariot avec la sergente Macie. Assurez-vous qu'un bon repas nous attende au camp, nous aurons très faim.

La petite sembla très contente d'être nommée responsable devant les deux garçons. Tranit savait très bien ce qu'ils pensaient.

Les garçons étaient toujours pareils, il fallait leur dire les choses bien en face pour qu'ils les comprennent.

Tranit et Adacie montèrent sur leurs montures et regardèrent la colonne de cavaliers et de chariots s'en aller au trot. Tranit regarda le champ de tir désert plongeant dans l'obscurité puis fit signe à Adacie d'y aller.

Au pas, elles commencèrent à remonter la route conduisant au campement. Plusieurs idées flottaient dans l'esprit de Tranit, mais aucune ne semblait émerger aussi s'abandonna-t-elle à écouter Adacie fredonner l'air si connu, celui qu'Erwan jouait sur son luth, celui que les hommes hier encore chantonnaient après qu'elle eut abattu la fouine.

Tranit la regardait amusée, Adacie fronçant les sourcils à chaque fin de couplet. Intriguée, elle finit par lui demander ce qu'elle faisait. Adacie la regarda, presque étonnée que Tranit ne l'ait pas compris.

— Je cherche le bon couplet, mon commandant !

— Le bon couplet de quoi ?

— Ce que vous avez fait aujourd'hui, imaginer ces modifications de la carabine, c'est forcément dans la chanson.

— Dans les Larmes de Tranit ? C'est ce que tu penses ?

— Ben... oui ! Ça fait déjà cinq couplets qui correspondent.

Tranit laissa échapper un petit rire nerveux. Elle n'avait pas compris qu'Adacie semblait réellement tenir à cette légende.

Elle ne put s'empêcher de prendre la main de la jeune fille dans la sienne.

Kalonig ? Je te remercie pour tout, je reconnais que ton seigneur est quelqu'un d'extraordinaire, que depuis notre rencontre beaucoup de choses incroyables se sont produites, mais je suis malheureusement persuadée que ce chant n'est qu'une chanson et qu'elle n'a rien à voir avec moi.

Tranit parlait d'une voix douce, ne voulant pas froisser Adacie, mais la jeune fille lui sourit comme d'habitude avant de porter sa main à ses lèvres pour y déposer un tendre baiser.

— Bien sûr que si mon commandant. Pour moi, c'est l'évidence ! Les eubages de Louvie et du Juzon avaient bien raison.

Tranit se demanda ce que les druides-devins pouvaient bien avoir avec elle.

— Adacie, je suis fille de druide et malheureusement, j'ai trop souvent entendu les eubages raconter des sornettes. Qu'auraient-ils raconté sur moi ?

— Pas sur vous, commandant, sur Erwan. Ils ont prophétisé que le fils de l'Éclair bleu gagnerait la reconnaissance de tous grâce à une déesse guerrière.

Tranit ne put s'empêcher de rire.

— Une déesse guerrière ? Dans la chanson, la Tranit n'est qu'une princesse et tous les malheurs auxquels elle doit faire face ne sont là que pour souligner nos espoirs déçus.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant