CHAPITRE QUARANTE ET UN .1

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Tranit regarda la dernière figure que la capitaine venait de réaliser avec ses petites pierres colorées. Les fusiliers étaient plus espacés que ses arbalétriers, mais cela se comprenait avec la différence de portée et de cadence de tirs des deux armes.

— Et vous êtes certaine que cette demi-douzaine aurait été suffisante ?

La capitaine rougit et commença par s'offusquer avant de comprendre que Tranit la titillait un peu.

— Oui mon commandant. J'ai eu la même situation voici presque deux ans. Lorsque sa seigneurie a pris l'Asasp, il n'y a eu que la famille d'Arros pour tenter de se soulever.

Le promontoire, c'est le nom de leur territoire, était fermé par un long rempart. Passer par les baïssa était trop pénible. Nous avons souffert pour attaquer le rempart en plusieurs points et nous avons eu des pertes. Par contre, une fois dessus, j'ai attaqué plusieurs casemates de cette façon et nous les avons toutes prises rapidement.

— Oui capitaine. Mais des troupes mieux préparées auraient sans doute réussi plus rapidement à éteindre vos fumigènes et riposter plus efficacement.

Mais c'est bien ça. Aujourd'hui, si votre échelle n'avait pas glissé, vous auriez remporté la partie.

La capitaine et ses collègues montraient tous un air ravi et il y avait de quoi. Pour ce deuxième exercice, les assaillants avaient modifié leur attitude et leur approche.

Comme le groupe du matin, ils avaient lancé quatre colonnes d'assaut simultanément, mais juste après le début de l'engagement, alors que la moitié de leurs forces étaient encore en bas du rempart, ils avaient engagé deux chariots surmontés d'échelle pour attaquer directement les deux casemates aux extrémités.

Deux sections de fusiliers qui avaient pour mission de fixer, de réduire les renforts des défenseurs. Par malheur, une échelle avait glissé hors de ses attaches temporaires réduisant l'effet de surprise à néant.

Tranit avait laissé l'exercice se poursuivre, après s'être assurée qu'il n'y avait pas de blessés graves. Quelques commotions, des foulures, rien de préoccupant, d'après le druide médecin.

— Même si c'était un exercice, c'est dans le but de gagner une bataille, la guerre. L'idée de fixer des échelles pour amener une section d'assaut est vraiment ingénieuse et nous pourrons la réutiliser.

Mais dans ce cas, il faudra s'assurer que le matériel utilisé est assez résistant. Sans cet accident, vous auriez remporté cette manche. Félicitations !

Tranit fut la première à les applaudir, ils le méritaient. Elle laissa son enseigne dessiner les croquis tracés au sol et invita tout le monde à se relever pour partager quelques boissons fraîches. Elle était contente de sa journée et des progrès réalisés.

Elle poursuivit à l'attention des officiers.

— Demain, avec le commandant Luin, nous allons recomposer vos unités. Nous n'avons pas d'autres choix pour y intégrer mes hommes et que toutes nos compagnies soient d'un niveau comparable.

C'est l'ensemble qui donne sa force à notre régiment. Nos hommes ont tous des histoires différentes, mes miliciens sont tous qualifiés pour ce travail de rempart, les vôtres pour une bataille en extérieur.

En les assemblant ensemble, ils partageront mieux leurs expériences et leur savoir. Il y aura sans doute beaucoup de changements, mais ensuite nous aurons encore deux décades complètes pour nous habituer aux uns et aux autres.

Lorsque nous commencerons l'ascension des Pyrénées, le Barcus sera fin prêt pour la tâche qu'Erwan nous a assignée.

La capitaine qui s'était comportée comme porte-parole des autres leva la main.

— Mon commandant ? Vous en savez un peu plus sur cette forteresse d'Azil ? On entend tellement de choses.

— Je vais le savoir aujourd'hui ou demain. Erwan est allé voir par lui-même. Dès que j'en saurai plus, je vous le dirai et nous mettrons notre plan au point.

Lorsque nous arriverons, nous la prendrons et nous écrirons notre chanson de gloire !

Tranit venait de déclarer sa dernière phrase en appuyant bien sur chaque syllabe pour que tous comprennent bien qu'il n'y avait pas d'autre alternative.

Leur régiment était là pour enlever cette forteresse mystérieuse et imprenable qui protégeait le Fossat depuis des siècles.

La quinzaine d'officiers lui faisant face avaient tous cet air déterminé, ils y croyaient aussi fermement qu'elle, leur seigneur prophète leur avait assuré la réussite.

Tranit fit rompre, il allait être temps de son rendez-vous.

Les officiers réunirent leurs hommes dans les chariots et les deux compagnies constituées retournèrent au camp avec le produit de leur cueillette.

Ses volontaires en avaient fait autant, les hommes se réjouissaient de cette bonne fortune. Des baies précoces, quelques œufs, des herbes aromatiques, leur ordinaire allait s'en trouver considérablement amélioré pendant quelques jours.

L'enseigne lui annonça qu'il avait fini de recopier les plans et que quelques hussards d'Erwan venaient d'être aperçus à peu de distance.

Tranit lui ordonna de rentrer avec le peloton d'escorte pour mettre les croquis au propre, elle n'allait plus avoir besoin d'eux. Ses cavaliers repartirent au petit trot vers la maison fortifiée et elle grimpa sur le sommet de la colline où le rempart avait été créé.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant