Impressionnée, Tranit découvrait les pièces d'artillerie que le capitaine Tuhix avait fait venir. Les chariots avaient été disposés devant le rempart utilisé la veille et faisaient face à l'ouest, à la plaine herbeuse.
Les servants déballaient les munitions et d'autres ustensiles. L'enseigne de Tranit ne semblait quitter sa morosité que lorsque ses yeux se posaient sur ces caisses pleines de flammèches et d'immenses cartouches métalliques.
Tuhix avait mis pied à terre et se tenait devant une baliste de fortification, comme Tranit en avait déjà vu.
— Nous gardons ces armes pour l'instruction et la défense anti-prédateurs. Elles sont faciles d'utilisation, faciles à construire et à utiliser. Mais en général, nous les conservons dans les bases permanentes, les villes et les villages.
— Nous les installons aussi sur des chariots pour nous protéger contre les rapaces ou pour attaquer une position adverse, lui expliqua Tranit.
L'officier fit signe que oui, mais souriait.
— Nous aussi, commandant, nous faisions ainsi. Les lance-flammèches sont trop chers et trop précieux. Mais tout à changer avec sa seigneurie.
Il montra l'arme suivante, un lance-flammèches multiples, capable de projeter une douzaine de traits enflammés à plusieurs dizaines de toises. Les servants finissaient d'ouvrir une caisse de munitions, bien plus courtes que celles que Tranit avait utilisées.
— Sa seigneurie nous a montré qu'il y avait deux actions principales pour les flammèches et qu'il était bien plus efficace de répartir les tâches.
L'artillerie principale, ici, est capable d'attaquer une position adverse à huit cents toises en tir direct, mille cinq cents en tir indirect.
Il fit signe à Tranit de ne pas l'interrompre et lui montra la plaine.
— Vous voyez ces cubes en face ? Ils représentent un bataillon d'infanterie à sept cents toises. Il se tourna vers le chef de pièce.
— Une demi-salve, sergent, en tir de saturation.
Quelques instants plus tard, Tranit entendait les chuintements caractéristiques d'un lance-flammèches et six traits enflammés perçaient l'azur. Peu de temps après, ils explosaient en touchant le sol, enflammant les alentours. Les artilleurs s'applaudissaient et Tranit vit que les tirs avaient été plutôt bien ajustés. Ce qui représentait une trentaine d'hommes avait été réduit en charpie.
— C'est impressionnant, mais pourquoi vos flammèches sont-elles courtes ? Elles font quoi ? Trois pieds, trois pieds et demi de longs ?
— Trois, mon commandant, trois pieds de quatre mains, soit cent vingt phalanges.
Avant même que Tranit put marquer son étonnement devant ces mesures étranges, l'officier avait fait signe à son enseigne de lui passer une flammèche.
Le garçon maussade s'était exécuté avec joie et avait pris dans ses bras un de ces traits de bois recouverts de résine. Il tenait la munition devant lui, à bout de bras malgré son poids.
L'officier poursuivit.
— Sa seigneurie nous a montré qu'une flammèche de cette taille était amplement suffisante pour ce qu'on lui demandait. Nous avons donc réduit la longueur d'un tiers, gardé le même diamètre, une demi-main de cinq phalanges. La tête est identique à vos flammèches, un pot rempli de résine inflammable. Seulement, il nous a appris que le vol des munitions pouvait être allongé et précisé seulement en ajoutant ceci
Il tenait dans la main une espèce de bague entourée de quatre petits triangles qu'il donna à Tranit.
C'était composé de miettes de bois pressées. Son enseigne s'en emparait d'un et cerclait la bague à l'extrémité de la flammèche. Le capitaine poursuivit.
— Cela fait toute la différence mon commandant. Regardez.
Il se tourna vers le lance-flammèches suivant, un modèle identique à celui venant de faire feu.
— Sergent, un tir avec une classique.
L'instant d'après, une flammèche était éjectée du tube et partait avec ses saccades habituelles. Après un vol de quatre ou cinq cents toises tout au plus, la munition s'écrasait au sol ayant déviée d'une vingtaine de toises. Le capitaine refit un geste et l'arme tira une nouvelle fois.
Dans le même temps, la munition se précipitait à près de huit cents toises avec une trajectoire bien plus rectiligne. Tranit fit signe qu'elle avait compris.
— La première était nue, comme les flammèches habituelles, l'autre avait ces... ces quoi ?
— Des ailettes, mon commandant.
Son enseigne avait répondu de lui-même, sourire aux lèvres. Le capitaine lui fit signe d'installer sa munition et de la tirer, ce qu'il fit avec des gestes assurés. Quelques instants plus tard, sa flammèche s'écrasait à quelques pas de la précédente. Tuhix conclut.
— Meilleure portée, meilleure précision, moins de matière pour les construire. Nos flammèches, même avec les ailettes sont moins chères que les anciennes.
— Et les mille cinq cents toises ?
— pareil, sauf qu'il y a deux paires d'ailettes, une sous le pot d'explosif, l'autre à l'extrémité. Regardez. La seconde colline est à mille sept cents toises d'ici.
D'un geste de l'officier, les servants du premier lance-flammèches manipulèrent celui-ci pour viser le ciel. Le sous-officier responsable regardait à travers une pièce de bois pour viser. D'un geste il bloqua l'élévation de son arme et d'un second il déclencha la salve. Les six flammèches jaillirent vers les nuages et Tranit vit les projectiles effectuer une longue courbe, comme au ralenti, avant de repiquer vers le sol. Le sommet de la colline fut recouvert de poussière puis s'embrasa.
— Impressionnant capitaine ! Félicitations les gars ! s'exclama Tranit d'un ton joyeux.
Les artilleurs s'applaudirent de nouveau, contents de leur tir.
Le capitaine se rapprocha de Tranit.
— Sa seigneurie a décidé que chaque régiment aurait six pièces de ce type pour sa protection et nous disposons de dix salves. Avec notre précision et notre portée, c'est suffisant. Pendant les campagnes de l'année dernière, jamais l'ennemi n'a pu nous contrebattre.
— Je vous crois. Mais pour l'attaque alors ? Hier, mes capitaines me parlaient de mortiers...
— Oui mon commandant, c'est en fait un lance-flammèches de poche. Suivez-moi, ils sont plus loin.
Ils marchèrent une centaine de toises et arrivèrent à deux chariots de transports comme ceux que ses hommes avaient utilisés la veille. Le capitaine lui montra la place derrière le cocher.
— Ici, le chef de chariot, l'enseigne ou le lieutenant, disposent de ce meuble solidement fixé. En fait, regardez.
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Vixii
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Les Larmes de Tranit - 2
FantasyPour réaliser un exploit, peut-être est-il préférable de s'y préparer pour y survivre. Avec leurs manies tellement différentes, Tranit est un peu perdue dans ce nouvel univers, surtout avec une adjointe la dévorant des yeux et persuadée qu'elle est...