CHAPITRE TRENTE-HUIT .5

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Le capitaine l'ouvrit et en sortit un quadruple tube de fonte qu'il fixa sur le meuble. Les tubes faisaient une coudée de long. Son enseigne s'était emparé d'un panier et en sortait une flammèche en réduction. Les ailettes semblaient définitivement fixées et la tête plus grosse que le tube

— Mortier multiple de soixante points, c'est le diamètre de la charge. Portée maximale en tir direct cent cinquante toises. Trois cents en tir courbe. Pareil, personne ne peut y faire face.

— Et un mortier pour chaque chariot ?

— Pour les chariots des troupes, oui mon commandant. Six chariots par compagnie, dix-huit par bataillons, chacun avec dix recharges. Chaque compagnie dispose d'un lance-flammèche et des mortiers.

Tranit additionnait le tout. Plus de soixante pièces d'artillerie pour son seul régiment, c'était impensable. Le capitaine comprit son étonnement et ajouta.

— Seulement les unités semblables à la nôtre sont équipées ainsi. Le régiment de Louvie, mais il n'est pas ici, il est resté chez nous, celui de Berasteqi, mais il est aussi resté auprès du seigneur de Banca et le Tardet.

Le prince voudrait aussi transformer un régiment classique en régiment porté comme le nôtre, mais je ne sais pas s'il le pourra, sa seigneurie était hésitante. Cela demande un gros investissement financier pour les armes, le personnel qualifié et l'entretien.

— Nous sommes les seuls ?

— Oui, le Barcus, le troisième régiment d'infanterie porté est le seul ainsi équipé. Mais ce n'est pas tout. Vous connaissez le lieutenant Salix ?

— Oui, il était avec nous hier. Il est responsable de l'artillerie contre les rapaces ?

— Oui, on dit la DCA, ou la triple A. Défense contre les aviaires, artillerie anti aviaire.

Tranit se répéta les sigles pour s'en souvenir et le capitaine lui montra un petit chariot installé sur le rempart, couvrant les pièces d'artillerie présentées.

— Nous allons aller voir un peu plus loin, mon commandant. Je vois que vous avez vos pistolets et une carabine, donc la lieutenante Adacie vous a expliqué comment ces armes fonctionnaient ?

— Oui, elle en a eu l'occasion et Erwan m'a appris à les entretenir.

— Excellent, alors vous ne serez pas trop surprise.

Ils remontèrent sur leurs montures pour rejoindre le haut du rempart et la pièce d'artillerie que l'officier voulait faire découvrir à Tranit.

La jeune femme crut d'abord qu'il s'agissait d'une énorme carabine longue de deux toises, mais son enseigne s'approcha d'elle, le sourire aux lèvres.

— C'est le hessèrecinquante mon commandant... une merveille. Le canon sans recul, S R calibre cinquante points.

— Sans recul ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

Tuhix se rapprocha d'elle.

— Sa seigneurie nous a expliqué que normalement, les canons devraient comporter une pièce absorbant l'énergie du tir, comme dans le fusil, la carabine ou le pistolet. Malheureusement, il ne dispose pas encore des outils nécessaires à la réalisation de ces engins.

Alors, il a créé ce système qui permet de tirer de plus puissants projectiles.

Ils arrivèrent au canon et Tranit vit les cartouches déballées précédemment. Longues de deux coudées, entièrement métalliques, elles étaient impressionnantes. Tuhix répondit au salut du chef de pièce et les montra.

— Voici les obus. Pour les canons on parle d'obus. Ce sont des modèles AA, antiaérien. Comme pour les cartouches de nos pistolets, la mise à feu est faite par un percuteur. Le mélange résine gaz explose et propulse la tête, la charge. Pour les modèles AA, elle se brise en cinq traits brulants. La portée efficace est entre huit cents et mille trois cents toises.

— Portée efficace ?

— Celle où nous sommes assurés de toucher notre cible en trois coups maximum. C'est possible jusqu'à trois mille toises, mais beaucoup plus rare. Pour l'instant, sur les trois cents pièces installées chez nous, quatre-vingt-quatre seulement ont réellement tiré sur des rapaces et soixante-dix-neuf animaux ont été abattus !

Tranit resta songeuse. Le capitaine fit des gestes et lui montra le canon.

— On s'entraîne sur des cibles. Deux ballons vont s'envoler, quelque part, le chef de pièce l'ignore exactement et il va tirer. Regardez bien.

Un artilleur scrutait l'horizon et désigna un point. Tranit vit à sa stupéfaction une grosse boule s'élever dans le ciel. Elle regarda un homme enfourner l'obus dans le tube et refermer celui-ci avec le système de mise à feu.

Le chef de pièce regardait dans une sorte de grillage et manœuvra une poignée pour faire bouger le canon. Après fort peu d'hésitation, il fit feu. La femelle dorkis de Tranit poussa un cri d'effroi tant le bruit fut impressionnant et manqua de s'effondrer à terre.

Le temps que Tranit maitrise son animal et se remette droit sur sa selle, le ballon avait explosé et tombait en flamme vers le sol. Tuhix s'excusa.

— Je ne pensais pas que votre monture réagirait ainsi. Je suis vraiment confus mon commandant.

— Ce n'est rien. C'est une dorkis d'ici, pas de chez vous. Je ne m'attendais pas à autant de bruits pour ce... canon. On va l'éloigner un peu.

Le capitaine fit signe à un soldat d'éloigner la monture de Tranit qui se rapprocha de l'arme pour observer les manipulations. Son enseigne lui expliqua les gestes, mais l'empêcha de passer derrière.

— C'est extrêmement dangereux mon commandant. Comme il n'y a pas de système de recul, tous les gaz sont lâchés derrière. Cela vous assomme un dorkis. Regardez, il plaça de la terre sèche en tas derrière l'arme ainsi qu'un sac de sable, vous verrez, quand il va retirer.

Tuhix faisait un nouveau geste et peu après, d'ailleurs, un autre ballon s'éleva dans le ciel. Les artilleurs le visèrent et firent feu. Tranit vit distinctement la poussière et le sac soufflé par les gaz du canon et lorsqu'elle tourna la tête vit la tête de l'obus devenir cinq points brillants.

Au moins un d'entre eux toucha le ballon qui brula en tombant au sol. C'était incroyable. Ce qu'avait imaginé Erwan était inimaginable. Des armes redoutables, d'une efficacité sans pareille.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant