CHAPITRE TRENTE-SIX .3

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Tranit l'amena près de l'oiseau qui abaissa le cou en poussant de petits cris. Instinctivement, Glèm lui flatta le bec puis le cou. Il s'approcha des blessures qu'il inspecta attentivement avant de s'attarder sous l'aile gauche du volatile. Il réapparut, soulagé.

— Les blessures sur le poitrail ont été bien traitées. Elles peuvent saigner beaucoup, mais c'est surtout impressionnant. Pour l'aile, il faut attendre un peu. Ce n'est pas grave mais Kilam, c'est son nom, ne pourra pas revoler avant deux décades au moins.

Tranit accusa le coup, vingt jours à s'occuper de l'animal, cela allait demander une sacrée organisation.

— Nous ne pourrons pas rester ici. Nous avons une maison forte plus haut. Pourra-t-on l'installer ? Comment vivent ces oiseaux ?

— Les nôtres vivent dans des nids à même le sol, mais ils ont l'habitude des parois. S'il a la place pour tourner sur lui-même, de marcher un peu pour se dégourdir, il n'y aura pas de soucis. Dans la nature, ils vivent dehors, mais ils apprécient le confort.

Il jeta un œil attendri à son oiseau qui restait sur ses pattes, observant son congénère immobilisé et échangeant des cris avec lui.

— Bien, nous nous arrangerons. Adacie, fais passer le message pour qu'une grande tente soit dressée dans la cour de la maison forte, on va la réserver à... elle hésita un peu en regardant le goéland... Kilam.

— Oui, commandant, le génie nettoiera et préparera les lieux. Un enseigne arriva en courant, Alux, le plus âgé d'entre eux.

— 10-41 pour dix trente.

— Bien, ensuite 10-28 à la maison forte... Elle servira d'étable pour l'oiseau blessé. Qu'ils nettoient tout.

— À vos ordres.

Il repartit en courant vers son dorkis. Adacie expliqua.

— Les brûleurs sont là et vont ouvrir le passage, ensuite ils feront la maison forte. D'ici la fin de l'après-midi, elle sera utilisable.

Le chevalier volant se tourna vers elle.

— Merci. J'apprécie votre efficacité. Mon oiseau doit se reposer pour un long vol, nous devons retrouver sa seigneurie ce soir.

— Où ? demanda Tranit, intéressée.

Il montra les montagnes lointaines.

— Là-haut, le Mas-d'Azil. Il y fait encore froid, c'est pour cela que nous allons devoir voler par étape. Nous nous retrouverons au petit matin. Descendre c'est plus facile.

— D'accord. Nous attendons encore Cydrac qui est en route. Venez dans mon chariot, vous allez dire à un enseigne tout ce qu'il faut pour s'occuper d'un goéland.

Lonig était justement devant le chariot, apportant quelques messages. Tranit lui confia le chevalier volant et fit signe à Adacie de la suivre.

— Tu prends ma monture si nécessaire et tu vois avec les différentes unités ce dont elles ont besoin en plus. S'il faut assurer une présence sur plusieurs jours, je demanderai à Luin de diriger le camp à ma place.

Je viendrai ici avec toi puisque je vais former toutes les compagnies au combat de fortification, je passerai la plupart de mon temps dans le coin.

— Bien mon commandant, tout de suite.

D'un geste, Adacie fit venir le dorkis de Tranit et grimpa dessus sans se soucier de sa jambe et s'éloigna au petit trot.

Tranit s'approcha de la blessée inconsciente et s'adressa au druide.

— Lieutenant ? Vous assurez les soins aujourd'hui et demain. Tant qu'elle en aura besoin. On ne la rentrera pas au camp, on va la laisser près de son oiseau, dans la maison forte.

— Oui mon commandant. Quand sera-t-elle prête ?

Il venait à peine de finir sa question qu'une odeur de brûlé très étrange les prit à la gorge.

Au même moment, surgissant du roncier, un chariot équipé de plusieurs quartz brûleurs, poussé par un autre chariot lui aussi propulsé par une paire de dorkis arrivait dans la clairière. L'installation avait brûlé la végétation et le sol, tassant celui-ci et le rendant aussi dur que de la pierre, au moins pour quelque temps. Une haute et large voute avait été creusée dans la végétation pourtant dense et imbriquée.

Tranit désigna l'installation.

— Je pense que cela répond à votre question. Ils vont se mettre au travail une fois l'accès au fleuve réalisé. Vous pouvez déjà embarquer votre patiente. Je vais vous donner un demi-peloton en escorte, elle est précieuse.

Le druide fit signe à ses deux assistants de prendre la blessée avec eux. Elle semblait dormir paisiblement, les mains posées sur le ventre. En la soulevant, la main gauche glissa lentement vers l'extérieur.

Tranit allait s'approcher pour la remonter lorsque passant devant le quartz flotteur arrière du chariot il y eut comme un grincement aigu et la blessée sembla éjectée de la civière comme tirée par son bras. Les deux aides poussèrent des cris d'épouvante, plusieurs soldats assistant à la scène aussi et les deux goélands reprirent leurs jérémiades infernales.

Tranit se précipita vers la jeune fille tombée à terre alors qu'Adacie de retour se précipitait au sol, pistolet à la main, les yeux en alertes, à la recherche d'une menace. La fille eut un soubresaut et sembla reprendre conscience, tremblante. Tranit se releva et fit un geste d'apaisement.

— Tout va bien ! Ce n'est rien ! Reprenez vos positions ! Liaig, ici !

La blessée tentait de se redresser, agrippée fermement au bras d'Adacie. Elle regardait son visage, incrédule, et Tranit devinait qu'elle tentait de savoir ce qui lui arrivait. Seulement ses derniers souvenirs allaient la conduire à une fausse conclusion.

Adacie avait rangé son arme et la berçait contre sa poitrine, la tenant fermement.

— Tout va bien ! Tout va bien...

— Suwane ! Suwane, c'est moi !

Son cousin avait surgi du chariot et se précipita vers elle.

— Je suis là ! Ce sont des amis !

Il lui prit les mains qu'il serra fermement contre son visage ruisselant de larmes. Adacie aida la jeune fille à s'asseoir, la couvrant pudiquement avec le drap de la civière puis s'éloigna pour se relever en regardant Tranit, inquiète.

— Que s'est-il passé ?

Tranit fit signe qu'elle l'ignorait et s'approcha des cousins.

— Si votre cousine le peut, allons dans mon chariot. Adacie, un maillot de rechange dans ma sacoche.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant