Tuhix lui apporta quelques précisions sur le canon.
— Le prix de l'arme et des munitions est très élevé, mais leur réalisation est encore plus difficile. C'est pour cela que nous n'avons qu'un canon par compagnie, et seulement avec une douzaine d'obus pour le mois. Il n'y a que des armes de ce calibre. Erwan a préféré utiliser un seul type. Les canons de 75, ceux de 90 ou de 100 sont extrêmement rares, deux ou trois exemplaires seulement parce qu'il n'y a pas assez d'artisans pour la fabrication.
— Je comprends, il m'a parlé de ce problème pour les fusils et les pistolets. Il dispose d'armes plus efficaces, mais n'est pas capable d'en produire assez.
Son enseigne confirma.
— Oui mon commandant. Quand nous sommes partis pour ici, un maître-artisan armurier était payé deux doubles-lunes par décade, la même solde qu'un commandant et avec une prime à la qualité. Mon oncle a réussi à gagner huit doubles-lunes le mois précédent notre départ.
Tuhix confirma d'un signe de tête.
— J'ai entendu des histoires similaires. Il est très difficile de former un bon artisan, c'est pour cela qu'Erwan les paye autant.
— Je vous crois. Et c'est tout pour l'artillerie ?
— Oui, sinon, il y a quelques quartz pulseurs, trois avec nous. Les canons SR sont réservés uniquement pour la DCA et les chars lourds de Benwan. Erwan a fait remplacer les balistes et scorpions par des canons SR. Mais il dispose aussi de quelques FLACA. J'ai demandé à Benwan de venir nous rejoindre.
— Un quoi ?
— Le FLACA commandant, un fusil très spécial qui est maintenant réservé pour les oiseaux.
Tranit se souvint de l'arme qu'elle avait aperçue la veille sur le dos du goéland.
— J'en ai vu un hier. Ce n'est pas un canon ?
— Non. C'est ce qu'il voulait, mais le recul est trop fort pour l'animal. Alors il a fait l'essai avec un FLACA. Un Fusil Lourd Anti Char et Aviaire.
Nous en avions trois, mais ils ont été repris par l'arsenal central voici deux jours. Comme votre carabine, mais avec un calibre bien plus imposant. La balle fait trente points de large. C'est un trait d'acier extrêmement puissant recouvert d'une couche plus souple.
Cela transperce un char de guerre à plus de mille cinq cents toises, mais c'est vrai que c'est difficile à faire. Mais pour les oiseaux, ou d'autres animaux comme les prédateurs, rien de plus simple. J'ai personnellement abattu un sanglier à mille cent toises l'année dernière. Une balle en pleine tête fut suffisante.
Tranit regarda l'officier, incrédule, mais il lui montra un petit écusson sur son uniforme.
— Officialisé par deux officiers de sa seigneurie. C'était à la fin de la campagne dans le Barcus. Cela m'a valu mon troisième galon de capitaine.
— Félicitations capitaine. Donc ces armes sont réservées pour les aviaires. Combien en avions-nous ?
— Seulement trois pour le Barcus, mais l'arsenal devait en avoir autant et le RCC de Benwan une dizaine, je pense. Depuis qu'il nous a rejoints, je n'ai presque jamais rencontré ses unités qui s'entraînent plus vers l'ouest. Ils étaient en manque d'effectif et ils devaient se mettre au niveau avec ces nouvelles armes.
Le capitaine regarda à travers un cube de cristal enchâssé dans un cadre de bois qu'il portait autour du cou et poursuivit.
— J'ai réussi à obtenir un rendez-vous avec lui pour voir un FLACA en action, il ne devrait plus tarder.
Il regarda Tranit.
— Mes explications sont-elles suffisantes mon commandant ?
— Parfaitement capitaine et je vous en sais gré. C'était vraiment clair. J'aimerais bien voir un chariot en action et utiliser son mortier.
— C'est prévu lorsque le char sera là. En attendant, permettez que mes hommes lâchent encore quelques salves. J'ai aussi des recrues qui ont besoin de s'améliorer.
— Allez-y, faites ! Vous pourriez trouver un peu d'occupation pour mon enseigne ? C'est bien la première fois que je le vois sourire depuis mon arrivée. Il semble apprécier l'artillerie.
Les yeux de l'enseigne lançaient des éclairs de joie. Le capitaine lui fit signe de rejoindre le second chariot équipé d'un mortier. Il fit signe à son propre enseigne qui claironna quelques notes brèves dans sa trompette et lâcha quelques ordres codés.
Tranit s'assit sur son rempart et s'offrit une pipe de chanvre léger pour observer les hommes en actions. Tuhix donnait ses instructions et observait les hommes s'activer.
Quelques dizaines de flammèches furent tirées, une à une, par semi-salve ou bien salve complète. Une formidable puissance de feu. L'instrument qu'Erwan lui avait confié et qu'il désirait qu'elle forme pour lui était une arme redoutable, bien plus qu'une légion impériale comportant pourtant presque cinq mille hommes.
Cette organisation plus souple, capable de se déplacer beaucoup plus vite, d'occuper un espace plus grand, tout cela témoignait d'une pensée tactique bien différente de celle que Tranit avait l'habitude de rencontrer en discutant avec d'autres officiers ou bien en lisant certains mémoires.
Alors qu'elle tirait une dernière bouffée de sa pipe, avant que le chanvre ne devienne trop concentré et lui fasse avoir quelques visions, elle se dit que cette expédition dans les montagnes allait consacrer une nouvelle forme de combat et que ce serait elle qui en serait au cœur.
Le vertige qui la saisit brièvement n'était pas dû aux substances qu'elle fumait, mais à la prise de conscience que quelque chose allait se passer d'ici quelques décades, quelque chose qui risquait bien de changer le monde !
* * *
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Vixii
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Les Larmes de Tranit - 2
FantasyPour réaliser un exploit, peut-être est-il préférable de s'y préparer pour y survivre. Avec leurs manies tellement différentes, Tranit est un peu perdue dans ce nouvel univers, surtout avec une adjointe la dévorant des yeux et persuadée qu'elle est...