CHAPITRE QUARANTE-DEUX .4

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Suwane souleva le couvercle de bois et révéla un éclat de pierre noire. On devinait un œil gravé dessus.

— Tu sais de quelle pierre il s'agit ?

Suwane fit signe que non. Erwan renonça à s'en approcher de plus près, mais il ne connaissait pas cette pierre.

— Accepterais-tu qu'un reierater regarde ce bijou ? Seulement le regarder avec son désamagar, pour me dire de quelle roche il s'agit.

Le père des roches était un druide spécialisé dans les quartz, les pierres et leur assemblage pour en tirer toutes leurs capacités. Suwane semblait effrayée, mais Erwan insista doucement.

— Il ne la touchera pas, ne la prendra pas. Simplement, il l'observera avec son appareil. Cela ne sera pas long. Il aura peut-être quelques questions pour toi.

La jeune fille sembla hésitante avant de lever les yeux vers Erwan et de se plonger dans le bleu de ses pupilles. Elle n'y vit aucune méchanceté ni fourberie, cela la rassura et elle finit par opiner du chef.

— Merci beaucoup Suwane.

— Qu'est-ce que sa seigneurie veut ?

Adacie venait d'apercevoir Erwan et Suwane en grande conversation. Tranit lui posa la main sur l'épaule, amusée de voir Adacie inquiète.

— J'ai parlé de l'incident de la civière à Erwan. J'ai l'impression que cela a rapport avec son bracelet, ce qu'il y a dedans.

La jeune fille se tourna, étonnée.

— Le souvenir de sa mère ? C'est une pierre noire.

— Tu l'as vue ?

— Elle ne le quitte jamais, même pour se doucher. C'est un éclat d'une statue à laquelle sa mère tenait et qui s'est fracturée le jour de sa mort.

Son père l'a fracassée contre le mur. Les enfants s'en sont partagé les miettes.

Erwan revenait vers eux en tenant Suwane par les épaules.

Tous deux semblaient satisfaits.

— Adacie, je te rends ta protégée. Tu as trouvé des endroits pour l'entraînement ?

— Oui seigneur. J'en ai parlé à la commandante. Deux terrains que j'aimerais lui montrer sur le chemin du retour.

— D'accord. Passez-y avec une escorte, je dois renter à la maison forte au plus vite. Tu t'arrangeras aussi pour expliquer à nos deux charmantes demoiselles comment se déroule un repas de fête chez nous et tu les prépareras. N'oubliez pas que les officiers du Barcus vont se joindre à nous, il faudra leur parler du Mas d'Azil.

Tranit et Adacie approuvèrent en même temps. Les instructions d'Erwan faisaient leur effet. La récréation était terminée.

En quelques instants, tout le monde remonta en selle et Erwan disparut au galop suivi de son escorte, de ses enseignes et du chariot.

Adacie donna ses ordres à leur peloton et ils se mirent au trot pour rejoindre les deux endroits sélectionnés. Tranit et Adacie entouraient la petite Suwane qui commençait à se sentir un peu mieux sur un dorkis.

Elle écouta les quelques paroles que les deux femmes l'entourant échangeaient. Adacie parlait d'un quart d'heure pour rejoindre le premier terrain et Tranit s'en montra satisfaite.

L'espace alentour était suffisant pour y manœuvrer à plusieurs compagnies. La façade d'une douzaine de toises de hauteur était suffisamment imposante pour rendre l'exercice sérieux. Le promontoire serait assez vaste pour y recréer un chemin de ronde de la même largeur que leur objectif.

Elles accélérèrent l'allure pour visiter le second terrain. Il y aurait sans doute plus de travail de terrassement à faire, mais cela conviendrait. Tranit se montra amplement satisfaite et ils rejoignirent la maison forte à plus de vingt minutes d'un petit galop.

Tranit manqua de ne plus reconnaître l'endroit tant il grouillait d'activités, de lumière, de gens.

Tous les alentours de la maison forte et du sommet de la colline avaient été déblayés d'une végétation envahissante sur près d'une demi-lieue et des postes de garde temporaires installés.

On devinait les canons de l'artillerie dressés vers le ciel. La plaine devant la maison forte était illuminée par plusieurs dizaines de lampes à quartz.

Au centre de celle-ci, d'immenses tauds avaient été dressés pour accueillir les convives et un peu plus loin des cuisines avaient été installées. Au moins deux mille hommes se trouvaient là. C'était étourdissant.

Elles rejoignirent la maison forte, leur escorte rejoignant un campement temporaire près du fleuve.

Dans la cour, l'agitation était à son comble. Adacie montra les deux grandes tentes des oiseaux à Tranit.

— J'ai tout fait désinfecter et nettoyer. Elles ont l'air occupées. Ton cousin est là Suwane ?

La jeune écuyère fit signe que oui de la tête. Pour elle, les deux chants d'oiseaux étaient aussi caractéristiques que deux voix humaines.

Tranit complimenta Adacie pour tout ce qu'elle avait fait puis elles mirent pied à terre. On vint emporter leurs harnachements et les dorkis furent conduits à l'écurie. Tranit était contente de revoir son chariot et se sentit soudainement lasse. Sur l'instant, elle apprécierait une douche puis une bonne nuit de sommeil.

Elle grimpa dans le vestibule, suivit de la petite Suwane, alors qu'Adacie restait dehors à parler avec des enseignes.

La petite écuyère s'empara de son calepin et s'approcha de Tranit pour écrire.

— Je n'ai pas encore eu l'occasion de vous remercier pour ce que vous avez fait pour moi.

Tranit eut quelques difficultés à la lire, la main de la jeune fille tremblait d'émotion. Elle lui fit signe de s'asseoir à côté d'elle.

— C'est de la chance, heureusement pour toi. Je n'ai aperçu que l'oiseau et me suis imaginé que c'était Erwan et ton cousin. J'ai donné l'alerte et mes hommes ont réagi comme il le fallait.

Suwane écrit encore.

— Adacie dit qu'avec vous ce n'est jamais de la chance !

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant