Fouillant dans ses poches, Erwan en sortit un de ces bâtonnets blancs qu'il fumait. Adacie lui tendit son briquet qu'il accepta avec un petit merci silencieux.
Tranit sortit sa pipe qu'elle remplit d'un mélange de chanvre léger et attendit la suite.
Erwan but une gorgée de bière et avala une bouffée qu'il relâcha avec un profond soupir.
— On va avoir beaucoup de boulot. Glèm m'a rapporté que son oncle, le père de Suwane est devenu cinglé à l'annonce de la mort de son fils.
Il a même failli tuer l'autre, qui servait d'écuyer, et n'était pas revenu pour rester auprès de sa promise. Mais bon, un accord a été conclu et j'ai accepté de lui rapporter le corps de son aîné pour qu'il puisse lui offrir des funérailles dignes de son rang. En échange, il devrait permettre à ses vassaux de me rejoindre.
Erwan regarda les deux jeunes femmes pour voir si elles suivaient et Tranit en profita.
— Mais l'alliance avec la famille de Glèm ? Ne serait-elle pas suffisante ?
— Oui et non. Oui pour le nombre. Ustaritz peut mobiliser plusieurs dizaines, voire deux bonnes centaines de chevaliers volants et les autres grandes familles les suivraient plus volontiers. Mais ce n'est pas le nombre d'oiseaux qui m'intéresse le plus.
Tranit comprit en voyant le sourire d'Erwan et ce qu'elle lui avait raconté pendant l'après-midi.
— La pierre !
— Évidemment ! J'en ai parlé au vénérable Vérobix, mon meilleur clochater qui n'a pas voulu me croire. Je l'ai mis au défi de me mettre en faute.
Tranit se tourna vers Adacie qui n'avait pas tout saisi.
— Tu te souviens lorsqu'elle est tombée de la civière ?
— Oui, mais...
— C'est à cause de son bracelet. Je nete l'ai pas dit plus tôt, parce que nous manquions de temps, mais je suiscertaine que c'est bien ça. La pierre qui est à l'intérieur a réagi avec un quartz pousseur. Je n'ai rien dit sur le moment, mais en y repensant, cela ne pouvait être que ça. J'ignore pourquoi, mais c'est ainsi. J'en ai parlé à Erwan cet après-midi.
— La pierre noire dans son bracelet ? L'éclat de pierre noire.
— Oui ! Aussi étrange que cela soit, c'est bien de ça dont je parle.
— On va en savoir un peu plus dès maintenant, ajouta Erwan en faisant signe au vénérable druide et aux deux jeunes de venir les rejoindre.
Adacie se leva pour apporter des chaises supplémentaires et aida le vénérable à rejoindre son siège. Tranit le regarda avec intérêt.
Un clochater, ouun reierater selon les régions, était un père des pierres, un spécialiste des cristaux, des gemmes, capable de fabriquer des assemblages pour les désamagar, ces tubes d'analyses que presque tous les druides utilisaient.
— Alors maître ? Votre verdict !
Le vieil homme gloussa.
— Maître, maître... c'est trop d'honneur que sa seigneurie me fait lorsque je vois ce qu'elle m'apprend chaque jour.
— Apprendre est un bien grand mot. Je ne fais que te raconter certaines choses. Cette pierre, c'est notre Tranit qui m'en a parlé. C'est elle qui le savait.
Le vieil homme poussa un nouveau soupir.
— Je ne m'attendais pas à mon grand âge de rencontrer prophète et déesse ! C'est bon pour les jeunes !
— Et alors, qu'est-ce que notre vieux maître en déduit !
— Que je ne comprends pas ! Je ne connais pas cette pierre !
Tranit était soufflée d'entendre une telle affirmation, mais le visage d'Erwan témoignait de son inquiétude.
— Mais, tu as vérifié ?
— Avais-je à le faire ? Un prophète m'annonce une pierre qui repousse un quartz flotteur, je ne devrais pas mettre sa parole en doute.
Oui Erwan ! Oui, aussi incroyable que cela puisse être, cette pierre repousse les quartz flotteurs. J'ai utilisé le plus petit que j'avais et il m'est revenu dans le ventre comme si un géant me donnait un coup dans l'estomac.
Le sourire qui éclaira le visage d'Erwan recelait plus que de la joie, de la jubilation. Il se tourna presque implorant vers Suwane.
— Tu vois ? Une petite fille rejetée par les siens peut apporter au monde, oui au monde, quelque chose de merveilleux. Maître ! dit-il en se retournant vers le druide, es-tu sûr de n'en avoir jamais vu ?
— Sûr et certain. Cela ressemblerait à de l'obsidienne, la texture est très proche, mais il y a quelque chose d'autre dedans, comme de fines veinures argentées et bleuâtres.
J'ai posé toutes les questions possibles et inimaginables à Suwane et Glèm, mais hormis qu'il s'agit d'un morceau de statue de sa mère, statue brisée le jour de sa mort et dont les morceaux ont été répartis entre ses enfants. Ils ne savent pas d'où vient cette pierre et n'en ont jamais vu d'autres.
— Donc la réponse est probablement quelque part chez eux, en Isturits. Tu viendras avec moi. Nous allons partir cette nuit pour ne pas perdre de temps. Demain soir nous serons chez eux. Glèm nous précédera pour que les familles puissent se réunir.
— À tes ordres seigneur. Nous aurons besoin du vieux Dél.
— Bien entendu, je l'ai fait prévenir. Va, rejoins mon nouveau navire amiral, une cabine t'attend.
Sur un geste, deux jeunes enseignes vinrent chercher le druide pour le conduire à bord du trimaran.
Erwan regarda Tranit, les yeux brillants.
— Tu comprends pourquoi la petite Suwane est tellement importante.
— Je crois, oui. Je vais faire continuer à faire aménager des habitations permanentes ici. Nous n'avons pas assez de place dans les chariots. Combien d'hommes vas-tu m'envoyer ?
— Une petite équipe de six ou sept. Ils auront besoin de quartiers d'habitation et de travail.
Pareil, tu auras les gars du génie pour tout aménager. Ils savent ce qu'il leur faudra préparer. Tout ici est sous ta responsabilité.
— J'ai les hommes, c'est bien. Mais j'aurais besoin d'équipements, d'argent.
Erwan l'arrêta d'un geste de la main.
— La tour, l'association des marchands en ville, est prévenue. Comme pour ton chariot, tout est à mes frais.
— Merci de cette confiance.
* * *
Merci pour votre lecture. Si vous avez aimé, un petit vote serait fort sympa.
Vixii
VOUS LISEZ
Les Larmes de Tranit - 2
FantasyPour réaliser un exploit, peut-être est-il préférable de s'y préparer pour y survivre. Avec leurs manies tellement différentes, Tranit est un peu perdue dans ce nouvel univers, surtout avec une adjointe la dévorant des yeux et persuadée qu'elle est...