CHAPITRE QUARANTE-DEUX .1

44 13 12
                                    


Erwan s'était mis à côté de Tranit et poursuivit la conversation, comme si de rien n'était. Il montra les douces collines, le fleuve qu'on pouvait deviner vers l'est, des bosquets d'arbres bien plus lointains.

— C'est un bel endroit. J'ai été surpris d'apprendre que tu y avais trouvé une vieille maison forte abandonnée. Plus personne à Outre-berge ou en ville ne semble se souvenir d'une quelconque présence ici.

— Moi aussi seigneur, je l'ignorais. Je suis très rarement passée par ici, ce n'est plus un chemin fréquenté depuis une dizaine ou une vingtaine d'années.

— J'ai demandé à Awel de choisir quelques jeunes chevaliers forts bien mis et polis pour rendre visite à quelques grands noms de la ville et de les interroger.

— Vous aimeriez savoir ce qui s'est passé ici ?

— Plus ou moins. Mais c'est surtout pour cette plante que nous allons observer. Elle est très rare, mais tellement bénéfique. Si c'est bien celle-là, cela mériterait de reprendre en main cette terre.

Tranit ne put que marquer son étonnement.

— Réinstaller des hommes ici ? Malgré la proximité de la ville, cela demanderait beaucoup d'efforts, beaucoup d'argent.

— Oui, c'est vrai, mais si cela en vaut la peine, pourquoi se le refuser ?

Après quelques minutes de silence, ils gravirent une colline un peu plus escarpée que les autres, en fait un regroupement de cinq collines autour du lit d'un maigre ruisseau qui semblait se frayer difficilement son chemin vers un cours d'eau plus gros rejoignant l'Adour à un peu moins de quatre lieues de là.

Erwan fit arrêter tout le monde et observa longuement la configuration des lieux.

Il fit signe à l'enseigne le plus proche de venir prendre des notes. Il ne parlait pas en code, seulement des phrases brèves, des questions qui étaient notées à toute vitesse sur un calepin. Il revint vers Tranit.

— La configuration du terrain est parfaite pour ériger une retenue d'eau en s'appuyant sur ces collines, de quoi alimenter une petite ville en permanence ou un immense domaine agricole.

Ils reprirent leur route à travers un roncier fraîchement dégagé qui semblait recouvrir un immense plateau. Ils rejoignirent un petit groupe de hussards entourant un petit chariot tiré par un seul dorkis, le véhicule d'un druide.

Un maître dans une aube blanche. À ses runes, Tranit reconnut un deogbaire, les druides chargés de composés des potions médicinales ou des potions hallucinogènes.

Il accueillit Erwan avec un respect non feint et le jeune seigneur montagnard lui rendit un salut tout aussi respectueux.

— Alors maître Ahufix ? Que pensez-vous de cette plante ?

— Qu'elle a eu l'extrême chance d'être reconnue par le fils de l'Éclair bleu. C'est bien de la vigne.

Le visage d'Erwan s'éclaira.

— Merci de cette bonne nouvelle. À votre avis maître, comment est-elle ?

— Robuste ! Si elle est taillée d'ici un mois au plus puis progressivement exposée au soleil, elle pourrait bien donner dès le prochain mois des cueillettes.

— Est-elle suffisamment longue ? J'avoue ma surprise à la découvrir dans un roncier.

— Mon escorte me dit deviner de très nombreuses traces de souches. C'était une forêt ici voici moins d'une centaine d'années.

— Cela explique donc sa présence ici.

— Oui seigneur. Elle se prolonge sur plusieurs centaines de toises. De nombreux sarments sont assez souples pour que de bonnes équipes puissent la ramener dans un espace plus restreint pour faciliter son entretien. Il faudra patienter quelques jours pour voir s'il s'agit d'une seule plante. Je pense plutôt qu'elle a essaimé et que nous devrions avoir plusieurs souches.

Erwan fit signe qu'il comprenait, pensif, mais satisfait.

— Merci maître pour ces excellentes nouvelles. Poursuivez vos recherches, mais n'oubliez pas d'être de retour à vingt heures à la maison forte.

Le druide montra son escorte.

— Ils ne me laisseront pas l'oublier, seigneur.

Après un bref au revoir, Erwan et Tranit remontèrent sur leurs montures. Le jeune seigneur se tourna vers Tranit et la regarda en posant son index de la main droite sur son poignet gauche.

— Ce signe Tranit, c'est pour demander l'heure. Cela peut aussi signifier à quelqu'un de faire attention au temps.

Tranit comprit l'allusion et utilisa une nouvelle fois l'appareil offert par Erwan. Elle resta immobile quelques instants pour tenter de mieux lire les indications.

Il lui sembla qu'une quinzaine de minutes s'était déroulée depuis leur départ, ce que le jeune homme confirma.

* * *

Merci pour votre lecture. Si vous avez aimé, un petit vote serait fort sympa.

Vixii

Les Larmes de Tranit - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant