chapitre 60

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J'ignore sa question, la jugeant inutile. L'anxiété me tord l'estomac et le fait de ne pas savoir où nous allons et pourquoi me terrifie davantage. Je lui jette un coup d'œil discret, il fixe la route avec concentration tout en esquissant un sourire en coin. Moi, je suis plongée dans une intense réflexion pour me sortir de là. En fait, plusieurs choix s'offrent à moi. J'en déduis donc que Jordan n'est pas passé maître dans l'art de l'enlèvement. Je dresse une rapide liste mentale de ce que je peux faire.

Je peux tourner brutalement le volant afin que la voiture fonce droit dans un mur, mais je mettrais ma vie en danger. J'écarte cette possibilité.
Je peux lui taper la tête contre le volant, ce qui me mettrai également en danger, je jette cette éventualité à la trappe.
Pour résumer, tout acte de violence causerait un accident.
Conclusion, je suis dans la merde jusqu'au cou.
Une vague de chaleur me prend au visage tellement je panique, intérieurement.

- Je suppose que tu veux savoir pourquoi je t'ai embarquée ? Demande soudainement Jordan d'une voix blanche.

Je lève les yeux au ciel.

- Je pensais que tu n'allais jamais y venir.

Il grogne.

- Putain, mais tu es toujours aussi chiante ? Râle-t-il en tapant le volant de sa paume.

- Non. C'est une légende.

J'essaye tant bien que mal de garder mon sang froid pour ne pas qu'il devine la peur qui m'envahit. Agacé, il inspire profondément.

- Tu as sûrement deviné que c'est moi qui ait blessé ton frère. C'était si facile, il est d'une faiblesse...

La colère s'insinue dans mes pores. S'il continue, je vais exploser. Néanmoins, cette fureur s'évanouit immédiatement lorsque je vois le flingue coincé fermement entre ses cuisses. J'inspire.

- Ensuite, j'ai été retrouver ma famille, à Hyères. J'ai tenté de leur expliquer que ce n'était pas moi qui avait presque tué ma soeur, mais toi. Tu sais ce qu'ils m'ont répondu ?

Il commence à s'emporter, à laisser la colère le gagner. L'évocation de ce que j'ai fait à sa soeur me donne des nausées. Je n'aime pas mentionner cette partie horrible de ma vie, ce que j'ai commis, sans aucune raison. Je comprend la colère de Jordan. Lorsqu'il a fait la même chose à mon frère, s'il était là, je l'aurai tué sur-le-champs.

- Ils m'ont dit que j'étais un monstre, que je ne méritais pas de vivre. Tout ça à cause de ta putain de faute ! Finit-il par hurler en tapant de nouveau, mais plus violemment, contre le volant.

J'ai de la compassion pour lui, ce qui m'arrive très rarement, mais elle est bien là. Ce poids sur mon coeur qui pèse depuis cette histoire. Je ne sais même pas ce qui m'a poussé à l'accuser lui, au lieu de moi. Je crois que je ne savais pas vraiment ce que je faisais. En tout cas, si j'avais su que cette histoire me poursuivrait toute ma vie, il est évident que j'aurai prit un autre chemin, un chemin plus raisonnable et mature.

- Je veux que ce soit toi qui leur parle et que tu rétablisses la vérité.

- D'accord.

J'ai prit ma décision. Peu importe les conséquences. L'acte que j'ai commis est bien trop grave pour qu'il soit prit à la légère. Il ne méritait pas ce qui lui est arrivé, bien que ce soir lui qui ait commencé les hostilités en diffusant la vidéo compromettante de moi et Julien, un ex. Cette expérience peut également me permettre de devenir une meilleure personne.

- Vraiment ? Tu vas faire ce que je t'ai dit ? Il semble visiblement très choqué, à en juger par ses yeux écarquillés qu'il vient de tourner vers moi.

- Waou. Dylan t'a vraiment changée ! S'exclame-t-il sans dissimuler son choc et sa surprise.

Quoi ?! Sa phrase m'énerve.

- Dylan n'a rien à voir là-dedans. C'est moi, j'ai décidé de devenir une meilleure personne.

Je ne supporte pas l'idée qu'un homme puisse me rendre meilleure. Je suis indépendante jusqu'au bout des ongles et je n'aime pas qu'on me dise comment je dois me comporter ni comment je dois mener ma vie. Je fais mes propres choix, sans l'aide de personne. Cependant, le fait est que Dylan me manque terriblement. J'ai un besoin viscéral de me sentir en sécurité dans ses bras. Mais il faut que je me rende à l'évidence, c'est terminé. Je vais devoir avouer la vérité et je sais très bien que ça ne se terminera pas de la bonne façon.

Il ricane.

- Pourquoi tu rigoles, abruti ? Je m'emporte.

J'ai l'impression que le fait de lui avoir avoué qu'il ne sera pas obligé de ma traîner de force pour raconter la vérité, l'a détendu. L'ambiance de ce petit espace est plus joviale. En tous les cas, moins morbide que tout à l'heure.

- Loin de moi l'idée de ruiner tes espoirs... mais tu ne seras jamais une bonne personne. Il faut être sacrément atteint pour faire ce que tu m'as fait. Tu as franchi une limite, c'est foutu. En plus, tu n'as aucun remord, ce qui signifie clairement que tu n'as aucun coeur, aucune âme. Tu es vide, Chanel.

Il crache ses mots avec tant de violence que c'est comme s'il me plantait un couteau dans le coeur à chaque mot prononcé. Il a raison. Si mon père avait encore espoir en moi, c'est parce qu'il ne sait pas tout. Il ne sait pas à quel point je suis tarée. Je me dois cependant de lui révéler la vérité. Que ce que j'ai fait à sa soeur m'a hanté pendant longtemps et qu'à chaque fois que j'en parle, mon coeur se déchire un peu plus en pensant à la personne horrible, au monstre, que je suis devenue.

- Je t'ai menti, Jordan. Quand je t'ai dit que je n'avais aucun remord, c'était faux. Je m'en mords les doigts à chaque fois que j'y pense et je donnerai n'importe quoi pour que cette partie-là s'efface.

Il sourit franchement. Pas un sourire compatissant, non. Un sourire de jubilation, de fierté.

- Je suis si heureux de l'entendre.

Je n'arrive pas à lui en vouloir de souhaiter mon malheur, ma chute. Il est en droit.
Tout à coup, nos deux corps se retrouvent brutalement projetés en avant. Ma respiration se coupe lorsque je prends conscience que nous venons de nous faire percuter par l'arrière, au beau milieu de la route.

Un Simple PariOù les histoires vivent. Découvrez maintenant