Un Simple Pari

chapitre 14

Je ris jaune. Un signe de paix ? Sérieux ? J'espère qu'il ne croit que je suis le genre de fille qui, après un coca et des compliments hypocrites, lui tombe dans les bras. Ce n'est vraiment pas mon genre. Cette sortie tombe plutôt bien, je pourrai lui poser les questions qui me trottent dans la tête concernant son comportement et il a plutôt intérêt à me répondre. Si il y a bien une chose que je déteste, c'est que mes questions demeurent sans réponse.

Dylan entre dans le centre commercial, je lui emboîte le pas. Les portes automatiques s'ouvrent et je découvre que l'intérieur est bondé. Il y a des sales gosses qui hurlent à travers tout le magasin et j'ai envie de leur arracher leurs cordes vocales pour qu'ils ferment enfin leur gueule. Sur ces pensées légèrement meurtrières, Dylan me fait signe de le suivre. Je me demande vraiment ce qu'il prépare et surtout, son soudain intérêt pour moi.

- On va manger un morceau, me lance Dylan tout en marchant en direction des restaurants.

Mon ventre gargouille. Le fait d'évoquer la nourriture m'a donné faim subitement. De plus, je n'ai pas mangé ce matin, ce qui fait que je pourrai avaler n'importe quoi. Et si j'avalais les gamins capricieux ? Non... c'est bizarre.

Dylan s'arrête entre deux restaurants branchés, ces endroits sont tentants pour un rendez-vous galant mais ce n'est pas ce que nous faisons.

- Je te laisse choisir. Il sourit.

Cool !
Mes yeux sont attirés par le "restaurant" au fond de la grande allée au sol verni et aux murs colorés. Je bave littéralement devant l'enseigne.

Pour tirer subtilement la situation au clair et lui faire comprendre que ce n'est pas un "rendez-vous", je pointe mon doigt vers l'objet des mes envies.

- On va au KFC.

- Oh, et c'est toi qui paye ! J'ajoute en me dirigeant d'un pas pressé vers le KFC. Dylan me rejoint en courant, puisque j'y suis déjà pratiquement arrivée.

Une dizaine de minutes plus tard, nous nous installons sur une table dans le coin du fast-food, qui lui est presque vide. Dylan n'a pas voulu payer directement après la distribution de notre commande et lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu dans un chuchotement : 

- Tu verras.

Au début la caissière ne voulait pas, mais Dylan a su user de ses charmes.
Présentement, je soupçonne Dylan de vouloir essayer de manger avec élégance mais c'est peine perdue.

- Pourquoi tu insistes comme ça ? Je veux dire, avec moi ? Je lui demande après un silence en croquant de la manière la moins sexy qui soit dans mon sandwich.
Je pense que le moment est bien choisi pour le questionner.

- Je veux mieux te connaître, tout simplement.

Étrange.

- Tu cherches quoi exactement ? À être mon ami ou un truc du genre ? Je suis remplie de curiosité. "Vouloir me connaître" n'est pas une raison valable pour moi.

Il enfourne le dernier morceau de son sandwich dans sa bouche. Il est tout de suite moins charmant. Ce genre de "restaurant" montre le côté obscur des personnes qui mangent salement.
De toute façon, aucune personne n'est séduisante lorsqu'elle croque  voracement dans un sandwich dégoulinant de sauce.

- Par "truc du genre", tu veux dire ton petit-ami ? Me demande-t-il en se retenant de rire.

Qu'est ce qui lui arrive ?

- Ouais, si tu veux...

- Attend, tu veux dire que tu n'as jamais eu de petit-ami ? Répond-t-il interloqué.

- Non. Attend, tu vas me faire croire que toi, tu as déjà eu une relation sérieuse avec fille ?

J'avale la dernière bouchée de mon sandwich avant de prendre une grande gorgée de coca pour faire passer tout ça. Dylan s'affaisse. Je suis sûre que Dylan est le tombeur du lycée, aucune fille ne lui résiste, sauf moi, bien que je le trouve diablement beau. Il a toutes les filles qu'il veut à ses pieds et en profite pas mal.

- Bien sûr que oui, déclare-t-il fièrement.

J'ai du mal à y croire.

- D'accord... combien de temps ? Je décroche un sourire, sachant d'avance que sa réponse confirmera la vision que j'ai de cet individu.

Il ricane. Il sait que je l'ai cerné.

- Trois jours.

Je m'en doutais.

- C'est ça que tu appelles sérieux ? Trois jours ? Je lui demande en riant comme une bécasse.

- C'est déjà beaucoup, et puis elle était chiante, ducoup je l'ai trompée et elle n'a plus voulu entendre parler de moi !

Enfoiré.

- Enfoiré, je lui lance en riant légèrement.

Je reprends.

- Comment tu as su que j'aimais les motos ? Je demande curieusement.

- Je ne savais pas, je me suis dis que si je te disais que j'avais une moto, ça te ferait venir.

Il coupe court à notre discussion avec cette phrase lancée à la hâte.

- On va faire un deal.

Intéressant.

- Tu vois le mec là-bas (il désigne du doigt un homme d'une trentaine d'années, sur son ordinateur, au fond du restaurant), si tu arrives à ce qu'il te paye un sandwich, c'est moi qui payerai notre repas, mais si tu n'y arrives pas, tu payeras, ok ? Il me tend sa main devant mon nez, je la serre fermement avant de me lever avec assurance.

C'est donc pour ça qu'il n'a pas voulu payer tout de suite tout à l'heure, il avait tout prévu mais
J'adore les défis et je compte bien réussir celui-là. Ce que Dylan ne sait pas, c'est que je n'ai pas le moindre centime sur moi donc quoi qu'il se passe, il payera.
Je me dirige élégamment vers mon trentenaire repoussant. Il est chauve et porte des lunettes noires et rondes. Un frisson me parcoure. Comment je pourrais m'y prendre ? Je vais jouer la carte de la fille désespérée.

Je m'approche lentement de lui et je m'assois sur la chaise située devant lui. Il relève la tête et l'incompréhension et la surprise se lit sur son visage.
J'espère juste qu'il ne m'a pas vue manger avec Dylan sinon mon plan est foutu.
Je laisse tomber la politesse.

- Bonjour, écoutez je viens de perdre mon portefeuille et je meurs de faim, vous ne pourriez pas me dépanner ? Je lui demande faussement paniquée et inquiète pour mon portefeuille.

Je fais mine de le chercher nerveusement dans mes poches.

- Je suis désolé mademoiselle, je n'ai plus d'argent, dit-il déçu.

Il tâtonne toutes ses poches mais n'en sort rien. Il secoue légèrement la tête.

- Ok, je réplique simplement avec un soupçon de colère contre lui.

Il se paye un sandwich et après il vient me dire qu'il n'a plus d'argent, il m'a forcément menti, ce que je comprend dans un sens, à sa place, j'aurai mit mon poing dans la face de la personne qui me demande.

Je me lève rapidement en baragouinant une injure et je rejoins Dylan qui était en train de m'observer consciencieusement.
Je suppose que la déception et l'énervement se voit à mon expression faciale.

- Je suppose que c'est toi qui paye, lance-t-il avec son sourire de vainqueur.

Je me lève, je contourne la table pour arriver aux côtés de Dylan, il fronce les sourcils en signe d'incompréhension. Je rapproche ma bouche de son oreille puis je me mets à chuchoter :

- Ce n'est pas très charmant de ta part de faire payer une fille, je n'ai pas d'argent sur moi. Deux solutions s'offrent à toi, soit tu payes, soit on part sans payer mais il va falloir courir.

Sa bouche se fend en un sourire en coin, lourd de sens. Il a fait son choix.