Un Simple Pari

chapitre 6

J'avance à travers la cour sans vraiment savoir où je vais. Finalement, je m'assois sur un banc vert kaki, la peinture s'effrite et il y a toutes sortes de dédicaces inscrites dessus, ça va des mots d'amour pathétiques à des insultes complètement débiles. Mes pensées défilent dans mon esprit. Je repense à cette phrase qui tourne en boucle dans ma tête. Tu n'as aucune putain d'idée de ce que je suis capable de faire. Un frisson parcoure mon corps. C'est vrai, je ne le connais pas, et je crois que c'est bien mieux comme ça. Je n'ai aucune envie de le connaître. Il est méchant. Mon geste avec la cigarette était peut-être légèrement exagéré. Quoique, je crois qu'il l'a amplement mérité. Il ne pouvait pas savoir que mon père est un sujet que je n'aborde strictement jamais, ça me fait réagir au quart de tour et je ne me contrôle plus après. Ça se termine souvent très mal d'ailleurs. Je ne sais pas comment il a fait, mais il a réussi à trouver ma faiblesse et à l'utiliser contre moi ensuite. Normalement, j'aurais essayé de réagir calmement en me contentant juste d'un simple rappel à l'ordre, mais la, il m'a poussé à bout délibérément, il savait ce qu'il faisait, je l'ai vu par son sourire narquois placardé sur son visage. Rien que je le fait d'évoquer mon père, me fait bouillonner de l'intérieur, mais je me contiens comme je peux. Je suis fière de moi, j'ai réussi moi aussi à le pousser à bout. Visiblement, lui aussi a des problèmes. Je me tords le coup pour tenter de voir la mini forêt où j'ai laissé un Dylan blessé, en vain. Le bâtiment la cache. Je ne l'ai pas vu revenir.

Je ferme les yeux et je penche légèrement la tête en arrière, me laissant profiter du soleil qui s'est un peu réchauffé depuis que je suis partie de chez moi. Le soleil brille sur ma peau. Je me force à ralentir ma respiration pour ne pas faire une crise cardiaque au milieu de la cour vide. J'y parviens avec difficulté. Mon esprit divague. J'aimerai épouser un milliardaire pour pouvoir bronzer toute la journée au bord d'une plage paradisiaque, un coktail à la main, lunettes de soleil sur le nez pour pouvoir admirer tranquillement les torses musclés se trimballant sur la plage. En gros, être riche juste en épousant un homme. Ça m'éviterait de me coltiner les cours. La vie est tellement plus facile lorsqu'on est riche à en crever.

- Alors, on préfère se dorer la pilule plutôt que d'aller en cours ?

Je sursaute. Qui est cette personne qui a osé me sortir de ma rêverie paradisiaque. J'ouvre les yeux et je tombe face à un beau jeune homme. Il a les cheveux noirs bouclés ébouriffés, plutôt mi-long. Il porte une chemise blanche qui laisse apparaître son torse musclé. Seul le premier bouton est retiré. Son jean noir fait ressortir sa chemise. Il est très sexy. J'adore les mecs qui portent des chemises, mais j'aime encore plus avec un noeud papillon ou une cravate. Il m'observe en souriant. Un sourire en coin très sexy. J'ai l'impression de l'avoir déjà vu mais je ne me rappelle pas de grand chose de plus. Tant pis.

- Je n'ai pas été acceptée en cours. Il s'installe à côté de moi puis pose son sac à dos noir et blanc négligemment sur le sol bétonné. Il tourne son regard vers moi. Tout sourire.

- Pourquoi ?

- Retard. Pourquoi tu es là, toi ? Je lui demande en le regardant.

Sa présence m'agace un petit peu. Moi qui voulait rester tranquille pour rêver de mon beau milliardaire sexy et de la plage ensoleillée des Caraïbes.

- Pareil. (Son sourire s'efface et son visage se crispe) écoute, pour ce matin, je suis d... (je le coupe)

- Comment ça, ce matin ? Je lui demande précipitamment.  Décidément, je ne comprend vraiment rien depuis ce matin. Tout est confus. J'ai l'impression que mon cerveau s'est mit en pause. Ça doit être sans les effets restants de l'alcool.
Soudain, tout s'éclaire. C'est le mec que j'ai trouvé dans mon lit ce matin, et en l'occurrence celui que j'ai viré de chez moi à coup de bouquin.

Merde. Putain. Putain de merde. Premier jour et je ne tiens déjà pas mes bonnes résolutions.

Voyant ma mine dépitée, il reprend prudemment :

- Je suis désolé d'être parti comme ça. Je n'aurais pas du, je ne suis pas comme ça d'habitude mais je... (je le coupe de nouveau)

- Attend. Je prends toutes les précautions nécessaires et je sors mon téléphone de ma poche. Je le déverrouille et je vais dans ma galerie photo. Je jette un coup d'oeil au mec assis à côté de moi qui me regarde d'un air interrogatif. Je lui fais signe de se rapprocher après avoir appuyé sur la photo correspondante. Il s'approche doucement de moi. Avant de lui montrer la photo, je lui annonce la couleur :

- Si l'idée te venait de répéter à quiconque dans ce lycée ce qu'il s'est passé entre nous cette nuit, je montre ça à tout le monde.

Tout en gardant le téléphone dans ma main, je fais défiler les différentes photos de ses parties intimes et lui, nu et dans des positions plutôt inconfortables prises cette nuit, par précaution. Sa mine interrogative se transforme en une expression horrifiée.

- Wow wow wow ! Je n'avais pas l'intention d'en parler à qui que ce soit ! S'exclame-t-il en ouvrant grand les yeux. Il semble vraiment paniqué.

- Bien. Je verouille l'écran et je rentre mon téléphone dans ma poche.

- Tu vas les effacer, hein ? Me demande-t-il paniqué.

Devant la sincérité dont il a l'air de faire preuve, j'aurai presque envie de les effacer mais je vais attendre un petit peu, peut-être qu'il me manipule.

- Non. Plus tard.

Il cligne des yeux plusieurs fois de suite, comme si il n'était pas sur de ce qu'il venait de voir ou entendre. Je ne couche pas avec les mecs de mon lycée.

- Je te promets que je ne dirai rien à personne. D'ailleurs, je voulais te dire que je suis désolé d'être parti comme un voleur ce matin. Vraiment.

Il est sincère. Ça se voir à travers ses yeux. En plus, j'ai eu le droit à des excuses. Je décide donc de détendre l'atmosphère en faisant référence à la scène de ce matin.

- Tu n'avais pas vraiment le choix, je t'ai viré à coup de princesse Sofia, je lance en riant.

Il pouffe. La sonnerie retentit, ce qui m'oblige à me séparer de ma charmante compagnie.