PDV OPHELIA
Le lendemain, l'angoisse est toujours aussi oppressante, d'autant plus quand je passe les portes du siège de la société de mon père. Ce dernier a demandé à me voir pour je ne sais quelle raison... Son message était autoritaire et incisif, me sommant expressément de venir à son bureau...
Plus j'avance et plus mon cœur se serre, ma respiration se coupe lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrent et me prient de franchir les derniers pas qui me séparent de mon père. Il sait...
Véronica, son assistante est à son poste, sans surprise, car mon père n'aime pas le laisser-aller, par conséquent ses employés doivent être irréprochables, ce qui n'est plus mon cas dorénavant...
Je me sens faiblir.
- Bonjour Mlle, votre père vous attend dans son bureau.
- Merci.
Je me dirige vers ce dernier, Véronica sur mes pas... Mais que fait-elle cette gourde ? Pourquoi me suit-elle ? Je décide de l'ignorer.
À présent, je suis devant la double porte acajou qui me sépare des foudres de mon père.
Syracuse Brémont est rarement en colère mais quand cela est le cas, alors, il ne vaut mieux pas se trouver sur son passage...
À vrai dire, je n'ai aucune envie d'être ici. Pourtant, je dois assumer mes actes et agir comme l'adulte responsable qu'il attend que je sois, il sait...
Rien qu'à cette pensée, je blêmis... Quelle horreur ! Je ne préfère même pas imaginer la tête qu'il a fait quand il a découvert mes prouesses... Il a dû être choqué, car en bon père qui se respecte, le mien pense que je suis toujours aussi pure et innocente que lors de ma venue au monde et honnêtement même si on en est loin, j'aurais préféré qu'il garde cette image de moi. Mais un petit con avec un ego mal placé en a décidé autrement...
Ma respiration s'accélère sans que je puisse la contrôler. Si je continuais à hyperventiler, j'allais finir par faire un malaise... Reprend-toi ! Tu peux le faire...
Ma main se pose sur la poignée qui me semble brûlante, j'hésite...
Une voix me fait sursauter :
- Vous pouvez entrer sans frapper, votre père attend votre arrivée...
Mais qu'est-ce qu'elle me veut à la fin ? Elle est encore là ? Je veux bien consentir à ce qu'elle fasse son travail mais là, elle commence à m'emmerder. Je suis une grande fille, je n'ai pas besoin d'elle pour savoir que je dois passer cette porte...
Sans manquer de lui jeter un regard assassin qui ne l'a fait pas partir pour autant, je me rends à l'évidence, je ne suis qu'une petite chose fragile entre les mains de mon père, je baisserai la tête tout en l'écoutant déverser sa colère et sa déception...
Retenant mon souffle, j'ouvre et la scène qui se déroule devant mes yeux me laisse sans voix... Je suis bloquée sur le seuil, il m'est impossible de faire un pas de plus... Je viens de tomber dans une embuscade :
- Ophélia, ma chérie quel plaisir de te revoir, tu es devenue une belle jeune femme...
Qu'est-ce qu'elle vient faire ici ?
Rien n'est plus sûr, mon père a donc choisi d'ignorer ma décision la concernant. Pourquoi n'en fait-il qu'à sa tête ?
- Permets-moi de ne pas penser la même chose de toi...
Très bien, les cartes sont distribuées, ils veulent une discussion, ils auront...
Je compte être claire avec elle, hors de question de jouer des retrouvailles éplorés. Tout en restant prudente, j'allais prendre part à cette conversation indésirable. Avant d'abattre mes cartes, je dois en savoir plus, l'enquête suit son cours et les conclusions ne saurait tarder selon les dires du fameux Marco. Mais en attendant ce jour là, je dois faire preuve de patience...
Mon père, visiblement nerveux m'adresse un signe de main pour m'encourager à les rejoindre, ce que je fais sans protester, car la situation est assez gênante comme ça, pas besoin d'en rajouter...
- Marla est ici pour que l'on puisse discuter en famille...
En famille ? Je ne peux m'empêcher de le regarder de travers, Marla ne fait pas partie de notre famille, elle a juste contribué à ce qu'elle existe, son rôle s'arrête là. Est-il devenu fou ?
- Oui, Lia, je suis ici pour parler avec toi...
- Ophélia.
- Quoi ?
- Mon prénom, c'est Ophélia.
- Oui bien sûr.
Elle se lève du fauteuil où elle est assise pour rejoindre mon père sur le sofa comme pour donner l'impression d'une alliance parentale. Quelle blague !
J'ignore cet excès de zèle et prends place à mon tour sur le fauteuil qui leur fait face.
Mon père parle le premier :
- Mon trésor, je sais que tu dois m'en vouloir d'avoir provoqué cette rencontre, mais il est nécessaire que vous parliez toutes les deux, tu dois exorciser cette colère qui t'habite.
- Exorciser ma colère ?
Si je comprends bien la situation, nous sommes en train de faire une pseudo thérapie familiale... Mais pas de psy à l'horizon.
- Je ne parlerais qu'en présence de mon psy...
Je prends une tasse de thé tout en souriant bêtement à ma dernière remarque que je trouve très drôle, mais ce n'est apparemment pas le cas de mon père puisqu'il me fait les gros yeux. Marla, elle, semble amusée ce qui ne me surprend guère, c'est une grande joueuse dans l'âme.
À presque 43 ans, son curriculum est déjà bien rempli, je ne compte plus le nombre de coup bas qu'elle a à son actif. C'est une arnaqueuse et une menteuse toujours pleine de ressources.
Avant de poser la question qui me brûle les lèvres, je prends un instant pour détailler la femme qui m'a mise au monde et ce que je vois n'a rien de flatteur.
Malgré les années qui passent, Marla Petronov est toujours adepte des mini-jupes, ce qui passé un certain âge, laisse vraiment à désirer. Son look se rapproche plus d'une professionnelle de luxe que d'une femme de la haute. Son isolement ne lui a pas rendu grâce. Pourtant, mon père semble toujours aussi sensible à sa belle chevelure blonde et à ses jolies yeux bleus. Même si son style est loin d'être respectable, elle a toujours su tirer profit de ses atouts, une vraie croqueuse d'homme.
Après une rapide inspection qui me démontre que ma génitrice et moi n'avons rien en commun, il est temps de rentrer dans le vif du sujet :
- Que veux-tu ?
- Je veux apprendre à te connaître. J'ai réalisé que j'ai fait beaucoup d'erreurs dans ma vie, je veux me faire pardonner...
- Continue !
- Tu es ma fille...
- C'est bien que tu t'en souviennes... Ne crois-tu pas qu'il est un peu tard pour renouer le lien mère-fille ?
- Je comprends que tu m'en veuilles et je suis là pour t'aider Ophélia, non pour t'accabler...
- Encore heureux...
- Laisse-moi juste une chance...
Si je m'étais écoutée, j'aurais applaudie la performance scénique que Marla venait de faire. Mélodramatique avec une pointe d'espoir... Quelle bonne actrice !
- Marla, ...
- Tu peux m'appeler maman...
- Je ne préfère pas, donc je disais, Marla, comme je l'ai fait savoir à papa je n'ai pas très envie que tu fasses partie de ma vie de quelque manière que ce soit... Ton retour est gênant pour moi, je peux concevoir que cela lui fasse plaisir mais ça s'arrête là... Il n'y aura pas plus entre nous que ce qu'il existe déjà, c'est à dire rien...
Au vue de la situation, son regard pétille d'excitation car elle vient de prendre conscience que je n'allais pas lui rendre la tâche facile.
Rien n'aurait pu la contenter davantage que mon rejet faisant de moi sa proie de prédilection :
- Je n'abandonnerais pas, ma place est à tes côtés...
Bien pétasse parce que moi non plus. Une lutte acharnée serait donc de rigueur...
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Aime-moi ... (TERMINÉ)
RomanceL'amour est un concept inventé pour les faibles... La seule croyance qui fait loi dans mon monde est la foi en soi. Moi, Ophélia Brémont, je ne fais pas partie de ces gens qui pensent que l'amour les sauvera...