CHAPITRE 23

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PDV OPHELIA

Perdue dans mes pensées, je n'ai même pas remarqué que la voiture est à l'arrêt. Henri me regarde avec retenue mais je peux entrevoir l'inquiétude dans les yeux de ce dernier  :

- Tout va bien Mlle Ophélia  ?

Je le gratifie d'un sourire afin de le rassurer  :

- Oui, merci Henri. Vous pouvez prendre congé, je n'aurais pas besoin de vous ici. Prenez un peu de vacances... Je vous ferai signe quand je souhaiterai rentrer.

Il me regarde surpris. Je réfléchis à ce qui aurait pu provoquer une telle réaction de la part de mon chauffeur et il est vrai qu'en 15 ans de service, c'est la première fois qu'on lui octroie des congés sans entente préalable. Henri n'est pas mon esclave, lui aussi doit prendre du temps libre. Et la vérité parmi toutes ces inepties, c'est que je veux être seule, seule loin de tout, loin de tous ces gens qui me veulent du mal...

- Vous êtes certaine Mlle Ophélia que vous n'aurez pas besoin de moi, nous sommes au milieu de nulle part.

- Oui. Certaine.

Sans plus de formalités, j'ouvre la portière et sors pour respirer l'air de la campagne. Ça y est, j'y suis, bienvenue à Chaverny...

Notre maison de campagne a toujours été un refuge à mes yeux, je m'y sens en sécurité. Loin de la civilisation, la faune et la flore est la seule compagnie que l'on peut y espérer trouver.

À presque cinq heures de distance de la capitale, plus rien ne peut venir troubler la tranquillité recherchée enfin presque  :

- Mlle Ophélia, quelle surprise  ! Nous ne savions rien de votre arrivée sinon... dit une voix gênée.

Olivia, la gouvernante de notre résidence secondaire, un vrai boulet au sens propre comme au sens figuré.

Sans prendre le temps de la saluer, je lui donne mes ordres qui l'occuperont pour les heures à venir  :

- N'oubliez pas de monter mes valises dans ma chambre avant de rejoindre vos appartements, je n'aurais pas besoin de vous ce soir, je veux être seule...

Mais avant, défaites mes affaires  ! Prenez soin de mes robes, elles se froissent facilement.

Je ne veux en aucun cas être dérangée peu importe la raison. Sous aucun prétexte, m'avez-vous compris  ?

Olivia acquiesce d'un hochement de tête et s'exécute car elle sait que lorsque je suis dans un tel état, rien ne sert de discuter  :

- Bien Mlle Ophélia. Et pour dîner, voulez-vous que je vous prépare un plat en particulier  ?

- Non, rien, je n'ai pas faim.

- Bon retour Mlle Ophélia.

Tandis qu'Olivia s'affaire avec mes valises aidée de son mari Gustave qui l'a rejoint, je pénètre dans la maison en m'arrêtant tout d'abord près de la cave à vin. Un verre de Chardonnay par contre serait le bienvenu. Cherchant du regard si mes valets sont dans les parages, je constate qu'Olivia pour une fois a pris au pied de la lettre mes recommandations donc tant pis pour moi je vais devoir le faire moi-même. Ça m'apprendra à être aussi autoritaire...

Un verre a la main, je rentre dans la bibliothèque, si chère à mon cœur, mon havre de paix loin de toute cette cruauté qui m'entoure.

Je suis seule, plus que jamais, sans véritable ami puisque l'unique que je pensais sincère s'est révélé être le plus fourbe de tous. J'ai mal... Au dessous de cette carapace, je souffre... Je souffre de cette ultime trahison... Celle de trop... À présent, je ne pourrais plus lui pardonner...

Ma retraite a un but précis, apaiser la harpie qui sommeille en moi. Pour rebondir, je dois reprendre des forces. J'en ai besoin pour entreprendre la vengeance qui sera à la hauteur du mal qu'il m'a causé.

Ma bonne humeur m'avait quitté, j'espérais retrouver un peu d'insouciance ici à Chaverny. Tout en déposant mon verre sur la table basse, je m'empare du dernier livre que j'ai lu toujours posé à la même place, Bel ami de Maupassant...

Je corne les pages en l'ouvrant, tout en réfléchissant à ma présence dans ces lieux, l'envie de m'évader à travers la lecture m'anime. Je m'installe et m'allonge sur ma liseuse en reprenant depuis le début ce qui est resté jusqu'à aujourd'hui mon livre préféré.

Alors que je m'apprête à lire mes premiers mots, mon téléphone décide d'interrompre ce moment de quiétude...

Je pose mon livre et affiche le message indésirable  :

On se voit ce soir  ?

Ton beau gosse ;)

Alors là, sûrement pas  !

Ma main hésite sur le champ de réponse... Je lui dis ou pas ? Si je mets le sujet de la vidéo sur le tapis, je risque de m'emporter et mettre en péril ma riposte. Il payera ce qu'il me doit mais pas maintenant... Après un laps de temps assez court, je décide de lui rendre son invitation où je pense, ce qui se traduit littéralement par  :

Non.

Je sais, pas très original mais efficace néanmoins. Je repose l'objet de ma torture pour reprendre mon Bel ami...

Mais un nouveau bip vient m'agresser. C'est pas possible, tu vas me lâcher oui  !

L'insistance de Louis est malvenue, je suis nauséeuse lorsque je repense à notre histoire. Depuis le début, nous sommes deux, jamais personne n'avait réussi à nous séparer, enfin jusqu'à aujourd'hui. L'ironie dans cette histoire, c'est qu'il va être à l'origine de notre rupture amicale. Pourquoi a-t-il fait ça  ?

Je lis rapidement cette nouvelle intrusion  :

C'est quoi ton problème  ?

Il ne manque pas d'air. Tu m'emmerdes, voilà mon problème. Tu joues avec moi et tu essayes de saboter ma vie sans que je sache pourquoi. Tu me dis les trois petits mots interdits alors que tu t'affiches avec une autre, une fille qui n'a ni goût ni saveur. Tant pis, je ne me retiens plus, tu l'auras voulu  :

Toi  !!!

Ce message sera le dernier, j'éteins mon téléphone en suivant. Je n'ai pas la force de me battre contre lui pour l'instant. Je pousse un long soupir pour tenter d'apaiser la boule qui noue mon estomac et reprends ma lecture où elle s'était arrêtée mais je n'arrive pas à me concentrer. J'hésite à rallumer mon portable qui me nargue en espérant trouver une réponse à mon attaque. Mais je me ravise, ça ne sert à rien, je ne peux pas faire une croix sur lui, pas aujourd'hui. Peut-être que le temps fera son œuvre et que je finirai par ressentir moins de douleur, moins de haine.

Je me fais violence en buvant une gorgée de blanc et entame la lecture qui saura me faire oublier que je ne suis qu'un simple pion dans la vie de Louis:

- Plus rien ne peut t'atteindre ici, me dis-je à moi-même comme pour me consoler d'une perte qui semble inévitable.

Aime-moi ... (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant