CHAPITRE 56

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PDV LOUIS

- Es-tu prêt  ?

Non maman, je veux m'en aller loin d'ici, aussi loin qu'il m'est possible.

- Presque.

Je reprends mon souffle, et pose la question à ma mère qui me démange  :

- Est-elle là  ?

Ma mère me couvre d'un regard bienveillant, elle sait naturellement de qui je parle, pas besoin de mettre un nom sur le visage qui occupe mes pensées depuis presque 15 ans maintenant.

- Oui, Louis, elle est assise au deuxième rang si tu veux tout savoir.

- Tu penses que je suis horrible, n'est-ce pas  ?

Suite à mes propos, ma mère affiche un air compatissant  :

- Non, ce n'est pas ce que je pense.

- Alors, je suis quoi  ?

Ma mère s'avance un peu plus dans ma direction et pose une main rassurante sur ma joue. Je la surplombe mais ma taille n'égalera jamais sa grandeur d'âme.

- Je pense au contraire que tu es quelqu'un de bien et que tu es un homme d'honneur.

- C'est n'importe quoi maman, tu n'es pas objective.

Ses lèvres se détendent pour laisser entrevoir un léger sourire mais je sais que mon état la préoccupe. Rien ne se passe comme je l'avais imaginé, son mariage est censé être le plus beau jour de sa vie, non  ? Alors pourquoi, je me sens aussi mal  ? La blessure béante ne me quitte plus depuis qu'Ophélia a passé cette double porte. Je ne l'ai pas revue par la suite. Elle m'a imposé un silence qui ne cesse de me malmener. À cet instant, si j'écoutais mon cœur, je sortirai en trombe de mon cachot pour courir dans ses bras et la kidnapper. Mais la raison me rappelle à l'ordre et répète encore et encore les paroles de mon père «  Tu sais, mon fils, un crash boursier est si vite arrivé  ». Je dois tenir bon et me battre, même si ça signifie que je dois renoncer à elle.

- Louis  ?

- Oui, maman.

- Où es-tu  ?

- Perdu dans mes pensées.

- Viens par là.

Elle m'attrape la main et me conduit jusqu'au banc pour que j'y prenne place à ses côtés  :

- Te souviens-tu de ce que je t'ai dit  ?

L'émotion est en train de me gagner, pour réponse je secoue la tête en signe de négation.

- Ne te sens jamais obligé ou contraint de faire quelque chose. Je t'ai mis au monde pour que tu embrasses la liberté, pas la contrainte.

- Maman...

Mon appel au secours ne passe donc pas inaperçu, ma mère ressent et partage ma souffrance.

- Je vois bien que depuis que tu nous a annoncé ce mariage, rien ne va. Tu peux faire semblant aux yeux des autres mais moi, tu ne me dupes pas. N'oublie pas que tu es mon bébé... Je peux sentir quand tu dérives.

- J'ai peur...

- De quoi as-tu peur exactement  ? Du regard des autres  ? Si tu ne veux plus de ce mariage alors ne passe pas cette porte. Je ne t'en voudrais jamais et ton père s'en remettra.

Je n'en suis pas si sûr...

- Qu'est-ce qu'il se passe ici  ?

Quand on parle du loup, le parâtre de mon histoire vient de franchir le seuil de ma cellule.

- Ton fils ne se sent pas très bien.

- Lili, laisse-nous. Je vais lui parler.

Mon regard tente en vain de supplier ma mère de rester mais la présence de mon père brouille son radar sensoriel et elle s'exécute.

- Ne tardez pas. La cérémonie doit commencer si tel est ton choix.

Liliane Devilliers se dirige vers la porte en bois crochetée et me donne son assentiment quant à ma future décision.

Enfin seul, mon père redevient loquace  :

- C'est normal d'être nerveux mon fils, l'émotion que l'on éprouve le jour de son mariage est décuplé.

Ne me prend pas pour un con. Je suis loin d'être aux anges et tu le sais, cette comédie ne rime à rien.

- Je ne suis pas nerveux papa, je suis mal parce que je vais épouser une femme que je n'aime pas, pire que je déteste, tout en elle m'horripile et tout ça c'est de ta faute  !

- C'est nouveau, depuis quand tu ne supportes plus ta fiancée?

- Depuis que tu m'as obligé à me marier avec elle.

Le seul responsable, ici, c'est lui, j'aimais bien Ana avant toute cette merde. C'est une gentille fille qui ne mérite pas qu'un homme l'épouse par dépit ou contrainte. Je culpabilise de savoir que je ne l'aimerai jamais comme elle me chérit. Mes sentiments ne seront pas à la hauteur des siens car mon cœur appartient à une autre.

- Écoute-moi bien petit ingrat, grâce à moi tu deviendras quelqu'un d'important et ton Ophélia sera préservée. Alors arrête de geindre  ! Tu es un homme  !

- Je suis un homme quand ça t'arrange. Je t'ai vu discuter avec elle, le soir des fiançailles. Que lui as-tu dit  ?

- De qui parles-tu  ?

Mon père fait semblant de ne pas comprendre où je veux en venir.

- Tu sais très bien de qui je parle.

Il fait mine de réfléchir mais bien sûr j'arbore ma tête de con depuis ce matin, fais-toi plaisir Charles.

- Ah  ! Ophélia  ?

Oui, qui d'autre  ?

- De quoi avez-vous discuté  ?

- Rien d'important. Rassure-toi, un marché est un marché Louis. Pour qui me prends-tu  ? D'ailleurs n'est-elle pas parmi nous  ? Alors ressaisis-toi  ! Ton mariage est sur le point d'être célébré. Ce serait bête que le marié manque à l'appel, non  ?

Au moins ce qui est sûr, c'est qu'il veillera sur ses intérêts comme dû. Maintenant à moi de me décider si oui ou non je veux en payer le prix.

- Passe devant  ! Je te rejoins.

Seul, je m'enferme une dernière fois dans ce qui me reste de conscience pour répondre à ce nouveau dilemme qui me tend les bras.

Aime-moi ... (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant