- Sept ans plus tard -
J'ai enfin terminé mes études. J'ai vingt-cinq ans maintenant. En sept ans je ne l'ai toujours pas revu. J'ai... je lui ai envoyé des messages. Il a répondu au premier, me disant de ne plus penser à lui, de vivre ma vie. C'est sûr que j'ai pété les plombs. Mais j'ai compris. Je comprends qu'il a besoin que je ne sois pas présent pour... justement éviter de souffrir.
Je l'ai enfoui tout au fond de moi et ça m'évite de ressentir le manque de lui.
J'ai même essayé de me taper des mecs mais... y'a pas moyen. Je n'y arrive pas. Alors je me consacre au boulot. Je viens juste de sortir de la fac avec mon diplôme en poche. Je suis donc maintenant vétérinaire à plein temps dans le cabinet où j'ai travaillé pendant mes études. J'ai énormément épargné et tous les jours je regarde si un bâtiment est libre. Mais je suis un peu difficile. Je cherche avant tout un grand terrain afin d'accueillir absolument toute sorte d'animaux. Vaches, cochons, chèvres, chevaux, chiens, chats, oiseaux, serpents, lapins... absolument tout. Donc c'est un peu compliqué. Je pense que le meilleur endroit serait près d'une forêt, c'est plus facile pour les animaux de s'en remettre quand la nature les entoure. Alors... enfin bon...- Ibrahim ?
- Mm ?
- Chéri, ton père a trouvé un terrain vague dans la campagne. Mais pas trop loin de la ville non plus. Et puis le coin campagne est aussi évidemment bondé d'animaux en tout genre... Tu devrais peut-être y jeter un coup d'œil.
- Mais carrément ! C'est en vente depuis combien de temps ?
- Pas longtemps, t'inquiètes. Je pense que tu as du temps.
- Ok, et papa, quand est-ce qu'il est libre ?
- Il arrive plus tôt aujourd'hui, juste pour toi.
- Quelle heure ?
- Vers... seize heures trente par là.
- Ok. Cool. Merci maman.Je me lève de table et lui embrasse la joue avant de mettre ma vaisselle dans le lave-vaisselle. Je vais directement au cabinet et enfile non la blouse des stagiaires mais la mienne, celle du vétérinaire. Et je suis tellement fier de la porter enfin.
Aujourd'hui on est vendredi et c'est donc le début du week-end. Le début des emmerdes. C'est évidemment le week-end qu'il y a le plus de clients donc bon voilà.
La journée se passe plutôt bien. Jusqu'au moment où une vieille dame arrive avec son rottweiler. Elle est pleine et apparemment elle n'arrête pas de geindre. Je la prends avec moi dans ma salle et on l'installe sur le petite table en fer. Je fais quelques petits tests avant de sourire.- Elle va mettre bas, j'indique.
- Oh vraiment ? elle demande complètement paniquée.
- Ne vous inquiétez pas madame, tout ira bien.
- Vous êtes sûr que...Je lui souris tendrement en hochant la tête. Je m'excuse auprès de la femme puis je vais à l'arrière et prépare un endroit pour la chienne. J'entasse des couvertures avant de retourner auprès de vieille dame et de la chienne. On la place à l'arrière et j'essaie de la rassurer du mieux que je peux.
- Comment ça va se passer ? demande la sexagénaire.
- Comment ça ? je renchérie.
- Eh bien hum... il est presque dix-huit heures et... on ne peut pas la laisser seule, c'est...
- Madame, je vous l'ai dit, ne vous inquiétez pas. Je resterais toute la nuit s'il le faut.
- Oh vraiment... ?Je lui souris encore tout en caressant le pelage du toutou.
- Si j'ai choisi ce métier, c'est pour les animaux, pas pour m'emplir les poches. Veuillez excuser mon langage cru mais nous vivons dans une société où l'argent compte énormément et je comprends votre appréhension... Mais ne vous en faites pas. Vous pouvez m'appeler à tout moment, je termine en lui souriant.
Elle me remercie une bonne dizaine de fois avant de m'indiquer qu'elle m'appellera à la première heure demain matin. Je passe la soirée près de la bête. Entre temps je retire mon blouson et attrape un de mes vieux tee-shirt que j'ai laissé ici, au cas où. À un moment m'appelle et je m'excuse lui indiquant je resterai au cabinet et m'excuse aussi auprès de mon père pour le terrain. Elle ronchonne un peu mais ne s'y oppose pas. Je reste donc près de la chienne et l'aide même à plusieurs reprises en retirant moi-même les chiots de son utérus. Je lui donne souvent à boire et elle finit avec quatorze chiots. Je me demande comment elle a fait... d'ailleurs je m'assure que sa tension soit bonne et que tous les placentas soient bien sortis. Tout est ok, elle doit juste se reposer. Mais je vais veiller sur elle. Vers deux heures du matin elle s'endort, et je la suis trente minutes plus tard. Je suis réveillé par ma collègue.
- Hey ? Ibrahim ?
Je sursaute quelque peu avant d'émerger.
- Merde... désolé Carole... j'ai complètement oublié de verrouiller le cabinet. J'ai aidé la chienne pratiquement toute la nuit et...
Je me tourne soudainement vers la femelle rottweiler et soupire de soulagement en constatant qu'elle va bien.
- Vas te débarbouiller, je m'occupe d'elle, elle me rassure.
Je lui fais un petit sourire tout en hochant la tête. Je vais derrière et me lave les mains longuement avant de me débarbouiller. Je retourne ensuite auprès de ma collègue avant de récupérer mon téléphone. Je soupire en constatant qu'il est six heures moins le quart.
La propriétaire du rottweiler me téléphone et je la rassure tout en lui indiquant comment ça s'est passé. Elle m'informe qu'elle ne pourra se déplacer que cet après-midi pour la visiter. Je lui dis qu'il n'y a aucun problème et que je serais là. Elle me remercie encore puis je raccroche.
Je rentre chez moi pour prendre une douche et me nourrir. Après quoi j'appelle mon père pour m'excuser quand même en personne. Il m'assure que tout va bien et qu'il est libre maintenant. Je réfléchis, mais finit par accepter et il me rejoint à la maison afin qu'on prenne la même voiture.
Il m'indique la route à prendre et on arrive à la campagne. Je suis émerveillé par toute cette nature, c'est vraiment magnifique. Il me montre une entrée et je m'y engage. Il me montre la propriété et les bâtiments. Il y a une grange et des écuries déjà là et le terrain pourrait très bien s'organiser.- Combien ? je demande.
- Si tu veux ce terrain, je te l'offre mon garçon.Je me tourne vers lui les yeux exorbités.
- Non mais papa enfin... C'est juste hors de question. C'est mon investissement, c'est...
- Ibrahim, ta mère et moi sommes très fiers du chemin que tu as parcouru, et nous aimerions t'offrir ceci. Pour commencer en beauté.
- Mais papa, c'est beaucoup trop !
- Ta mère m'avait prévenu que tu serais têtu, il râle.Je soupire. Je pèse le pour et le contre et...
- Non papa, franchement je ne peux accepter ça, ce terrain doit... être... disons qu'il doit faire son prix non ?
- Alors on paye les trois quart.
- Non.
- Moitié, moitié, c'est ma dernière offre.
- Combien ? j'ose demander à nouveau.Il me sort un chiffre et je grogne de frustration. Oui, ce terrain fait bien son prix en effet...
- Très bien, je dis finalement.
Il me fait un grand sourire avant de sortir son téléphone et sûrement d'appeler le propriétaire. Apparemment on a un créneau et donc on se rejoint dans le centre, dans un café. Tout se passe plutôt rapidement et on se revoit dans la semaine.
Les jours suivant, tout se passe plutôt bien. La propriétaire de la chienne vient la visiter pratiquement tout le temps jusqu'au moment où elle peut finalement la récupérer. En revanche, elle nous laisse chiots que nous donnerons certainement. Je me mords la lèvre inférieure. J'ai déjà un appartement et bientôt ma maison, car oui, je compte bien habiter sur la propriété où je créerais mon cabinet. Alors peut-être que je pourrais prendre un chien.... ? Voire deux... ? Bon un d'abord et deux, on verra plus tard.
En fin de semaine je suis enfin propriétaire du terrain. Et comme pour l'instant nous sommes plusieurs dans un cabinet eh bien, j'ai quand même mes dimanches et mes mercredis. Donc je les consacrerais à ma propriété.
En trois mois, les deux bâtiments habitables ont été totalement vidés et réaménagés. La grange a été nettoyée en un mois et les écuries également. Évidemment, il manque encore un tas de trucs comme déjà les meubles et dans ma maison et dans le cabinet. Il manque également tous les abreuvoirs et mangeoires à mettre dans les écuries et dans la grange. Moi je suis très heureux. Très heureux de ce que je suis en train d'accomplir. Évidemment, il me manque... quelque chose. Quelqu'un. Mais pour l'instant, je me consacre à mon travail. Ça m'évite de penser à ce qui manque.

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Une étrange relation
Loup-garouUn craquement. Une forêt sombre. Des yeux luisants. Une question. Qu'est-ce que c'est ? Ou alors... Qui est-ce... ? ~ Warning : Romance entre deux hommes. #GayFiction - 2017 ©