Suite à cette parodie devant les grilles du lycée Hinata, je jugeai l'incident plus navrant que grave même si je souffris pendant plusieurs jours de maux de ventre. Ryôta devait avoir les épaules solides pour avoir si longtemps supporté le caractère de Naomi et ses frasques intempestives. Cette affaire m'ulcéra, au point que j'appelai Minoru qui m'apaisa miraculeusement avec autant de fantaisie que d'efficacité.
Une autre mésaventure m'attendit à la lecture du relevé de mon compte en banque. Panne de réfrigérateur ? Dégât des eaux ? Adorable chaton à adopter ? Non. C'étaient les études qui me contraignaient à des dépenses imprévues de livres. Que les manuels coûtaient chers ! Une ruine ! Encore quelques jours avant d'arriver en juillet ; il faudrait bien tenir jusque-là.
Sur le toit de l'établissement Nintaï, je pestai à haute voix.
« Vingt mille yens ! T'as couché vingt mille yens pour... Pour des bouquins ? ».
Daiki était abasourdi. Forcément, il n'aurait pas dépensé cet argent de la même façon. Je ne l'avais pas non plus fait de bon cœur. En supplément de ma bourse versée par l'Agence, mon salaire me permettait de payer le loyer et de vivre confortablement... à condition de demeurer bonne gestionnaire.
La grande charpente de Daiki se contorsionna maladroitement sur sa chaise pour attraper un comprimé sur une table.
« Hé ! Daiki ! T'as mal au crâne ? s'enquit Jotaro.
L'intéressé hocha la tête. Une nouvelle fois, je constatais à quel point ses traits de visage étaient grossiers.
— C'est bizarre. Normalement, pas de cerveau, pas de migraine !
Le géant adressa un doigt d'honneur à Jotaro qui ricana.
— Bref, voilà à quoi mènent les études, soupira Tennoji sous ses joues creuses.
— Hé, Clé-à-molette ! Il te reste de quoi vivre au moins ? me taquina Nino en m'observant de haut en bas, le regard amusé comme si j'étais vêtue de haillons.
— Ouais, renchérit Mika derrière son masque chirurgical. Il est moche, ton chemisier. Il date de quel siècle ?
— Je l'ai acheté l'an dernier et contrairement à ta tête, je peux en changer.
En réaction, Mika gifla le sol avec un vieux manga aux pages racornies et jaunies par l'humidité. Il s'apprêta à se lever mais Nino me reposa sa question.
— Oui, bien sûr, répondis-je en évitant le regard incendiaire de l' « Hypocondriaque ». J'ai encore un peu d'économies.
— Ben, pourquoi tu ne prends pas d'argent dessus ? C'est rien à faire, marmonna mollement Daiki, les paupières tombantes et des valises sous les yeux après une nuit blanche passée à boire et à se battre.
Sa voix était éraillée par la dose d'alcool ingurgitée. C'était à peine s'il avait décuvé. Combien de bières pouvait absorber le corps d'un géant ? En tout cas, c'était une vraie loque. Il retroussa son pantalon et découvrit sa jambe, croûtée de sang séché. Daiki grimaça en avalant son cachet de travers.
— Ça marche pas ! Vous auriez d'la morphine ?
Ma mâchoire se décrocha.
Les autres firent simplement non de la tête et Takeo ouvrit les bras en signe d'impuissance. Ils étaient recouverts de coupures ; le leader s'était sûrement battu, lui aussi.
On entendit Daiki renâcler qu'il serait en meilleure forme si les cours ne commençaient pas si tôt et qu'il ne fallait pas trop le bousculer le matin.
Mais il ne fallait pas le bousculer tout court. Tennoji fit écho à mes pensées.
— Pas te bousculer pour venir en cours ? Tu parles ! Ça n'aiderait pas, ta crétinerie est irréversible. On t'a lavé le cerveau au détergent quand t'étais gosse ! Il ajouta aussitôt : A moins que ton berceau ait pris feu et que tes parents aient dû t'éteindre à coups de poêle !
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Octopus - Tome 2 : La Pieuvre a huit bras
General FictionDans ce deuxième tome, les liens entre les nintaïens et Lucie se fortifient, ce qui suscite l'inquiétude de certains. Alors que sa vision du Japon change progressivement, les rivalités au sein de l'établissement Nintaï s'intensifient. Lucie est écar...