45. Au fond

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[Narration : Lucie]

Quelqu'un prononçait mon nom depuis un moment. J'avais souvenir qu'une situation similaire s'était déjà produite. La voix me parvenait de loin, brouillée, comme si elle venait d'un talkie-walkie. A mesure que les secondes s'écoulaient, elle se faisait plus proche, plus distincte aussi. C'était une voix familière, douce à mes oreilles. Du japonais.

Cette constatation me procura un soulagement indéfinissable : j'entendais ! J'entendais même très bien ! Je n'étais plus sourde !

J'ouvris les yeux et effectuai une mise au point. J'avais l'impression qu'on les avait remplacés par des kaléidoscopes tant les formes et les couleurs étaient altérées. Les draps n'avaient strictement aucune odeur. Je tentai de relever le buste mais toute ankylosée, je fus prise d'un vertige. A mon chevet, j'entrevis un dispositif de goutte-à-goutte. Du liquide provenant de la poche plastique transparente se répandait dans un tuyau jusqu'à une veine de mon bras. Je détournai la tête et pris une grande inspiration qui souleva le drap sur mon ventre.

Mes gestes étaient lents et mes muscles pesaient des tonnes, comme si on y avait versé du plomb. Au moindre mouvement, mon corps me faisait horriblement mal.

Dans le flou, je palpai mes bras, mon visage. La pulpe de mes doigts se heurta à des bandages. Je passai la langue sur mes lèvres, elles étaient desséchées et en petits lambeaux de peaux. L'intérieur de ma bouche l'était tout autant et j'eus la sensation que ma langue s'appuyait sur un brasier. Je saisis un verre d'eau laissé à mon attention sur la table de chevet, en déversai la moitié à côté, le reposai aussitôt, régulai mon souffle et m'en saisis à nouveau pour boire le reste. Le liquide coula dans ma gorge telle une source qui me ramena pour de bon à la vie. Ma vision se stabilisa lentement.

Il y avait deux plafonniers à néons, munis de paralumes pour filtrer la lumière. Mes yeux firent le tour de la pièce, tout était très laiteux, blanc. La pièce, les draps, les stores... Il devait faire jour dehors. Mon regard se posa sur un  autre tuyau planté dans mon bras et je grimaçai.

Pleine de tubes et de fils partout ! C'était dégoûtant ! J'eus une soudaine envie de tout retirer mais une main prit doucement la mienne pour m'en empêcher.

« Tu veux bien te calmer ? ».

Kensei me regardait d'un air anxieux. Qu'il était beau ! C'était comme d'avoir un grand soleil en face de soi. A sa vue, j'eus l'impression que mon cœur se remettait en marche. Mes poumons se soulevèrent en comprimant ma poitrine et ma vue se brouilla. Après quelques instants, elle se précisa de nouveau.

Kensei n'était pas seul dans la pièce : assis au fond, Minoru somnolait. Tous deux avaient les yeux décavés par la fatigue.

« Lucie ? Tu me reconnais ? » dit encore Kensei.

Minoru se leva de sa chaise en plastique blanc installée dans un coin de la pièce.

Je parvins à énoncer « Oui ». Kensei poussa un long soupir et s'effondra sur une autre chaise en plastique, juste à côté du lit. Son teint était crayeux. Je me rendormis.


Merci de votre lecture ! ~*

Oui, oui je sais... Chapitre court... Pour des chapitres plus longs après ! 😉

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Octopus - Tome 2 : La Pieuvre a huit brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant