Les premiers examens du lycée technique Nintaï débuteraient dans une dizaine de jours : une durée trop courte au sens des caïds pour s'y préparer. Mais de toute façon, ils étaient peu à s'en soucier : ils cherchaient tous un moyen de trouver un nouveau dealer qui vende ce dont ils avaient besoin à un prix correct.
Leur désintérêt pour la question des examens n'était guère mon problème, jusqu'à ce que Minoru me demande de l'aider à réviser l'anglais. J'acceptai : l'anxiété peinte sur son visage depuis l' « affaire Fumito » ne l'avait toujours pas quitté. Rares étaient désormais les fois où Minoru faisait ressortir son caractère vif et enjoué.
Contre toute attente, l'opossum transgénique aimait l'anglais et y mettait du sien. En règle générale, il plaçait de la bonne volonté dans tout ce qu'il entreprenait du moment qu'il avait décidé de s'y mettre. Minoru était ainsi : une fois qu'il commençait quelque chose et même si cela ne lui plaisait pas, il s'y plongeait avec dynamisme et abnégation.
Les autres troisièmes années imitèrent son initiative : je me retrouvai, pendant une semaine, à faire réviser la matière à une quinzaine de roublards sur la terrasse du toit. Seul Mika resta dans son coin. Plus qu'aucun autre, il méprisait tout ce à quoi il ne voyait qu'un intérêt quelconque ou qui l'embarrassait. Y compris les individus, en l'occurrence, moi, l'étrangère.
Daiki secoua les épaules et leva le menton.
« Je pige rien, y'a trop de trucs à apprendre ! grommela-t-il.
— Y'a pas assez de place dans ta tête, c'est tout ! ».
Minoru cultivait la facétie provocatrice avec un rare talent. Toutefois, il était culotté d'éructer pareille observation alors qu'il passait son temps sur le toit à musarder le nez en l'air, à engloutir des sachets de chips ou le regard rivé sur son portable... Il venait juste de terminer une pâtisserie. Le sachet en papier était froissé en boule sur la table devant lui et des miettes étaient restées accrochées aux commissures de ses lèvres.
— Boucle-là, Minoru ! vociféra Daiki.
Sur ces beaux mots, le géant morphinomane envoya ses feuilles voler d'un balayage de main, n'en gardant qu'une. Il la parcourut du regard et perplexe, interpella Jotaro qui s'apprêtait à quitter le toit.
— Hé, mec ! C'est quoi un paradoxe ?
L'intéressé vint vers lui et se pencha sur la table de travail. Il lut la feuille et considéra Daiki.
— Ben c'est genre... Toi, tu sors avec une fille de Tôdai.*
— Ah, ok.
Jotaro mit une tape dans l'épaule de Daiki et disparut derrière la porte métallique du toit.
— Continue, Daiki, l'encourageai-je. C'est en persistant que tu verras tes résultats s'améliorer. C'est un apprentissage qui se construit petit à petit mais qui finit par porter ses fruits.
— Pas d'ici deux jours ! » rétorqua-t-il en grimaçant.
A côté de moi, Minoru se mit à remuer la tête dans tous les sens. Il glissa à mon oreille : « Ce type contribue à l'appauvrissement intellectuel mondial. Y'a rien à en tirer ». Puis il déclara à voix haute :
« Ton cerveau est resté branché en mode on trop longtemps. Il a surchauffé... Laisse tomber, Daiki. Même une prof aussi idéaliste que Clé-à-molette ne peut rien faire pour toi !
Daiki se leva de sa chaise, furibond et se dirigea vers les escaliers pour aller se défouler au club de baseball. Mais Minoru en rajouta une couche.
— Y'a un proverbe chinois qui dit que Si ton labeur est dur et que tes résultats sont minces, souviens-toi du grand chêne qui avant n'était qu'un gland.... Comme toi ! ».
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Octopus - Tome 2 : La Pieuvre a huit bras
General FictionDans ce deuxième tome, les liens entre les nintaïens et Lucie se fortifient, ce qui suscite l'inquiétude de certains. Alors que sa vision du Japon change progressivement, les rivalités au sein de l'établissement Nintaï s'intensifient. Lucie est écar...