Je reçus les résultats du test du cours de japonais : j'étais autorisée à rester dans le groupe. Mon professeur de japonais me communiqua le titre d'un nouveau lexique juridique anglais-japonais, d'un niveau de langue supérieur au précédent. Encore un livre à acheter.
La saison des pluies s'étirait sur le mois de juillet. Le thermomètre grimpait et je m'habituais tant bien que mal à la moiteur sur ma peau. Les gouttes de transpiration ruisselaient sur mes tempes et le long de mon corps en alternance avec les averses torrentielles qui me trempaient jusqu'aux os.
Dans ces conditions, Aïko et moi avions délaissé la terrasse inondée pour nous réfugier dans l'intérieur chaleureux du café. Ce n'était pas un établissement très huppé mais l'espace entre les sièges était assez large, de sorte que l'on pouvait bavarder dans se soucier d'être entendues.
« Félicitations ! C'est fabuleux !
— Merci, Lucie ! Je ne vais pas pouvoir tenir jusque-là, je suis bien trop excitée ! Regarde, j'en ai la chair de poule !
Aïko trépignait sur sa chaise ; annoncer son mariage proche lui faisait tourner la tête et l'envoyait haut dans le ciel.
— Mais... Ça signifie que tu quittes Osaka ? ».
Elle prit mes mains dans les siennes, une lueur maternelle brillant dans son regard pétillant.
— Oui, je pars au Nord. A Hirosaki, dans le district de Tohoku, près du détroit de Tsugaru, en face de la péninsule d'Oshima.
— Tu connais ta géographie par cœur !
— C'est que ça fait des mois que je n'attends que ça ! Il a enfin été promu et muté. Et le meilleur : il a déjà obtenu sa prime de départ !
Aïko jubilait comme une petite fille. Non seulement elle quittait la ville pour suivre son futur époux mais elle avait trouvé un nouvel emploi, à mi-temps cette fois. Avisant ma mine déconfite, elle se reprit et tapota délicatement mes mains. Puis elle me considéra de ses yeux noirs et profondément lumineux.
— Ne t'inquiète pas, Lucie. Je serai bien obligée de revenir régulièrement ! Toute ma famille et mes amis habitent ici. La prochaine fois que nous nous reverrons, je te rapporterai un cadeau de Hirosaki.
Voir Aïko dans cet état ne pouvait que me réjouir, d'autant que sa joie était contagieuse. Il aurait été mal venu d'entacher pareil bonheur. Nous commandâmes deux énormes glaces excessivement caloriques pour fêter cela et Aïko me conta en détail les préparatifs du mariage, lequel serait célébré dans sa nouvelle ville. Mon moral plongea encore lorsque je compris que, travaillant à cette période-là, je ne pourrai assister à la célébration.
***
Le 15 juillet honorait la fête de la ville d'Osaka. Je m'examinai une dernière fois dans la glace, empaquetai les cookies encore fumants qui sortaient du minifour, empoignai mon sac à la volée et verrouillai la porte de l'appartement.
Kensei devait m'emmener en virée à moto dans la campagne environnant la ville. J'étais euphorique à l'idée de me retrouver de nouveau perchée à l'arrière de la Suzuki, le nez à contrevent, comme les chiens qui passent la tête par la vitre de la voiture pour profiter de la sensation de vitesse.
« Ça va faire du bien de prendre le bon air, s'était enthousiasmé Kensei. Je suis sûr que t'en as marre d'assister à des bastons tous les jours. T'as une bouille à préférer la nature et les bisous ».
J'avais opiné de bonne grâce. Kensei s'était immédiatement repris.
« Mais tu sais, parfois – enfin, à Nintaï le plus souvent – on n'a pas le choix. Il faut se battre avec ses poings.
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Octopus - Tome 2 : La Pieuvre a huit bras
General FictionDans ce deuxième tome, les liens entre les nintaïens et Lucie se fortifient, ce qui suscite l'inquiétude de certains. Alors que sa vision du Japon change progressivement, les rivalités au sein de l'établissement Nintaï s'intensifient. Lucie est écar...