53. Jeux de séduction

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[Narration :  Lucie]

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[Narration :  Lucie]

A notre approche, Tennoji m'adressa un hochement de tête. J'y répondis et éructai à voix basse à Shizue de cesser de se cacher les joues derrière ses cheveux, coupés trop courts pour dissimuler quoique ce soit.

Tennoji s'interrompit enfin et m'apostropha :

« Salut, Clé-à-molette ! Et heu... Shizue, c'est ça ? Ça te dérange pas qu'on t'appelle par ton prénom ?  ».

Pour une fois, avec son intonation nasillarde provoquée par son opération, Tennoji prenait les devants. Il était décidément vif et capable de s'adapter à n'importe quel type de situation. Je le gratifiai mentalement et refis les présentations. Shizue resta plantée sans dire un mot, figée comme une statue antique.

De son côté, les lèvres de Jotaro étaient rentrées vers l'intérieur de sa bouche, pincée. L'expression de ses yeux oscillait entre la sévérité et l'inquiétude. Shizue replaça une mèche lisse derrière l'oreille. Un court espace de temps s'écoula. Mon amie fixa le sol.

J'hésitai entre rire et pleurer. Bon sang ! Je n'allai quand même pas les coacher à haute voix !

Shizue, Shizue ! Pour elle, le jeu de séduction se résumait à l'attente d'un regard, au frôlement des tissus de vêtements. Or le monde ne fonctionnait pas ainsi et encore moins avec un homme tel que Jotaro.

Alors que je désespérai, Tennoji m'envoya un surprenant clin d'œil et tonna : « Réveille-toi Jotaro ! On la connaît, c'est la fille du barbuc' ! ».

Je relevai la tête. Tennoji, merci ! Il prenait les choses en main. Cela signifiait que Shizue avait sa chance. Sous l'égide du dur à cuire, peu à peu, Jotaro et elle desserrèrent les lèvres.

Satisfaite de la tournure de la situation, je les délaissais pour me tourner vers Nino, resté en arrière : « Du nouveau ? ».

J'eus l'impression d'avoir adressé la parole à mon acolyte gangster. Nino, à la figure et au corps marqués par le passage tabac, opina vivement sans pour autant détacher son regard d'aigle des silhouettes des trois autres. Lui aussi avait compris l'enjeu de la rencontre. Son visage n'exprima pourtant rien de ce qui puisse ressembler à de la bienveillance ou à de l'amusement. Au lieu de cela, il déclara de sa voix sèche : « Naomi a redemandé à Ryôta de sortir avec elle ».

J'en eus le souffle coupé.

Il m'indiqua d'un signe de tête un banc de rue situé non loin. C'était un ordre, je lui emboîtai le pas.

Une fois tous deux assis avec vue sur Shizue et les « Men in Grey » qui discutaient, Nino tourna vers moi ses petits yeux noirs et enfoncés. Il m'expliqua que Naomi avait été jusqu'à faire le pied de grue devant le minuscule appartement que Ryôta partageait avec son grand-frère, un host. En dépit de l'obstination de Naomi, Ryôta n'avait rien voulu savoir et n'avait pas ouvert la porte.

Octopus - Tome 2 : La Pieuvre a huit brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant