59. Le retour de Tomo

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Depuis une heure déjà, j'avais posé la tête sur l'oreiller, en vain : le sommeil ne m'atteignait pas. J'étais énervée et la chaleur dans la chambre était étouffante. Je songeai sérieusement acheter une petite climatisation sur pieds.

À la fin du match, Kensei s'était précipitamment levé et avait disparu « pour aller voir quelqu'un ». Tant mieux, je n'aurais pas réussi à conserver mon calme face à ses excuses de vengeance envers les punks. J'aurais également eu du mal à ne pas lui ôter son t-shirt devant tout le monde pour observer sa balafre...

Sur la table de chevet, mon portable vibra. Je m'attendis à ce qu'il s'agisse d'un message de Kensei et ouvris le clapet d'un geste sec. À la place de son nom, je vis celui de Tomo. Je jetai un coup d'œil sur l'affichage numérique : vingt-deux heures.

Le contenu était à peine lisible, tant il était bariolé d'émoticônes :

« Bonsoir, Lucie.

Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vue. J'apprécie toujours ton signe de main quand tu me vois à l'entrée du club sur ton chemin de retour... Ce soir, le club fête mon accession au rang de host n°1 ! Tu pourras être présente ? ».

Je calai mon dos contre le mur, scrutai à nouveau l'heure, qui n'avait pas tellement changé et contemplai ma chemise de nuit. Je repris en main mon portable.

« Félicitations ! Je te remercie pour ton invitation. Un tel évènement a dû être planifié. Tu ne crois pas qu'il est un peu tard pour me prévenir ? ».

À peine avais-je envoyé le message que j'en reçus la réponse.

Les doigts des hosts devaient être bioniques pour chatter à toutes leurs clientes en même temps. J'imaginai Tomo, assis dans confortable sofa du club, bercé dans les conversations, la lumière tamisée, des paillettes dégringolant du plafond, entouré de son manager et de son harem de groupies, le champagne coulant à flots et ses collègues assurant l'animation.

« Pardon. Mon manager n'a annoncé la nouvelle qu'hier soir. On a dû s'occuper de beaucoup de choses. Tu peux quand-même venir ? Ça me ferait plaisir. Tu auras l'entrée et une conso gratuites ».

Bien sûr, il n'avait pas eu l'occasion de décocher son portable mais il en avait eu assez pour préparer tout le reste de la soirée... Je déplaçai mes jambes au-dessus du drap et commençai à m'étirer. Visiblement, je prenais trop de temps pour répondre, car un autre message suivit.

« Encore toutes mes excuses. Peut-être que je t'ai réveillée ? Mais si tu ne viens pas, ma fête ne sera pas entièrement réussie. J'ai demandé au manager : t'auras deux consos ».

Je devinais que tout ce qu'il souhaitait, c'était de compter une étrangère parmi son sérail. Un troisième message arriva moins de dix secondes plus tard.

« Pour être franc, cette soirée va faire l'effet d'un coup de pub énorme pour le club. Les étrangères sont rares dans le coin, surtout des jolies comme toi. Des managers d'autres clubs seront là. S'ils te voient et qu'ils croient que tu es une cliente fidélisée, ils ne vont pas en revenir ! ».

Je ris et lui répondis aussitôt.

« J'apprécie ton honnêteté. Le temps d'enfiler un tenue décente et je suis devant les portes du club. Mais je te préviens, ce sera trois consos ».

Tomo avait beau être un host, à force de le croiser devant le club, je réalisais qu'il n'était pas aussi superficiel qu'il en avait l'air. Il jouait certes un jeu avec les clientes mais restait correct. Le saluer était une routine similaire à celle que j'entretenais avec le vendeur du konbini.

Octopus - Tome 2 : La Pieuvre a huit brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant