Arrivée

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- Voilà l'appartement ! déclare joyeusement ma mère en ouvrant la lourde porte bleue.

Un appartement modeste, plutôt chaleureux, s'étend sous mes yeux et ceux de mon frère.
J'entre à l'intérieur. Il est simple, les murs sont blancs, il y a une petite cuisine et un comptoir, et un couloir au bout duquel se trouvent la salle de bain ainsi que nos trois chambres.
Tom prend à peine le temps de regarder avant de se précipiter tout droit dans sa piaule.
Quand j'ai fait le tour de mon nouveau chez moi, je vais dans la mienne aussi. Elle est beige, mon lit est blanc, j'ai un placard, une table de chevet. Je dépose mon cactus vert sur celle-ci, puis je m'assois sur mon lit, en fixant la pluie s'abattre dehors par la fenêtre.
Je lâche un long soupir.

- Alors Ariane, ça te plaît ici ? demande la voix de ma mère dans mon dos.

- Mouais. Ça va, dis-je à contrecœur.

- Tant mieux.

Je l'entends s'éloigner.
Bien sûr que non, ça ne me plaît pas. De toute les villes de France il a fallu que mes parents choisissent l'une des plus pourries d'entre elles, j'ai nommé Caen. Il pleut et fait gris tout le temps, il fait froid, les gens ont l'air déprimés. J'aurais largement préféré, je ne sais pas moi, aller à Nice.
Mais non.
J'étais bien, moi, dans ma campagne. Pourquoi a-t-il fallu que mes parents décident de se barrer en ville ?

Je serre les dents.
Je vais devoir vivre ici un bon moment. Je vais devoir m'intégrer dans un nouveau lycée, en plein milieu d'année. C'est ça qui m'effraie le plus. J'ai quitté mes amies de toujours, pour revenir à la case départ. Je suis très réservée, et la sociabilité n'est pas mon fort. Mais ça, mes parents s'en foutent ; tout ce qui les intéresse c'est eux-mêmes. Nous n'avons pas notre mot à dire, mon frère et moi.
Pour m'évader un peu, je décide de m'allonger sur mon lit, avec ma musique. Mais j'ai à peine le temps de m'installer que ma mère en décide autrement.

- Ariaaaane ! Tu viens aider à ranger la vaisselle s'il te plaît.

Je lâche un long soupir exaspéré digne de celui d'une ado en pleine crise et m'exécute.
Alors que je range les assiettes dans le placard vide, mon père débarque dans l'appartement, trempé.

- Wahou, va falloir s'habituer à la météo normande !

Ni moi ni ma mère ne répondons.
Après quelques minutes passées à la salle de bain, il vient s'assoir à la table et m'observe ranger. Puis il finit par me demander :

- Alors, prête pour reprendre les cours dans ton nouveau lycée ?

Et voilà.
Le sujet qui fâche.
Il sait très bien que ça m'angoisse, et que je n'étais pas du tout pour changer de bahut.
Je lui en veux de nous avoir fait déménager, et alors que je m'étais un peu calmée, il a juste à être présent pour me foutre de nouveau en rogne.

- Bah non. Tu t'en doutes bien toute façon, je marmonne.

Mon père me fait répéter, faisant mine de ne pas avoir entendu.

- Pardon ? T'as dit quelque chose ?

Là, il me met vraiment en colère.
Il me cherche.

- Ouais, j'ai dit qu't'étais bien au courant que non, j'étais pas prête à reprendre les cours dans mon super nouveau lycée.

- Oh de toute façon t'as pas le choix. T'as le bac en fin d'année je te rappelle.

Quel culot.

- Justement, papa. J'ai le bac en fin d'année. C'était donc peut être pas la meilleure idée de déménager en pleine année scolaire tu crois pas ?

J'ai arrêté de ranger, attendant sa réaction.

- Arrête ton cirque. Les cours sont les mêmes, donc le déménagement n'a aucun impact sur tes études.

- Ouais, forcément c'est facile à dire quand on n'est pas concerné... je marmonne de nouveau en continuant de ranger la vaisselle.

- Hein ? T'as quelque chose à dire là aussi ?

La colère bout en moi.
Bien sûr.
J'ai envie de lui cracher toute ma vérité en pleine face, qu'il comprenne un peu. Mais c'est mon père.
C'est lui qui décide de tout dans la famille. Et si je n'ai pas envie qu'il me prive de quoique ce soit, il vaut mieux que je me taise.

- Nan.

Je me dépêche de terminer et m'enferme illico dans ma chambre. Je plie mes affaires pour m'occuper, mais ça ne m'empêche pas de cogiter.
Nous sommes au mois de novembre. Dans sept mois, j'ai le bac. Je ne sais même pas ce que je vais faire après celui-ci. Je pourrais faire comme tout lycéen qui parle de son avenir, c'est à dire promettre que lorsque je serai majeure, je me casserai de cette baraque. Mais je n'ai aucun projet, aucune idée de quoi faire, et d'où aller.
Donc, pour le moment, je bosse pour mon bac, je me trouve quelqu'un avec qui rester pendant les quatre prochains mois, et je verrai bien.
Une fois mes affaires rangées, je m'aperçois que la nuit est déjà tombée.
À contrecœur, je décide de préparer mon sac pour demain. Ce simple geste me donne la nausée, tellement je suis stressée.
Le temps passe assez vite ; je vais dîner, prends une longue douche brûlante dans laquelle je réfléchis à ma vie, jusqu'à ce que ma mère vienne tambouriner à la porte parce que, je cite, je "prends toute l'eau chaude".
Puis je me glisse dans mes draps après avoir dit bonne nuit, et envoie un message à ma meilleure amie, Alizée.

« Moi : J'ai peur Alizée »

Je reçois une réponse seulement une dizaine de secondes plus tard.

« Alizée ❤️ : J'suis avec toi, tu me manques tu sais »

J'ai un petit sourire triste.
Les larmes me montent aux yeux.

« Moi : Tu me manques aussi, vous me manquez toutes les trois... il pleut tout le temps dans cette ville de merde. J'veux revenir à la maison

Alizée ❤️ : Quand on aura toutes le bac, qu'on sera toutes majeures, on se retrouvera. On vivra en colloc' où je sais pas moi, mais on se débrouillera pour se voir c'est promis ! »

Ses mots me motivent un peu.

« Moi : J'ai hâte, t'imagines même pas

Alizée ❤️ : Moi aussi. Faut que je te laisse, ma mère pète un câble et veut que je révise. À demain et si ça va pas tu penses à nous

Moi : D'accord, pas grave t'inquiète. Je ferai ça, bisous je t'aime

Alizée ❤️ : Bisous moi aussi »

Je programme mon réveil pour 6:00 et pose mon téléphone sur ma table de chevet, à côté du petit cactus que m'ont offert mes trois copines.
Puis j'éteins la lumière et tente de m'endormir, en vain.
Les mêmes pensées tournent en boucle dans ma tête, et je sens très bien l'insomnie arriver. Je me tourne, me retourne dans ma couette. J'ai chaud, puis j'ai froid.
Pour me calmer, je me répète les mêmes choses.

Sept mois. C'est pas grand chose. Ça va vite passer. Ensuite t'auras plus à remettre les pieds dans un lycée.

Je finis par trouver le sommeil, tard dans la nuit.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant