Sous Influence

Parking vide

Gringe est appuyé contre une vieille Peugeot 309. Je m'attendais à le voir à pied, ou avec son skate, mais visiblement, il n'a pas prévu de nous faire marcher.

- Allez grimpe dans le carrosse, me lance-t-il en désignant le côté passager du menton.

J'obéis et contourne la voiture pour aller m'assoir à sa droite.

- C'était pas une Fiat Panda, ta voiture ? je lui demande après m'être rappelée de notre sortie nocturne de la dernière fois, avec les autres gars de la bande.

Un léger sourire naît sur mes lèvres lorsque je me rappelle de la musique à fond, du vent dans mes cheveux, de l'allure folle à laquelle il conduisait et des fous rires que nous avons eu.

- Si mais elle est au garage. Ça c'est la bagnole de Claude, il me l'a prêtée en attendant. Donc fais pas gaffe si y'a des trucs chelous genre...

- ... Une peau de banane ? je le coupe en lui mettant sous le nez ce que je viens de trouver à mes pieds.

Il lâche un rire.

- Ah ouais, ça encore ça va, y'a eu pire. J'te conseille de pas trop fouiller.

- Entendu, je dis en jetant la peau de banane à l'arrière.

Gringe démarre sans m'indiquer vers où il se dirige. À vrai dire, je n'ai pas envie de lui demander, tant qu'il roule loin d'ici, ça me va.
Il allume le poste radio et un agréable fond de rap français s'élève dans la voiture.

- Bon par contre j'te préviens, on va pas dans un bar. Désolé si c'est ce à quoi tu t'attendais.

Je n'avais même pas pensé à cette possibilité. Aller dans un bar, juste à deux ? Ça aurait été bizarre. Puis étonnamment, je ne ressens pas la moindre envie d'être dans ce genre d'endroit.

- Ça me va. J'ai pas très envie de voir du monde, ce soir.

- Tant mieux. Tiens, passe-moi le CD qui est dans la boîte à gants, s'teuplaît...

Je m'exécute et une flopée de disques plus ou moins abimés tombe à mes pieds.

- Euh...

- Putain, Claude il connaît pas l'expression « prendre soin des choses », j'crois, lâche Gringe en jetant un coup d'oeil furtif au sol. Bon y'en a un qui s'appelle Gringe, ou un truc comme ça normalement.

En fouillant quelques secondes parmi les CD, j'en trouve un, moins rayé que les autres, sur lequel il est gribouillé au feutre Gringo 2.
Je le lui tends.

- Tiens.

- Cool, merci.

Il le prend et l'insère à l'intérieur.
Je fixe sa main appuyer sur quelques boutons, lever puis baisser le volume, sans qu'aucune musique ne s'élève.

- Rah putain, jure-t-il en alternant rapidement son regard entre le poste radio et la route.

- Attends, c'est peut-être le mau...

Je me tais lorsque j'entends la voix de Gringe s'élever.

« ...arce que baiser l'état personne le fait en sifflotant

J'suis le reflet de mon époque j'vis de petites combines et j'tire au flan »

Gringe se tend d'un coup et appuie nerveusement sur les boutons du poste.