Manque de sommeil

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Le lendemain, en cours, je suis crevée. Je n'ai pas réussi à m'endormir directement quand je me suis installée dans mon lit. J'avais encore l'impression de flotter, mais pas sûr que ce soit pour les mêmes raisons que lorsque j'étais au skate park. Résultat, j'ai dû dormir deux heures, pas plus.
J'ai passé ma journée à somnoler. Sur ma table, au réfectoire, dans la cour.
Les filles me le font remarquer.

- T'as des cernes énormes, t'es sûre que tu dors, la nuit ? demande Manon.

Il est bien évidemment hors de question qu'elles sachent ou j'étais cette nuit, et surtout, avec qui. Même si Orel m'a conseillé de les envoyer se faire foutre, je ne pense pas que j'oserai.
Je préfère juste garder les choses pour moi, le plus possible.

- Ouais, j'ai juste fait une espèce d'insomnie cette nuit, j'ai pas beaucoup dormi.

Elles acquiescent et passent à autre chose.
Je sais qu'elles ont des arrières pensées.

••

Les jours passent, mes sorties nocturnes avec Orel se font de plus en plus nombreuses.
Pour faire court, il vient me chercher à chaque fois que le skate park est vide.
On discute, on rigole beaucoup. J'ai réessayé de fumer, et maintenant, on plane souvent à deux. J'ai accepté de boire aussi, avec modération, pour ne pas tester de nouveau une gueule de bois douloureuse. Juste assez pour être un peu saouls, tous les deux, et se sentir légers, tout oublier et profiter de l'instant.
Car c'est ce qui se passe, quand je suis avec lui. J'oublie tout le reste.
Je me surprends même, la journée au lycée, à attendre impatiemment le soir-même, quand je sais qu'on va se voir. Il me fait rire, tout le temps. Je l'observe beaucoup, je note quelques petits détails le concernant. J'arrive un peu mieux à le connaître, à comprendre ce mystérieux personnage.
Nous sommes amis, je crois. Lors de nos soirées à deux, il n'y a presque aucune ambiguïté.
Enfin... sauf dans ma tête.
Je continue de rougir à la moindre blague douteuse, mon cœur continue d'accélérer au moindre contact. Je continue de regarder ses mains, de penser à son odeur, à ses yeux, à ses cheveux, à ses lèvres.
Surtout quand nous ne sommes pas dans notre état normal. Là, tout et n'importe quoi se met à fuser dans mon cerveau.

C'est ce qui passe dans mon sang et dans mes poumons, qui doit créer ça. Des effets secondaires, je pense souvent pour me rassurer.

Oui, oui.
Des effets secondaires.

Il n'a parlé à personne de nos entrevues. Et j'ai réussi à ne pas me faire cramer, jusque là. Pourtant, Alice continue toujours de me faire la misère.
Messes basses, rires, croches-pattes, bousculades, insultes discrètes.
J'ai la nausée à chaque fois que je me rends en cours, à chaque fois que j'entends le son de sa voix, de son rire moqueur, à chaque fois que je l'ai dans mon champ de vision.
Mais je ne dis rien. J'encaisse, persuadée qu'en parler à quiconque ne fera qu'empirer les choses. Mes « amies » ne semblent d'ailleurs même pas le remarquer. Alice profite souvent du fait que je sois seule pour m'attaquer, mais elle ne se gêne pas non plus quand les filles sont avec moi. Soit elles sont aveugles, soit elles ont peur. Je crois que c'est un mélange des deux.

Un jour, pendant une heure d'Histoire, la prof (qui est également ma prof principale) me fait de nouveau une remarque alors que j'ai les yeux fermés, ayant une fois de plus passé la nuit avec Orel.

- Mademoiselle Ariane ? La nuit c'est fait pour dormir, vous savez ?

- Mh, oui, oui... excusez-moi, je bafouille en essayant tant bien que mal de me relever en gardant les yeux entre-ouverts.

- Vous viendrez me voir à la fin de l'heure, elle m'ordonne avant de reprendre son cours.

Merde.
Il ne manquait plus que ça. Un sermon de la part d'un professeur.
Alice se retourne et m'adresse un sourire, comme pour me narguer.
J'ai une immense envie de lui présenter mon plus beau doigt. Évidemment, je me contente de baisser les yeux.
Quand l'heure est terminée, tous les élèves sortent de la salle, sauf moi. La prof prend son temps pour aller fermer la porte, revenir à son bureau, s'assoir. Elle me fait signe d'approcher. Je m'exécute.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant