Conflit

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Je ne sais même pas ce que je vais faire, ni même à quoi ça sert exactement. Tout ce que je sais, c'est que j'y vais. Je les suis sans aucune hésitation dans ma démarche. Je vois du coin de l'œil Ablaye et Claude me regarder passer avec des yeux ronds. Les deux autres tourtereaux, par contre, ne me remarquent pas encore. Ils vont sans grande surprise un peu à l'écart des autres.
Quand ils s'arrêtent près d'un réverbère et que la distance entre nous ne fait plus que diminuer, une toute petite partie de moi commence à paniquer puisqu'elle réalise que je ne sais pas du tout ce que je vais dire. Elle est bien vite étouffée par la colère qui se met à bouillonner de plus belle au moment même où la fille se rapproche de lui sans qu'il ne fasse un seul mouvement de recul. Elle est presque collée à lui, ça n'a rien d'amical et ça n'a pas du tout l'air de le déranger. Quand enfin j'arrive à leur hauteur, que la fille fronce les sourcils et qu'Orel ose sourire quand il me voit là, la fureur s'amplifie.
Il n'a pas le temps d'en placer une. Je le gifle. D'un geste plus que sûr de lui.
Pourtant, je ne suis plus sûre de rien. La fille se recule, choquée. J'entends Ablaye et Claude exploser de rire derrière moi et d'autres gens murmurer de surprise. Il l'a mérité cette gifle, même si je ne voulais pas qu'elle soit si forte.
C'est comme si le temps se ralentissait quelques secondes. Je le vois, là, en face de moi, me fixer après cette claque inattendue. Il ne porte même pas une main à sa joue. Il a l'air de l'accepter bien qu'elle ne semble pas lui faire mal pour autant.
La fille réagit plus que lui. D'un coup, elle bondit et me pousse violemment à l'aide de ses deux mains sur ma poitrine.

- Ça va pas ou quoi ? crache-t-elle en même temps.

Orel se réveille et se place entre nous deux pour l'écarter.

- Oh arrête, tu fous quoi là ?

- Mais cette connasse elle te gifle et tu lui dis rien ?

J'ai un vague sentiment de déjà-vu, tiens.
Il tourne la tête vers moi tandis que mon pouls est toujours aussi rapide et que je n'ai pas décroché mon regard de lui.
Je mettrais bien une deuxième tarte dans son visage que j'aime tant.

- Regarde-toi, continue la fille, t'es arrachée et t'as l'air d'une traînée comme ça, j'sais pas ce que tu cherches mais redescends.

Je tourne les talons sans même faire attention à son insulte parce que si je reste là, je vais m'écrouler de ce trop plein d'émotion.

- Ouais c'est ça dégage, piaille la fille.

- J'te conseille de la boucler toi, j'entends Orel lui répondre.

- Hé, quoi ? Tu vas où ? Orel !

Puis j'entends ses pas me suivre dans mon dos. Je trace le plus vite possible en veillant à ne pas perdre l'équilibre, je me mets même à trottiner puis à carrément courir. La haine me fait sprinter à une allure que je n'ai encore jamais mis à profit, même pas en cours d'EPS.
J'ai le temps de songer à quel point cette scène est sans doute ridicule et extrêmement clichée, mais ça m'est égal. Tout ce que je veux c'est m'enfermer et être seule. Taper une crise de nerfs devant tout le monde, non merci, je n'en ai pas besoin.

- Attends ! crie Orel.

Je l'ignore et traverse la route en courant sans même vérifier si une voiture est là ou non.
Ça me rappelle notre course poursuite à l'hôtel il y a quelques jours. Sauf que cette fois, toute la dimension amusante a disparu et je veux réellement lui échapper.
J'arrive dans mon immeuble et espère naïvement que passé ce seuil là, il rebroussera chemin. C'est l'inverse qui se produit. Il rentre aussi dans le hall, s'engage dans les escaliers à ma suite.

- Arrête de courir ça sert à rien, dit-il.

Je l'ignore toujours. Si je me retourne, je le frappe. C'est sûr.
Devant ma porte, je sais qu'il n'est pas assez loin pour que j'ai le temps de fermer à clé. Quand je m'engouffre dans l'entrebâillement et que je m'apprête à refermer, il arrive et pousse la porte pour rentrer.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant