Gueule de bois

1.3K 83 72
                                    

Mon réveil m'explose les tympans. Je sursaute.
J'ai un mal fou à ouvrir les yeux, comme si mes paupières pesaient des tonnes. Je me sens particulièrement engourdie et exténuée, ce matin, comme si je n'avais pas fermé l'oeil de la nuit. Je tente de me relever, et au moment-même où je suis au bord de mon lit, un violent mal de crâne me lance. J'ai l'impression d'avoir un marteau-piqueur à l'intérieur de la tête. Je me mets difficilement sur pieds, et quand je le suis, un haut-le-cœur me secoue la poitrine. Je me précipite sans attendre jusqu'à la salle de bain et vomi mes tripes dans les toilettes. Quand mon estomac est vide, je tire faiblement la chasse d'eau.

Qu'est-ce qui m'arrive...

J'ai des flash de la veille.
J'étais avec Aurel. On a joué à un jeu. J'ai bu. Et j'ai rigolé comme une idiote, aussi. À la fin, je l'ai même laissé... m'embrasser. Dans le cou.
Je frissonne en y repensant.
Putain, qu'est-ce que j'ai foutu ? Pourquoi j'ai accepté ça ? J'ai terriblement honte, et j'essaie de ne plus penser à ce moment de la soirée, tellement il me met dans l'embarras.
Pour le moment, le vrai problème, c'est que j'ai cours, alors que j'expérimente ma première gueule de bois. Il faut que je me dépêche de me préparer comme si de rien n'était devant mes parents car il est hors de question qu'ils se rendent compte de quoique ce soit.
Je me relève, lentement, en m'appuyant sur les toilettes. Ce simple mouvement me renvoie un haut-le-cœur et me donne la sensation que quelqu'un frappe mon crâne à l'aide d'une pelle.

Ça va être dur...

Je me force à m'habiller. Je n'ai pas le courage de me doucher, bien que ça ne me ferait pas de mal, vu à quel point j'ai eu chaud hier soir. Je me place ensuite en face de mon miroir, et... horreur.
Je suis blanche comme un linge, je ne me suis encore jamais vue avec un teint pareil, alors que pourtant, Dieu sait que j'ai la peau très blanche de base. J'ai de grosses valises sous les yeux, qui sont eux-mêmes rouges et gonflés. Je me ferais presque peur. J'essaie d'arranger ça avec un peu de maquillage mais c'est peine perdue ; je ressemble toujours à un cadavre. Je m'apprête à partir, mais juste avant, mon regard passe machinalement sur tout mon visage, puis s'arrête sur un endroit dans mon cou. Je crois d'abord m'être fait une tâche avec du maquillage sans faire exprès, ou avec de la terre la veille, quelque chose comme ça. Mais en l'examinant de plus près, je prends conscience que ce n'est pas une simple tâche qui s'efface rapidement.
Ça ressemble à un bleu. Mais ça n'en est pas vraiment un non plus.
C'est un suçon.
C'est un suçon qu'Orel m'a laissé, sur une partie très visible de mon cou. De nouveaux flashs de ce moment me viennent en tête, et je tente de les chasser comme je peux. Je m'en veux trop. J'ai honte de devoir accepter le fait que j'en ai eu vraiment envie.
Je me souviens de sa phrase sans queue ni tête, juste avant qu'il ne parte.

« Mets une écharpe, demain ».

Quel connard.
Je l'insulte de tous les noms, en allant chercher mon écharpe d'hiver.
En plus, il fait bon, ce matin. Il est annoncé 23 degrés, et je vais devoir garder cette écharpe.
Avant de partir, je bois au moins trois grands verres d'eau, tellement je suis assoiffée.
Je sors rapidement de mon appartement, non sans difficultés. J'ai l'impression que je vais m'évanouir à chaque pas, ou que je vais vomir, au choix. Je perds facilement l'équilibre, chaque petit bruit de la ville d'habitude inoffensifs résonnent puissance mille dans ma tête cette fois-ci.
Il y a des gens au skate park, mais je ne prends pas le temps de vérifier quelles têtes je connais et quelles tête je ne connais pas. Je n'ai pas non plus envie de voir Orel, ou bien l'endroit où je l'ai laissé faire ce qu'il a fait.
Ce souvenir si proche me fait grincer des dents une nouvelle fois.

20 ans. Il a au moins 20 ans, sûrement plus. J'en ai 17, putain. C'est pas bien, c'est vraiment pas bien.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant