Insomnie

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« Eliott : T'as plus de téléphone ou t'as bloqué mon numéro ?
Eliott : Je te croise jamais à la fac, c'est dommage... »

Ces deux messages affichés sur mon écran me distraient alors que je suis au milieu d'un amphi plein à craquer. Je lâche un soupir d'agacement silencieux. Je ne réponds plus à ce type depuis des jours et des jours mais ça ne l'empêche pas de continuer. J'aurais pu bloquer son numéro, oui, mais ça me dérange de faire ça. Même ne pas lui répondre me dérange en vérité : si on se recroise, qu'est-ce que je vais lui dire ? Il n'était pas méchant, en plus, mais j'ai promis à Orel de l'ignorer. Ou alors je pourrais juste lui envoyer un message en lui disant que je suis avec quelqu'un et que discuter avec lui me met par conséquent mal à l'aise par rapport à cette personne. Je comptais vraiment le faire, mais je repousse l'envoi de ce SMS à chaque fois, et plus les jours passent et plus ça serait gênant de le faire. Donc pendant ce temps, Eliott parle dans le vide.
C'est surtout pour Orel que je fais ça, alors qu'il y a une semaine, il était à huit mètres de moi en train de signer au marqueur les seins de deux inconnues fans de lui. Et encore, je doute qu'elles aient été les seules à bénéficier de cet autographe incroyablement utile. L'ironie de la situation me fait souffler du nez. Lui et moi n'en avons pas parlé, et à part le sale regard que je lui ai lancé quand nous sommes partis de la boîte, nous n'avons pas non plus parlé du moment où il m'a repoussée quand j'ai voulu m'accrocher à son bras. Sur le moment, j'étais trop crevée, lors du trajet retour, il y avait les autres qui n'avaient rien vu de la scène, et quand nous sommes arrivés à Caen, Skread m'a déposée chez moi. Puis les gars ont eu un emploi du temps toujours aussi chargé cette semaine, et j'avais également pas mal d'autres choses auxquelles penser.
Tous les étudiants autour de moi rangent leurs affaires bruyamment et commencent à s'en aller. C'est la fin du cours et j'ai loupé toute la dernière partie en recommençant à réfléchir à mes problèmes personnels. Super.
Je les imite, et comme à chaque fois, prie pour ne pas croiser Zoé ou Eliott à la sortie du bâtiment.

Le samedi, je suis debout tôt à cause d'une mauvaise insomnie. Si tôt que ma mère n'est même pas encore partie au boulot. Assise à la table avec une tasse de thé et la tête là où je pense, je l'observe se dépêcher de tout prendre avant de partir.

- Voilà... marmonne-t-elle à elle-même, j'ai lancé la machine, j'ai mon sac, mes clés... au fait, tu comptes aller voir tes amis aujourd'hui ?

- Hein ? Bah... j'avais pas spécialement prévu...

- Tu pourras y aller et donner la bouteille de vin blanc avec un nœud à Aurélien s'il te plaît ? Elle est dans le placard. Je l'ai achetée après Noël pour le remercier mais j'avais mille choses à penser alors j'ai complètement oublié d'aller lui offrir.

- Mais je sais même pas s'ils sont chez eux aujourd'hui, puis...

- Écoute Ariane, t'as un téléphone, tu peux leur demander avant de passer. J'ai pas le temps de discuter, il faut que je m'en aille. À tout à l'heure et s'il est là tu vas lui offrir de ma part !

Puis elle claque la porte derrière elle.
Bon. J'imagine que je n'ai pas vraiment le choix. Une fois que j'ai fini ma tasse de thé, j'ai toujours faim alors je finis le peu de céréales qu'il reste dans le paquet rangé dans le placard.
Après ça, j'attrape mon téléphone et envoie un message à Orel que j'imagine soit occupé, soit en train de dormir.

« Moi : T'es chez toi aujourd'hui ? »

Je le laisse posé sur la table et file tout droit dans la salle de bain pour prendre une longue douche chaude.
D'habitude je dors parfaitement bien le vendredi soir, alors je ne sais pas ce qu'il s'est passé cette nuit pour que je me retrouve incapable de fermer l'œil. Pourtant j'étais très fatiguée, c'est ça le pire. Ce manque de sommeil me met de mauvaise humeur de bon matin et il y a de grandes chances pour que ça dure toute la journée.
J'entreprends de continuer ma session détente en allant lire un livre dans ma chambre. Mon esprit s'éloigne peu à peu de mon quotidien pour se focaliser sur une toute autre histoire avec d'autres protagonistes. Ça fait du bien de s'évader dans un autre monde quelques minutes.
Enfin, quelques minutes... je me retrouve en fait si bien plongée dans ma lecture que je ne vois pas le temps défiler. Il était 9h quand je me suis assise sur mon lit, et les aiguilles de mon réveil affichent maintenant 11h16. J'entends que mon frère s'est levé donc je le rejoins.

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