Rendez-vous

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Nous sommes perchés sur une rampe, au milieu d'autres gars. À présent j'entends mieux à leur musique, et c'est bel et bien du rap. Je n'en écoute pas d'habitude, mais je dois avouer que ce n'est pas si désagréable à l'oreille, même si je ne comprends pas la moitié des paroles puisque c'est en anglais et qu'elles sont débitées assez rapidement.
Aurel rigole avec tout le monde, ils parlent de tout et n'importe quoi, font quelques figures.
Moi, je reste là, debout, adossée à la barrière. Je ne sais pas où me mettre, quoi faire de mes mains, et je n'arrête pas de me demander pourquoi diable m'a-t-il invitée ici. Je ne me sens pas du tout à ma place, et je pense même ne pas l'être. Il y a bien d'autres filles que je ne connais pas, sur les rampes voisines, ce n'est pas ça le soucis. Mais elles, elles semblent à leur place. Elles sont à l'aise, sont beaucoup plus détendues, fument, boivent. Elles sont également plus extraverties et rigolent avec tous les gars. Très fort, même.
À côté, je me sens totalement inutile. Je reste silencieuse, immobile, je me contente d'observer et d'écouter. On me lance beaucoup de regards que je ne saurais pas interpréter. Incompréhension ? Moquerie ? Pitié ?
Heureusement pour moi, Aurel reste à proximité. Je ne le connais pas vraiment plus que les autres mais il reste quand même celui qui m'a demandé de venir, alors je me sens un peu moins perdue s'il est là.
Même si, pour être honnête, j'ai envie de le secouer très fort quand je le vois faire comme si j'étais absente. Je ne sais pas, c'est lui qui m'a invitée, non ? Il m'a même dit de ne pas être en retard, c'est qu'il devait y tenir. Alors qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi il me laisse à l'écart ? À quoi ça sert que je sois venue ? Je n'attends pas de lui qu'il me prenne pour me placer au milieu de l'attention générale, non merci, c'est mon dernier souhait, mais au moins qu'il vienne me parler deux secondes ou qu'il me dise de rentrer chez moi, histoire que je ne reste pas plantée ici comme une idiote pour rien.
Rentrer chez moi, le rêve.
C'est la première fois que mon appartement miteux me manque. Je donnerais beaucoup pour être ailleurs. J'ai l'impression de faire des heures supplémentaires de lycée. Je le répète, je ne suis pas à ma place, et tout le monde l'a bien remarqué. Je ne sais pas à quoi je m'attendais en venant ici, mais je n'avais pas pensé à ce scénario. Malheureusement, c'était bien l'un des plus réalistes qui pouvait se produire.

Une heure s'écoule, et Aurel fini bel et bien par venir vers moi. J'ai presque envie de lui crier un "alleluia" tellement j'ai cru que ça n'arriverait jamais, mais je ne le fais pas pour des raisons évidentes.

- Tu t'amuses bien ? demande-t-il de la manière la plus simple qui soit.

Est-ce qu'il se fout de moi ?

- Euh... ouais, je réponds avec l'un de ces foutus sourires incontrôlés qui apparaissent chez les gens timides dès qu'on leur adresse la parole.

- T'as parlé à quelques gens ?

La blague...

- Mh... non.

- Bah pourquoi ? Ils vont pas te bouffer, hein.

- Je sais, merci, je réponds en souriant encore.

Je m'attends à ce qu'il continue sur un autre sujet, mais il me sourit furtivement et... me tourne le dos, avant de s'éloigner parler à quelqu'un d'autre.
J'ai une légère envie de lui éclater son foutu skate sur le crâne. Bordel, moi qui pensais qu'il allait me sortir un peu de ce calvaire !
Je me fais à l'idée de rester seule toute la soirée, et ose grâce à la douleur naissante dans mes jambes m'assoir dans mon coin, contre la barrière inconfortable. Je continue d'observer les skateurs et leurs figures impressionnantes, d'ignorer les quelques personnes qui me fixent en pensant peut être que je ne les vois pas. Un rire cristallin et légèrement exagéré éclate à ma droite, et, machinalement, je tourne la tête vers celui-ci. Sans grande surprise, il appartient à l'une des filles en train d'écouter Aurel parler. Il doit être sacrément drôle à en juger par tous les rires féminins que j'ai pu entendre lorsqu'il était dans les parages.
Je soupire.
J'ai vraiment envie de me sauver, mais je n'ose pas bouger de peur qu'on me remarque.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant