Cédé

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Mes parents ne semblent pas remarquer que je ne vais pas bien. Seul Tom a l'air d'avoir des doutes. Je lis dans ses yeux un peu d'inquiétude quand il me parle, mais il ne va pas plus loin.
Ce n'est pas grave, je préfère qu'il reste en dehors de ça, de toute façon.

Je continue de me détruire la santé, seule.
Mais un jour, en apercevant pour la énième fois Orel en repartant chez moi, et ressentant encore ce manque indescriptible au fin fond de mon cœur, je prends la décision de faire bouger les choses. De lui parler, de m'expliquer avec lui. Sachant qu'il ne répond à aucun de mes messages, le tête à tête reste la seule solution.
Car, oui, je lui ai envoyé trois messages.

« Moi : On peut se voir ?

Moi : S'il te plaît

Moi : Je comprends pas vraiment ce qui se passe, Orel... »

Je suis certaine qu'il les a lus. Ça me fait encore plus mal.

Tout est planifié dans mon esprit ;
Je sors de l'appartement, ce soir, car mon père est la pire personne que je connaisse quand il s'agit de cacher quelque chose (les clés sont simplement dans le vase, à côté de la porte, je l'ai entendu les glisser à l'intérieur). Je vais jusqu'au skate park, et... j'improvise.
J'essaie de lui parler, seule à seul. Je verrai bien ce qu'il se passe.
J'angoisse quand même. J'ai si peur, si peur qu'il me rejette, lui aussi. Après tout, il a une copine.
Mais si, pour lui, je suis une amie, où serait le problème ?
Il n'y en aurait pas.
Sauf pour moi, bien évidemment.

Mes nombreuses fugues nocturnes précédentes me permettent de sortir de l'appartement sans réveiller qui que ce soit.
Je marche, le regard rivé droit devant moi. Dehors, j'entends du bruit.
Ils sont là.
Sur le passage piéton je les vois enfin, postés comme à leur habitude. Je continue d'avancer, ils peuvent désormais me voir. Je plante mes ongles dans la paume de mes mains. Je parcours les gens des yeux pour trouver Orel.
Mon ventre se noue, je me stoppe net. Je viens de voir Cassandra, assise là où je m'asseyais avant avec le skateur.
Avant qu'elle ne soit là.
Il ne faut pas plus d'une seconde pour que j'aperçoive Orel, debout à côté d'elle. Il se tourne un peu, lève la tête, et j'arrive à attirer son attention sans rien faire. À capter son regard, même.
Je sais qu'il m'a vue, mais il se retourne et m'ignore. Une nouvelle fois.
Je me sens abattue. Je détourne les yeux, moi aussi, et tombe sur Gringe.
Je ne sais pas comment, mais j'arrive à le reconnaître de dos.
Je m'apprête à aller vers lui, quand d'autres gars s'approchent de moi, m'ayant repérée. Pas difficile, sachant que je suis immobile, seule, au milieu d'une place vide.
Je reconnais le gars de l'autre fois, celui qui s'était excusé.

- Heeey, encore toi ! il s'exclame. Tu veux venir avec nous, ma belle ? demande-t-il.

Bizarrement, il ne me fait plus aussi peur qu'avant. Il me parait même presque rassurant, voir gentil.

- Je... je voulais parler à quelqu'un, en fait, mais euh...

- Ah ! Orel est pas dispo, là.

Il ment. Évidemment, qu'il est dispo. Il ne veut juste pas me voir.
Le couteau imaginaire que j'ai dans le cœur s'enfonce un peu plus.

- Je voulais parler à... Gringo ? Enfin, euh, Gringe.

- Bah, ouais, ça m'étonne pas. Quand c'est pas l'un, c'est l'autre.

Les autres se mettent à rire.

- Non mais je vous jure, ça n'a rien à voir avec ça... c'est juste pour lui demander quelque chose, je vous promets.

- T'inquiète, c'est pour rire. Et relax on va pas te manger, intervient un blond.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant