Les jours qui suivent ma réconciliation avec Orel me paraissent plus roses. Évidemment, ça n'a pas résolu tous mes problèmes comme par magie, ils sont plus ou moins toujours là, que ce soit chez moi ou pour les cours, mais sa présence m'aide à affronter tout ça. Je sais qu'il va m'accompagner le matin, je sais que je vais le retrouver en sortant, et parfois pendant mes pauses. C'est ce qui me fait tenir.
Parce qu'en fait, on passe beaucoup plus de temps ensemble. Moins pendant la nuit, davantage quand le jour est encore levé, ce qui ne déplaît pas à mon corps qui n'en pouvait plus de cette mauvaise hygiène de vie. C'est mieux pour nous, de faire comme tout le monde et de se voir en journée. Ça rend notre relation plus normale, déjà.
Bon, j'avoue, il m'arrive parfois de sortir de mon lit pour rejoindre à pieds l'hôtel qu'il garde. Souvent, même. Je ne peux pas m'en empêcher. Des fois, Gringe est là, ils essayent d'écrire et je les aide, mais on dérive vite vers d'autres discussions qui n'ont rien à voir avec les textes. On essaye de se reconcentrer mais il y en a toujours un pour sortir une connerie, alors on rigole comme des débiles, puis on abandonne et on remet ça à la nuit d'après. Des fois au contraire, les nuits sont super productives, les idées fusent et les crayons s'agitent, je finis même souvent par les écouter en fin de nuit rapper leurs derniers couplets en freestyle sur l'une des nombreuses prod de Skread, ou a capella. J'adore ces moments-là, quand je m'efface et que je les observe juste se renvoyer la balle, bouger leurs mains avec leur attitude en même temps qu'ils débitent leurs paroles, être complètement pris dans leur truc. Ils sont doués, vraiment, et leur duo dégage un sacré truc. Leur projet prend forme, et aborde des sujets qui nous concernent pas mal. Enfin, surtout eux, même s'ils disent que je leur ressemble. Ils travaillent beaucoup les paroles, interagissent entre eux sous forme de discussions remplies d'anecdotes sur leur vie quotidienne, parlent de l'ennui, des soirées alcoolisées, de l'avenir, de la paresse, font pas mal de blagues. Je sais déjà que ce projet, c'est eux, tout simplement, et à entendre tout ça, ils méritent vraiment d'avoir leur place dans le rap. C'est quelque chose qui parait simple et pourtant j'ai l'impression que c'est totalement inédit. Je sais que beaucoup de jeunes pourront s'identifier à eux comme moi je le fais.
Mais malgré cet avancement énorme sur leur travail, ça n'a pas été si simple pour Orel au départ. Nous nous sommes retrouvés mais ça ne l'a pas guéri en un instant pour autant. Il a continué de broyer du noir quelques jours, et quand on se voyait, il hésitait toujours un peu sur ma décision de continuer avec lui. Il se sentait encore coupable, sans mérite. Pendant quelques jours, je l'ai forcé à aller se promener dehors avec moi. Je lui ai parlé volontairement d'autre chose que de nous ou de musique pour lui changer les idées. Et ça a fonctionné ; il a pris part à la discussion, nous nous sommes perdus dans toutes sortes de débats et de dialogues bien loins de notre quotidien. Si bien que plusieurs fois, on en a oublié l'heure, et on a même marché au hasard en se demandant à la fin où on était exactement. Je ne sais pas si je m'y prends bien en faisant ça, je fais de mon mieux pour l'aider mais j'ai peur de ne pas suffire.
Une fois, je suis arrivée à l'improviste chez lui, Gringe n'était pas là et j'ai découvert l'appartement dans le noir quasi complet.~
« - Orel ? T'es là ?Il n'y a pas de réponse. Je m'avance dans l'appartement puis l'aperçois à moitié allongé sur le canapé. Je fronce les sourcils puis fais le tour pour me mettre en face de lui tandis qu'il se relève un peu.
- Ariane. Tu... tu devais passer ? il me demande, un peu confus.
- Non, c'était pas prévu. Mais qu'est-ce que tu fais dans le noir ? Il est 16h, je réponds en allant ouvrir les volets de la fenêtre.
Il ne répond pas, encore une fois. Quand je me retourne pour le regarder, j'ai un léger choc. Il a l'air fatigué et ses cheveux sont tout ébouriffés, évidemment, mais ses yeux sont rouges et gonflés, et cette fois je ne soupçonne pas la drogue. J'ai l'impression qu'il a pleuré.
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Sous Influence
FanfictionLe déménagement dans cette ville pluvieuse signifiait pour moi le début d'une vie ennuyante, monotone, et solitaire. Seulement, je n'étais pas au courant de quelles rencontres j'allais bien pouvoir faire ici. Je n'aurais jamais cru me laisser empor...