À l'écoute

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Mon début de week-end est bien calme, contrairement à ce à quoi je m'attendais. Durant toute la nuit, un atroce sentiment de manque m'a submergée. Est-ce que l'affection d'une personne que l'on aime peut nous rendre accro ? Parce-que je crois que c'est ce qui m'arrive. Avant Orel, personne ne m'avait caressée ou embrassée comme ça. Je me suis sentie bien seule, cette nuit, j'ai eu froid, et tout ce que j'ai pu faire pour me sentir mieux, c'est serrer très fort mon oreiller en imaginant le skateur à la place de celui-ci. C'est pitoyable, je sais, et j'espère bien que personne ne sera jamais par le plus grand des hasards au courant de ça.
Il est 15h27, je décide de sortir de ma chambre.

- Ah, ça y est ? T'as enfin quitté ta caverne ? s'exclame mon père en m'apercevant.

Je ne réponds rien.
Il est en train de bricoler le radiateur. Il attrape un clou sur le sol, et quand il est de nouveau dos à moi, je prends discrètement deux cigarettes de son paquet, posé sur le comptoir. Puis, je vais m'enfermer dans la salle de bain.

Sous la douche, je regarde mon corps.
Pour la première fois de ma vie, je ressens une sorte de dégoût. Ça ne m'était jamais arrivé, je n'avais jamais vraiment été complexée. Je me rends compte que j'ai maigris, que ma poitrine est trop petite à mon goût, que j'ai la peau bien trop pâle.
Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'Orel a dû simplement être dégoûté, lui aussi, quand il m'a vue en sous-vêtements. Puis il a compris que j'étais vierge, ça a dû le repousser encore plus.
J'arrive presque à comprendre sa réaction. J'ai honte de moi-même.
Comment j'ai pu croire à son attirance envers moi ? Ça me paraît insensé, maintenant.
En sortant de la douche, j'évite à tout prix de me regarder dans le miroir. Je n'ai pas envie de me faire face. Malheureusement, en levant la tête, j'arrive à apercevoir une ou deux tâches au niveau de mon cou.

Et en plus, il laisse ses traces sur mon corps. Comment est-ce que je fais pour arrêter de penser à lui, avec ça en prime ?

Je retourne ensuite dans ma chambre, m'affale ventre sur mon lit et ne bouge plus pendant au moins dix minutes, en fixant un point dans le vide.
Soudain, mon téléphone vibre et me sort de mon demi-sommeil.

« Gringe : Viens dans 5min »

Je lâche un très long soupir.
Je n'ai aucune énergie et j'ai toujours peur. Mais cette fois-ci, je ne suis pas sûre de pouvoir y échapper.
Je pousse un deuxième soupir, puis me lève difficilement. J'ai quelques vertiges, je m'arrête en posant une main sur mon front. Puis j'enfile mes chaussures, rabats la capuche de mon gros sweat sur ma tête, et sors de l'appartement, sans prendre la peine de prévenir ou de vérifier mon reflet.
Je suis censée être privée de sortie, de base. Tant pis.
J'ai du mal à savoir si j'ai envie qu'Orel soit là ou non. D'un côté, oui, je veux le revoir, mais de l'autre, j'appréhende ce moment. Je ne sais toujours pas où nous en sommes, il ne m'a pas re-contactée. Peut-être parce que lui, ne souhaite plus me revoir. Il a beau avoir été méchant, il a beau m'avoir profondément blessée, cette idée me glace le sang.
Le skate park est vide. Je m'assois sur une rambarde, puis patiente sans même observer ce qu'il se passe autour de moi. Au bout d'un moment, Gringe arrive, seul.
Est-ce que j'en suis mécontente, ou rassurée ?

- Salut.

- Salut, je réponds.

On ne se fait même pas la bise.

- T'as l'air fatiguée, dit-il.

Une façon plus douce de dire que j'ai la tête d'un cadavre.

- Je dors pas beaucoup en ce moment.

Gringe hoche la tête en fixant le sol.

- Et tu manges pas y paraît. Bientôt ça va être quoi, tu vas arrêter de prendre des douches ? demande-t-il en pivotant la tête.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant