Sous Influence

Harmonie

Je suis angoissée. Vraiment angoissée.
Il est 23:30, je suis seule à l'endroit prévu et j'attends Orel depuis maintenant une bonne demi-heure au moins. Gringe m'a dit qu'il ferait tout pour le pousser à venir ici sans lui dire dire directement que j'y serais. Je ne sais pas s'il a réussi. Peut être pas après tout ? C'est qu'il est têtu, le Orel, alors ça ne m'étonnerait pas qu'il ait refusé les conseils de son ami.
Le pire, c'est que je ne sais pas si j'ai envie de le voir arriver ou non. Ça me fait tellement peur cette situation. Me retrouver face à lui après ça, qu'est-ce qu'il va en penser ? Comment va-t-il réagir ? Dans tous les cas, je me suis promis de ne pas pleurer. Que ce soit de tristesse, de soulagement ou peu importe, je ne dois verser aucune larme. J'essaye d'être plus forte mentalement et émotionnellement, ça commence par là.
C'est long de l'attendre. Je redoute d'entendre un bruit de roues. S'il ne vient pas, comment vais-je le savoir ? Gringe me préviendra j'imagine ? Oui, sûrement. Il ne va pas m'oublier à ce point, ou du moins je l'espère. Je reste debout, la boule à l'estomac, en analysant un peu tout en face de moi. Puis, je décèle le bruit d'une présence au loin, à ma gauche. À vrai dire je suis comme tétanisée au début, incapable de vérifier si je rêve ou non parce qu'au fond, je suis sûre à 90% que c'est bien lui. Puis je trouve le courage de lentement pivoter la tête vers le bruit et mon cœur fait un rebond.
Je vois une casquette, un sweat, et une démarche nonchalante. Il n'y a aucun doute sur l'identité de la personne qui s'approche dangereusement de moi à présent. Mon dieu, qu'est-ce que je dois faire ? Je me tourne entièrement vers lui, fais quelques pas aussi, tremblante. Il m'a vue et je suis maintenant persuadée qu'il sait pourquoi il est venu. Heureusement que Gringe l'a prévenu, c'est plus facile comme ça.
Plus la distance entre nous diminue, plus son visage m'est net, et plus mon cœur s'emballe. Bientôt, je m'immobilise, et c'est lui qui s'approche encore avant de s'arrêter en face de moi.
Wow.
Il est pâle, il a des cernes énormes et ses yeux sont explosé. J'en déduis qu'il a fumé mais bien vite, j'aperçois le joint qu'il tient entre ses doigts. Rectification : il est en train de fumer. Et ce n'est sûrement pas son premier.
Quand je relève les yeux vers les siens, je vois qu'il me fixe intensément comme s'il redécouvrait mon visage. J'ouvre la bouche mais rien ne sort. Je ne sais même pas par où commencer. Ma bouche est toujours entrouverte, mais il parle avant moi.

- Ça va ?

Je pensais qu'il allait attendre que je m'exprime en premier, puisqu'il doit savoir que c'est moi qui l'ai fait venir.

- Euh... je bredouille, prise de court.

Il me demande ça avant même de me dire bonjour, ou en l'occurrence, bonsoir.

- ... là maintenant, je crois, je finis par dire. Mais toi tu...

- Ça allait pas avant d'arriver ici ? Il s'est passé un truc ? il me coupe.

Il s'inquiète vraiment vite.

- Non, ça va, ça va.

Je l'aperçoit hocher légèrement la tête, yeux déviant vers le vide.

- Tant mieux. J't'ai vue de loin alors j'me suis permis de venir voir au cas où.

Il marque une pause.

- J'vais te laisser alors. Fais attention à toi.

- Non, je m'empresse de répondre sans pouvoir m'en empêcher.

Il a l'air surpris.

- Je voulais te parler.

Ça me fait bizarre de devoir lui préciser ça. Je croyais qu'il venait en connaissance de cause, je venais de me préparer mentalement à ça, mais manifestement il n'en savait rien.