Aide-moi

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J'obéis sans un mot et grimpe sur la rampe en parvenant à ne pas m'écrouler. Je vais me placer à l'autre bout de là où il se trouve.
Il le constate, lève les yeux au ciel. Je baisse les miens.

- Tu fous quoi toute seule dehors en pleine nuit ? demande-t-il.

- Rien.

Ma voix est cassée.
Il se tait un moment, le temps de m'observer.

- Quoi, ça y est, tu caches des trucs ? T'étais où, partie te faire frotter par des vieux mecs ?

Je me demande très sérieusement si je ne suis pas en train d'halluciner.
Pourquoi est-il directement agressif ? Pourquoi est-ce qu'il m'imagine capable de faire ça ? Pourquoi me parle-t-il sur ce ton ?
Il fait bien évidemment référence à l'autre soir, en boîte, où j'étais contre Pierre sans avoir vraiment demandé quoique ce soit.

- Qu'est-ce que tu racontes ? je demande en gardant mon sang froid et en me forçant à articuler du mieux que je peux.

Il se tait d'abord.

- J'sais pas.

Il a l'air toujours aussi perdu que l'autre fois.
Je me sens obligée de continuer à me défendre. À parler.
Bizarre, d'ailleurs, car je suis depuis toujours une adepte du silence.

- J'en pouvais plus. Je suis juste partie de chez moi.

- Pour aller où ?

- Nulle part. Je comptais attendre que la nuit passe.

Malgré mes efforts pour paraître sobre, j'entends bien que ma manière de parler me trahit.

- En ville, comme ça ?

- Oui.

Il s'arrête encore, commence à rire, mais se stoppe directement, comme décontenancé.

- T'es folle ou tu le fais exprès ? Quelle meuf traîne toute seule dans cette ville en pleine nuit sans se poser de questions à part toi ?

Il me fait encore penser à mon père, avec son ton plein de reproches. Toujours sous le choc de ce qui vient de m'arriver, je suis encore plus à fleur de peau que d'habitude même si je n'ai plus la force de pleurer. En fait, je suis comme vidée de tout. Je cherche mes mots, je ne sais plus quoi répondre tellement tout ça me dépasse. Je vais poser mon front contre le haut de la barrière glacée et fixe le sol.

Putain, mais tu vas arrêter de bouger, toi ?

Orel poursuit.

- Tous les vieux chiens qui traînent ici... t'aurais pu te faire emmerder ou même pire, mais non, t'y penses pas. T'es plus dans ta campagne j'te rappelle.

C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je pensais ne jamais laisser d'indices sur ce qui m'est arrivé à personne, surtout pas à lui, mais les mots sortent tout seul.

- Mais je SAIS ! Je sais que, que... que je suis une cruche, je sais que j'aurais pas dû, je regrette déjà assez !

- Tu regrettes quoi ? Y'a eu un truc ?

Je me tais. Il insiste.

- Réponds. On t'a fait chier ?

Je n'ouvre toujours pas la bouche. Je n'ai pas envie qu'il le sache, je veux juste oublier et faire comme si ce n'était jamais arrivé.
Je l'entends lâcher un juron et s'approcher de moi. Je garde les yeux rivés sur le sol même lorsqu'il n'est plus qu'à quelques centimètres. J'essaye de faire comme s'il n'était pas là, de l'ignorer en quelque sorte. Seul problème, mon cœur, lui, me trahit en se mettant à battre beaucoup plus fort.
Il m'attrape le menton et je ne peux évidemment plus éviter son regard. Il a les sourcils froncés, le visage dur.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant