Jeu malsain

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Je ne décide même pas de les suivre pour être sûre de ce que je vois. Il est parti avec elle, c'est déjà terriblement blessant. Je ne sais pas trop comment réagir sur le coup, alors j'attends dans l'espoir de le voir revenir sans elle, dans l'espoir de comprendre qu'il s'en est juste débarrassé. Mais ça n'arrive pas, donc après cinq minutes à patienter comme la plus grande des quiches, je traverse le bar tête baissée dans le but de sortir et de rentrer chez moi toute seule. Plus besoin de le prévenir de toute façon, il doit être déjà bien occupé.
Dehors, l'air est froid. Je me pelotonne un peu plus dans mon petit blouson pour garder de la chaleur. C'est toujours bien animé dans cette rue, mais plus je m'éloigne et moins je me sens en sécurité. Ça me rappelle bien trop cette horrible nuit pendant laquelle j'étais plus seule que jamais. J'aurais pu ne pas l'être ce soir, si seulement le garçon que j'aimais n'était pas si vicieux et savait comment ne pas me blesser pendant au moins une soirée complète. C'est bien trop difficile pour lui, visiblement. Je me mets à détester Lise, mais dans la seconde qui suit, réalise qu'elle ne mérite pas de l'être. Elle n'a rien fait de mal, elle. C'est à Orel que je dois en vouloir.
Mon téléphone se met à vibrer alors que je suis aux trois quarts de mon trajet. Je l'extirpe difficilement de ma poche, les mains congelées, et vois le nom d'Orel affiché à l'écran. Je raccroche. Il rappelle en suivant, alors je souffle et réponds :

« - Quoi ?

- T'es encore aux chiottes ?

- Non. Je rentre chez moi.

- Toute seule ? Pourquoi tu m'as rien dit, t'es sérieuse ?

- J'étais fatiguée et t'avais disparu. »

Hors de question de lui avouer la vraie raison comme ça, au téléphone. J'entends le brouhaha en fond s'apaiser un peu, signe qu'il est sorti du bar. Il me dit :

« - Reste où t'es, j'arrive. »

Il raccroche. Je souffle une deuxième fois.
J'ai froid, je suis fatiguée, et je n'ai pas envie d'entendre ses excuses bidons. J'ai bien compris qu'il n'était pas honnête avec moi, et je le savais déjà au fond, il me l'a dit dès le début. Mais s'il s'en fout à ce point, si pour lui rien n'est sérieux, pourquoi il continue de me voir ? C'est ça que je ne pige pas. Autant me laisser tomber au lieu de se payer ma tête.
Je dis ça, mais je sais que si ça arrive, je serai au fond du trou.
Je suis stoppée sur un trottoir, l'attend quand même malgré tout, tout simplement parce que c'est lui. Je ne lui résiste pas et je n'y peux strictement rien.
Il arrive plus vite que prévu, en courant, en fait. Il s'arrête essoufflé devant moi et sourit.
Je trouve ça mignon mais je n'ai pas envie de le lui rendre. J'en ai marre qu'il gagne toujours avec tant de facilité. Je tourne donc les talons et continue ma route jusqu'à mon immeuble qui n'est plus très loin. Je l'entends me suivre. Je ne dis toujours rien, donc il parle de lui-même :

- Fallait m'appeler si tu me cherchais. Ça sert à ça les portables.

Son culot m'étonnera toujours.

- C'est bon, ça aurait servi à rien.

- À me trouver, peut-être ?

Je secoue la tête, yeux rivés sur le sol.

- J'avais pas besoin de toi pour rentrer.

Son bras passe autour de mes épaules et il m'attire à lui.

- Hé, t'as quoi d'un coup ? Quelqu'un t'a contrariée ?

Le pire, c'est qu'il a l'air de sincèrement se poser la question. J'aimerais tellement que ce soit vrai.
Je me dégage de son bras.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant