Fièvre

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Dans les escaliers que je dévale bien trop vite pour mon état actuel, je veille tout de même à ne pas me casser la figure. J'ai peur que mon père me poursuive pour me ramener par les cheveux dans l'appartement. Ça ne m'étonnerait pas de ce fou furieux, alors je dévale à toute vitesse, je traverse le hall à grandes enjambées, je cours dans les rues de Caen sans m'arrêter et sans prêter attention aux personnes qui me regardent bizarrement. Il ne me rattrapera sans doute pas, mais je ne veux pas non plus qu'il sache où je vais me réfugier. Parce que oui, c'est bien là que je cours me réfugier : chez Aurélien et Guillaume, là où j'aurais dû aller depuis le début. J'ai tellement peur actuellement, toujours sous le choc et toujours sous les symptômes de cette foutue crise d'angoisse. Courir de la sorte n'arrange rien, mais je ne contrôle plus mon corps qui souhaite juste se tailler loin de la personne qui me sert de père.
J'entre dans l'immeuble, hésite une seconde à m'engouffrer dans l'ascenseur avant de me résigner et de monter les marches quatre à quatre. Avec l'hyperventilation que je fais dans l'immédiat, ce n'est pas le moment de s'enfermer dans un si petit endroit.
Sur leur pallier, je toque plusieurs coups à leur porte, avec l'impression que je vais m'évanouir. Ça ne va pas mieux qu'il y a quelques minutes.

Dépêchez-vous bon sang.

Même penser cette phrase est difficile.
Je tape encore, la main à plat et plus fort cette fois, et enfin la porte s'ouvre. Je m'étais à peine rendue compte que j'étais totalement avachie contre elle, donc je manque de m'étaler par terre. Ma vision se trouble à nouveau, je ne vois même pas qui est la personne qui m'ouvre et qui m'aide à me retenir pour éviter de manger le sol.

- Hey ma biche ça va pas ? T'as couru ? Orel, ramène-toi !

Gringe, donc, m'aide à mieux me remettre sur mes deux jambes non sans me lâcher pour autant. Il ferme la porte avec son pied.

- Ariane ? demande la voix d'Orel qui vient d'arriver. T'es blanche comme un linge, qu'est-ce qui a ?

- Elle est essoufflée et elle a failli s'étaler par terre quand j'ai ouvert aussi.

- J'suis... partie... je tente de faire savoir, la respiration saccadée.

- Attends viens, amène-la, dit Orel à son pote en passant sa main au creux de mes reins et en m'entraînant sur le canapé. Reprends tes esprits avant de nous expliquer, dit-il en s'adressant à moi, cette fois.

J'acquiesce sans tenter de parler à nouveau et ferme les yeux pour mieux réussir à me calmer. J'inspire et j'expire lentement, prenant bien conscience que je suis en sécurité, à présent, que je suis loin du danger. Je sens qu'Orel, qui s'est assis à côté de moi et m'observe sûrement, vient de poser sa main sur la mienne, qui est elle-même posée sur ma cuisse. Je ne lui dis pas, mais ce geste m'aide grandement à me tranquilliser. Pour moi, cet acte, aussi simple soit-il, montre qu'il est là et qu'il me soutient, même en gardant le silence.
Quand j'ouvre les yeux car mon corps tout entier s'est calmé, Gringe dépose un verre d'eau sur petite la table en face.

- Merci, je dis d'une voix un peu enrouée en me penchant pour prendre ce verre.

La première gorgée me fait grimacer. Merde, j'ai vraiment mal à la gorge.
Je suis presque en nage dans mon sweat, ce qui est désagréable, parce que j'ai chaud mais froid en même temps. Ma tête tourne encore, elle.
Les gars restent à côté de moi sans rien dire, même si j'imagine qu'ils n'attendent qu'une seule chose : que je me décide enfin à parler. Ils font preuve de patience malgré ça.
Je ne les fais pas plus attendre et tente au mieux de leur raconter ce qui vient d'arriver chez moi.

- Il t'a jeté un verre dessus ? répète Orel lorsque je délivre cette information. Tu plaisantes ?

Je réponds que non, puis passe au moment où je me suis fait coincer contre un mur et hurler dessus. En revivant ce moment à travers mon récit, j'ai presque l'impression de tout ressentir à nouveau. Je leur indique que c'est là qu'a commencé ma crise et que j'ai presque cru y passer à cause de ça. Je leur a dit aussi que j'essayais de me sortir de là sans succès, et qu'en plus, je n'y voyais plus grand chose.

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