Brune

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Les jours suivants, j'aperçois Orel de loin. De très loin.
En fait, je n'ai même pas besoin de l'éviter, car nous ne sommes jamais à moins de cinquante mètre d'écart.
Bizarrement, je suis déçue de ne pas avoir à le faire. Surtout parce que, quand je dois faire ça, je peux quand même l'observer rapidement. Le voir sourire pendant une seconde, ou bien le voir passer sa main dans ses cheveux, ou encore le voir concentré sur tout et n'importe quoi. Ça paraît inutile, absurde, mais pour moi, ça compte beaucoup. Même s'il ne me voit pas, même si l'on ne se parle pas, sa simple présence me console de ce monde de merde qu'est le lycée.
Mes fausses amies font, comme d'habitude, comme si rien ne s'était passé. Comme si je n'avais pas encore bien compris que je les dégoûtait. Or, je n'ai pas oublié. Du tout.
En cours, je ne dors plus, mais passe mon temps à penser à lui. J'ai tout le temps la tête dans les étoiles, et au milieu de celles-ci, se trouve Orel. Toujours.
Il ne quitte jamais mes pensées. Je songe à ses mains, à son rire, à sa voix, à ses yeux. Il m'obsède. Je pense que ça peut rapidement devenir un problème.

Lui, par contre, n'a pas l'air dans le même cas. Il ne m'a donné aucun signe de vie depuis la dernière nuit que nous avons passé ensemble.
Il est peut-être occupé, je me répète souvent.
Mais bon. Il a quand même le temps de sortir le soir, de skater toute la journée. Et ce n'est pas comme s'il travaillait, du moins je crois.
Je ne me laisse pas abattre pour autant. Je patiente, je le laisse faire sa vie.
Je croise les doigts pour qu'il se dépêche de me rappeler.

Je passe mon temps à ignorer le regard des gens. Et à les ignorer eux par la même occasion. Enfin, je fais semblant. La vérité est que j'ai bien trop peur de ce qu'ils disent de moi.
Bref. La routine.

Un soir, quand je sors du lycée à 17h, je jette comme d'habitude un rapide coup d'œil à la route. Je m'attends à ne voir que les gars habituels que je ne connais que de vue, mais par chance, Orel est enfin là. Sa vision me procure une sorte de bouffée d'oxygène, comme si ma santé dépendait vraiment de sa proximité.
J'ai une énorme envie d'aller le voir.
Pour profiter au maximum de sa présence, je me mets devant Léa, qui est, elle, dos à la route, et la relance sur un sujet inintéressant mais qui me fera gagner quelques minutes. Je n'ai aucune mal à me concentrer sur ce qui se passe derrière plutôt que sur elle.
Alors que j'hoche la tête bêtement sans écouter ce que Léa me raconte, une brune aux cheveux carré portant des lunettes passe dans mon champ de vision et se dirige vers les gars. Je ne crois pas que ce soit une élève du lycée, car je l'ai déjà vue au skate park avec eux. Elle doit avoir leur âge, à peu près. Jusque là, rien d'anormal, me direz-vous. Mais je trouve qu'elle se rapproche beaucoup d'Orel. Elle rigole fort quand il parle, a l'air de tout faire pour provoquer son attention exprès, en le taquinant, par exemple. Ce qui me déplaît le plus, dans tout ça, c'est qu'Orel répond. Il rit en la tapant gentiment. Ils ont l'air vraiment complices.
J'aurais pu ressentir un peu de jalousie, ç'aurait pu s'arrêter là. C'était sans compter sur le geste de cette fille qui est pour moi le geste de trop. Elle s'accroche à son cou, sans prévenir, sans que je comprenne pourquoi. Orel passe alors sa main dans son dos pour la garder contre lui. Il est concentré sur ce que fait l'un de ses potes avec son skateboard mais voilà ; il la garde contre lui. Spontanément.
Je me sens prise d'une jalousie incontrôlable que je ne me connaissais même pas capable de ressentir. Je n'ai qu'une envie, c'est d'être à la place de cette brune à lunettes. Je l'étais, l'autre nuit. J'étais contre ce même torse, entourée par ce même bras. Et là, cette fille arrive sans prévenir, et me prend ma place.

Mais quelle place ?
Ça n'a jamais été ma place.

Léa se retourne vers la scène. Elle me regarde à nouveau.

- Ah oui, il a une nouvelle meuf, il paraît, elle me sort avec un air bizarre, comme si elle s'attendait à ce que je pète un câble, ou bien que j'éclate en sanglots devant tout le monde.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant