Des histoires à raconter

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Les jours passent, je suis logée chez Orel et Gringe où je me sens encore plus chez moi qu'avant. Ma mère m'a vite rappelée, après ce fameux jour. Elle reste chez son collègue avec Tom pendant un temps. Je n'ai pas de nouvelles de mon père, et tant mieux ; j'ai eu la chance, en passant récupérer pas mal d'affaires, de débarquer dans un appartement sans le moindre être humain à l'horizon.
Tout le monde continue de bosser en parallèle. Moi, je suis pratiquement sûre de m'en sortir à présent. Le poids que j'ai sur les épaules depuis que j'ai posé les pieds à Caen s'allège peu à peu et je ne peux que m'en sentir soulagée.
Les gars, eux, avancent tout autant sur leur album. Ils sont moins souvent à l'appart et très souvent au studio à présent, c'est vrai, mais au final on y trouve tous notre compte : eux peuvent enfin enregistrer et quittent un peu l'appartement où ils ont tant tourné en rond lorsqu'ils écrivaient, et moi je me retrouve dans le calme absolu pour travailler et me concentrer comme il le faut. J'ai enfin l'impression de voir cette lumière au bout du tunnel, après toute cette période assez sombre et difficile que nous avons vécu. On remonte tous la pente et ça fait du bien.

Quand ma mère et moi trouvons un appartement, je retourne m'installer avec elle et mon frère. Le travail devenant plus dense pour eux comme pour moi, ce n'est pas si mal que je me sépare un peu des gars ; on se concentre sur nos objectifs, et je peux retrouver les deux membres de la famille à qui j'ai manqué.
Les sessions d'enregistrement débutent assez vite pour les deux rappeurs. Je viens y assister souvent et je dois avouer que c'est mon nouveau petit plaisir d'après-cours. Voir la façon dont ils se mettent dans une bulle pour interpréter parfaitement comme ils souhaitent que ça ressorte, constater à quel point ils sont perfectionnistes et s'acharnent jusqu'à obtenir ce qu'il veulent, je trouve ça fascinant. La plupart du temps j'observe sans trop intervenir, mais ils me demandent souvent mon avis en tant que point de vue extérieur et il m'arrive même de leur soumettre quelques petites idées.
Leur album a bien pris forme, ils sont maintenant sûrs et certains de ce qu'ils font. C'est un story-telling sur deux gars qui font de la musique mais qui pataugent depuis quelques mois, voir quelques années. Ils se prennent un coup de pression par leurs deux producteurs qui leur posent un ultimatum : le lendemain, à la même heure, il leur faut un single. S'en suit alors tout un déroulé où l'on suit ces deux rappeurs fainéants et frappés par le syndrome de la page blanche au fil des prochaines 24h, pendant lesquelles ils procrastinent et font tout sauf ce qu'ils sont censés faire. Chaque morceau correspond à une heure de la journée. En gros, mes deux amis ont pris leur histoire et s'en sont inspirés pour en faire la création qu'ils avaient tant de mal à atteindre. La réponse était là, sous leur nez. Orel et Gringe n'ont cependant pas encore bouclé l'écriture du projet ; il leur manque des bouts et un ou deux morceaux je crois, mais ils ont tenu à commencer l'enregistrement dès maintenant, impatients de se remettre à rapper.
Un jour, alors que j'arrive au studio et que c'est Skread qui vient m'ouvrir la porte, je vois à sa tête qu'il parait déçu de tomber sur moi. Je constate la même chose de la part d'Orel puis de Gringe, qui d'ailleurs lâche :

- Ah non merde, c'est Ariane.

- Bah dis donc, cachez votre joie, je rétorque, presque vexée.

- Nan mais c'est pas ça, c'est juste que ça fait deux heures qu'on attend Claude pour enregistrer et on pensait que c'était enfin lui qui toquait à la porte.

- En même temps on aurait dû s'en douter, marmonne Orel, Claude c'est comme Ablaye, s'il peut il rentre sans même se faire chier à attendre qu'on vienne l'ouvrir.

- C'est vrai, dit Skread en se rasseyant lourdement sur son siège, les yeux sur son téléphone. Même ses messages il prend pas la peine de les consulter !

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant