Retour en enfer

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Ce matin-là, je veux rester sous ma douche brûlante pendant des heures. Le nœud qui me tord l'estomac n'est même plus un nœud tellement j'ai l'impression qu'il est gros. Impossible d'avaler quelque chose. Pourtant, depuis combien de temps n'ai-je pas mangé ? Je ne me souviens plus. Je n'ai même pas ne serait-ce que goûté le pain au chocolat que m'a acheté Orel. Je le fourre dans mon sac, au cas où. On ne sait jamais.
Je me dépêche de sortir de l'appartement. Je n'en peux plus d'être ici. Je veux m'éloigner de mes parents, j'ai hâte de respirer l'air du dehors. En plus de ça, je sais qu'il m'attend sagement en bas.
Ma descente des escaliers est, pour un matin de cours, plutôt rapide. Une fois arrivée dans le hall de mon immeuble, je lève les yeux vers la porte et le cherche déjà à travers la vitre. Je ne vois pour l'instant personne sur le trottoir. Je traverse rapidement, ouvre la lourde porte, puis souris enfin.
Il est là, assis. Il m'attend comme ce qui était prévu. Il se lève et se dirige vers moi.

- Hey salut. T'es pile à l'heure dis donc, dit-il en consultant rapidement son téléphone.

- Oui. J'avais hâte de sortir de chez moi.

- Ça s'est mal passé ?

- Ouais, c'était... pas génial. J'ai pas très envie d'en parler.

- J'comprends.

Nous commençons notre route. Je me force à marcher lentement pour arriver le moins tôt possible.

- Au fait, je voulais te demander, je commence en repensant à hier soir.

- Mh ?

- Ça te dérangerais de m'acheter... enfin, en supposant que je te rembourse ensuite, évidemment...

- De t'acheter ?

- Une ou deux... bouteilles ? j'achève.

- D'alcool ?

- Oui.

- J'ai tout ce qui faut à l'appart'.

- Oui je sais mais justement... ce serait pour chez moi.

Il laisse un blanc de quelques secondes.

- C'est pas super fun de boire toute seule Ariane. Autant que tu viennes chez nous.

- Mais parfois j'en ai envie et je peux pas venir chez vous.

- T'en as envie quand ?

J'évite son regard et fixe plutôt mes pieds, car j'assume a moitié mes paroles.

- Un peu trop souvent. Et j'ai rien pour apaiser ça. Donc s'il te plaît, ce...

- C'est non.

Je m'arrête nette. Je me sens comme une enfant à qui on ne veut pas acheter la peluche de ses rêves.

- Pourquoi ?

Il se retourne devant moi, mains dans les poches, puis hausse les épaules.

- C'est pas une bonne idée. Si j'accepte tu vas dépasser les limites du raisonnable avec cet alcool.

- Mais non, je gémis presque, comme si ça allait mieux le convaincre. S'il te plaît. J'en ai juste besoin de temps en temps... j'ai pas dit que j'allais m'enfiler une bouteille tous les soirs.

Pourtant, si je me laissais totalement aller, c'est bien ce qui arriverait.

- Je sais pas trop...

Il a l'air en pleine hésitation. Je ressens comme un léger sentiment de victoire, moi qui était sûre que jamais je n'allais le faire changer d'avis.

Sous InfluenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant