3 ans plus tard
Des débris. Du sang. Des morceaux de verre. Voilà ce qui me fait face après avoir difficilement ouvert les yeux. Une forte odeur d'essence flotte dans l'air. Soudain, je me remémore l'accident de voiture qui vient de se produire.
La panique me gagne et mon corps y répond par des tremblements. Je tente d'appeler à l'aide, mais aucun son ne semble sortir de ma bouche. Effrayée à l'idée de mourir, j'essaie d'enlever ma ceinture, de sortir de là, mais une douleur insoutenable s'élançant dans tout mon corps a raison de moi. Je m'effondre contre le siège, mes joues brûlant au contact de mes larmes.
En entendant mon père m'appeler, je m'accroche à sa voix qui ne m'a jamais paru si apaisante qu'aujourd'hui.
— Lou, tu vas arriver en retard si tu ne te dépêches pas !
La voix grave de mon père me tire de mon sommeil perturbé. Les images de la voiture accidentée ne cessent de me hanter depuis plus d'un an. Les séances chez la psy pour m'apaiser se sont avérées vaines.
Cet accident me suivra toute ma vie.
Les paupières encore mi-closes, je m'étire mollement avant de m'asseoir. L'horloge au-dessus de mon bureau m'indique qu'il est sept heures dix, et mon portable étant éteint, cela explique l'absence de réveil.
Rien de mieux que d'être en retard le jour de la rentrée...
J'ouvre mes volets et aperçois les rayons de soleil tentant de se faire une place parmi les quelques nuages. Ces derniers se dissiperont d'ici quelques minutes, rares sont les mauvais jours en Italie au mois de septembre.
Dans la cuisine, je retrouve mes parents, leur tasse de café entre les mains. Bianca, elle, doit encore dormir. Sa rentrée au lycée n'est que dans quelques jours.
— Tu prends un café ? me demande ma mère.
— J'ai pas le temps, je m'en achèterai un sur place.
— Tu rentres avec Zach, ce soir ?
— Normalement, oui. Je vous tiens au courant.
Lorsque j'entends klaxonner, je salue mes parents et rejoins à toute vitesse Zachary qui semble s'impatienter.
Il n'est que sept heures et demie et la chaleur est déjà au rendez-vous. J'adore ce temps, jamais je ne me lasserai du soleil.
— J'ai failli t'attendre, marmonne mon cousin lorsque je monte dans sa voiture.
— Bonjour à toi aussi, mon cousin adoré. Tu viens à peine d'arriver.
Il ne pipe mot, sachant qu'il a tort de s'énerver pour si peu. Enfin, s'énerver est un bien grand mot, Zach se met rarement en colère.
— Tu termines à quelle heure, ce soir ?
— Seize heures, répond-il après avoir démarré. Besoin d'un chauffeur pour rentrer ?
— Tu sais bien que oui, et ça tombe bien que je finisse à la même heure. On se rejoint où ?
— On n'est pas encore arrivé à l'université que tu me parles déjà d'en repartir. On avisera, Lou. Les portables, tu connais ?
Je roule des yeux, toutefois amusée, ne lui en voulant pas le moins du monde de me narguer.
— Le mien n'est chargé qu'à moitié, dis-je en le glissant dans mon sac. Comment je te joins si je n'ai plus de batterie ?
— Je passe te chercher sur le parking de ta fac.
Ça me dérange que l'on fasse le taxi pour moi, mais j'ai peur de conduire, même si j'ai obtenu mon permis en juin dernier. Mes parents m'ont offert une voiture, sauf que je suis paralysée lorsque je me retrouve derrière le volant. Avec la monitrice j'y arrivais parce qu'en cas de problème elle avait les pédales, mais seule j'angoisse à l'idée d'avoir un accident ou de blesser quelqu'un.
Après une vingtaine de minutes, nous arrivons à destination. Je ne peux m'empêcher d'être démoralisée lorsque je vois ce long et haut bâtiment de trois étages.
Vu de l'extérieur, on dirait une vieille maison au crépi jaune. Je n'ose pas imaginer l'intérieur. Étant dans l'une des plus belles villes d'Italie, j'étais loin de m'attendre à ça. Je pensais être surprise, mais pas consternée. Au moins, je ne suis qu'à quelques rues du Duomo.
Une fois dans l'enceinte, aux murs ternes et au vieux carrelage sombre, je m'achète un café à un distributeur dans le couloir. Ce ne sera pas terrible, mais c'est mieux que rien, j'ai besoin de mon carburant.
En suivant un groupe d'étudiants, je me retrouve dans une cour et, cette fois-ci, je suis fascinée en découvrant un jardin fleuri. Malheureusement, les bancs tout autour ont été pris d'assaut. Un long couloir aux arches ouvertes permet de faire le tour de la cour à l'abri. Elle rattrape incontestablement l'extérieur de la fac.
— Besoin d'aide ?
Je me retourne et me retrouve nez-à-nez avec une fille aux longs cheveux noirs qui me sourit. Et qui parle français sans le moindre accent.
— Tu viens de parler français ? m'étonné-je.
— Mes parents sont français. Alors, je peux t'aider ? Tu m'as l'air perdue, et moi je connais bien cette fac.
— J'observais juste les alentours. Mais tu peux peut-être m'aider à trouver la salle de mon premier cours.
Je lui indique le numéro, et elle me fait signe de la suivre.
— J'y vais aussi. Au fait, je suis Daphné.
— Louise, me présenté-je en calquant mes pas sur les siens, rapides. Donc tu connais bien cette fac...
— J'ai redoublé ma première année, alors je connais ce vieux bâtiment comme ma poche. Ils devraient investir de l'argent dans cette fac au lieu de refaire les nouvelles, si tu veux mon avis. Je l'ai dit à mon père, mais mon avis compte peu. Je ne suis qu'une élève parmi les autres.
Ça me rassure de savoir que je ne suis pas la seule à trouver ce bâtiment hideux. Ce doit être le plus horrible de l'université.
— Pourquoi tu l'as dit à ton père ? demandé-je, perplexe.
— C'est le doyen de l'université.
Je me tourne vers elle, surprise et désireuse d'en savoir plus, mais Daphné rebondit sur autre chose.
— Si t'es d'accord, je serai ta guide.
J'accepte, ne pouvant refuser une telle aide. Daphné à l'air sympa, elle me rappelle Salomé à parler facilement à des inconnus. J'aimerais avoir la même aisance qu'elles.
— Parle-moi un peu de toi, Louise. Pourquoi venir étudier en Italie ?
Ayant du temps à tuer après avoir trouvé notre salle, je raconte brièvement mon emménagement en Italie, trois ans plus tôt. Daphné, quant à elle, m'explique qu'elle est née ici et que ses parents l'ont inscrite dans l'école française où je suis allée. Voilà pourquoi elle parle correctement notre langue, en plus d'être fille de français.
— Tu n'étais pas à Victor Hugo, au lycée, dis-je en y repensant. Ton visage ne me dit rien.
Avec seulement cinq-cents élèves répartis de la maternelle à la terminale, retenir les visages s'est avéré assez facile.
— Non, je suis allée dans un lycée italien, répond-elle en enroulant une mèche de cheveux autour de son index. J'ai eu des soucis avec une élève de là-bas.
Je n'ai pas le temps d'en savoir plus puisque notre prof d'histoire romaine arrive, interrompant notre discussion.
Daphné ne me quitte pas de la matinée, et je ne saurais comment la remercier. Je n'angoisse plus autant quant à cette journée avec cette fille bavarde à mes côtés. Je n'aurais pas pu rêver mieux.
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Sous Les Étoiles
RomanceLouise ne cesse de faire le même cauchemar depuis plus d'un an, revoyant la même voiture accidentée, entendant les mêmes cris et sentant la même panique la gagner. Elle pense pouvoir s'accepter comme elle est : brisée. À la fac, elle fait la rencont...