L'alarme de mon portable retentit et je l'éteins en grognant contre mon oreiller. Mes paupières sont lourdes, prêtes à se refermer, et me lever semble être la chose la plus difficile que je doive faire. Ma seule motivation, c'est mon ventre criant famine.
— Tu m'as l'air de bonne humeur, ce matin, lance mon cousin lorsque je monte dans sa voiture, le lundi matin. Bien dormi ?
— Oui ! m'exclamé-je. Je n'ai pas fait de cauchemar.
Du moins, je n'en ai pas le moindre souvenir. Ce matin, mon verre d'eau sur ma table de chevet était toujours rempli et mes draps n'étaient pas emmêlés dans mes jambes. Je me sens plus légère, avec l'étrange sensation que ma nuit a été calme.
— C'est cool ! T'aurais bien besoin qu'ils cessent. Il faudrait voir ce que ça donne sur plusieurs nuits.
Zach a raison, je ne serai tranquille que lorsque mes nuits ne seront plus perturbées par ces images.
— Tu ne parles plus à Lena, déclare-t-il avec prudence.
— On est un peu en froid.
J'aimerais qu'elle rompe avec mon cousin. Et qu'elle s'excuse de m'avoir giflé.
— J'ai l'impression que t'essaies d'écarter tout le monde de ta vie, Lou. Qu'au lieu de remonter la pente, tu continues de la descendre.
C'est ma faute, comme toujours.
— Que je prenne mes distances avec Lena n'a rien à voir avec l'accident, ni même avec moi, mais ça a tout à voir avec elle, marmonné-je en croisant les bras. Je ne peux pas être contrariée ?
— Si ! Je veux juste que tu ailles bien, Lou...
— Je n'irai jamais bien.
Notre conversation se clôt sur ce point, ni Zach ni moi ne voulant nous étendre dessus. Pas besoin d'une énième dispute.
À la cafétéria, je m'achète mon café noir habituel et m'installe à une table. Il n'y a que maintenant que je pense à Julian et à notre baiser d'hier. Avant qu'il ne parte de chez moi, je lui ai avoué que c'était une mauvaise idée et il a eu l'air de comprendre ma réaction. « Pas de pression », a-t-il dit avant de partir. Pas de pression pour qui ? Pour lui ? Pour moi ? Sa phrase reste un mystère.
En toute honnêteté, j'ignore si j'ai envie d'une relation et de tout ce que cela implique. Je ne suis pas amoureuse de Julian, même s'il me fait me sentir « normalement anormale » et qu'il me fait souvent rire, ce qui est rare. Néanmoins, envisager plus avec lui n'est pas dans mes plans. Être amoureuse n'est pas dans mes plans. On souffre toujours lorsque l'on aime.
Je ne compte pas fuir toute relation éternellement, mais vu l'impact qu'a cet accident sur ma vie, je vois mal comment je pourrais accorder de l'attention à quelqu'un. Et puis, je ne veux pas souffrir à nouveau en voyant une personne que j'aime disparaître.
— Salut.
Julian me prend de court et je sursaute, manquant de me brûler la main avec mon café. Il s'installe face à moi, son sempiternel sourire au visage. Au moins, il n'a pas l'air fâché.
— Je pensais que t'allais m'ignorer, avoué-je, perplexe.
— Pourquoi ? Parce que tu m'as repoussé ? Je suis un grand garçon, Hampton. Même si j'ai pleuré toute la nuit...
— C'est vrai ?
Il boit une gorgée de son café, me laissant sur ma faim, avant de sourire en secouant la tête.
— Ce n'est pas mon genre.
— Je me disais bien qu'un grand garçon comme toi ne pleure pas pour si peu.
— T'es quand même la première à m'avoir mis un râteau, avoue-t-il, tout sourire. Mais je comprends, t'as besoin de temps. Et de mieux me connaître. C'est pourquoi je te propose de sortir avec moi, vendredi soir.
Je souris comme une idiote, je le sens.
— T'espères que j'accepte d'aller plus loin avec toi à quel rendez-vous ? demandé-je, amusée. Au troisième ?
— Non, au deuxième.
Je roule des yeux et termine mon café sans rien ajouter. Il ne faudrait pas donner du grain à moudre à Julian.
— Allora ? T'acceptes ?
— Ça dépend... Il y aura à manger ?
— Il y aura toujours à manger avec moi, morfale.
— Mais c'est que t'as un vocabulaire très varié en français pour quelqu'un qui n'y a vécu que quatre ans, le nargué-je.
Il hausse les épaules, comme si c'était évident qu'il maîtrise aussi bien deux langues.
— Alors s'il y a manger, compte sur moi.
— Fantastico ! Je dois rejoindre Hanna, mais on se voit en cours.
J'acquiesce en tentant de refouler ce pincement au cœur. Pourquoi est-ce que ça m'énerve qu'il la voie ? On est plus ou moins amis, et il a le droit de voir qui il le souhaite.
Être amie avec Julian me fait peur autant que ça me rassure. Il pourrait me sauver comme m'être fatal. Mais n'a-t-il pas le droit à une chance ?
À quatorze heures, lors de notre dernier cours de la journée que je déteste à cause de notre prof, Julian s'arrête à ma hauteur lorsque je sors mes affaires.
— C'est grave si j'ai envie de t'embrasser ?
Je le fusille du regard, apeurée à l'idée que Daphné ait pu l'entendre même s'il chuchote à mon oreille. Elle doit déjà trouver louche qu'il me parle. Surtout si près.
— C'est très grave, marmonné-je en tentant de contrôler ma respiration. Va t'asseoir.
— Sì, signora.
Il s'éloigne, s'asseyant auprès d'un garçon, et Daphné me donne un coup de coude dans les côtes.
— Depuis quand vous êtes si proches ?
— On n'est pas proches.
— Il te chuchote à l'oreille ! s'offusque-t-elle. Allez, dis-moi tout.
Je lâche un rire. Le prof n'ayant pas encore commencé le cours et les discussions allant bon train entre les élèves, je décide de raconter une version condensée de ma soirée de vendredi avec Julian. Pour commencer.
— Et vous êtes en couple, maintenant ?
— Non, on est juste... amis, je crois, réponds-je, peu confiante. Rien de plus.
— Peut-être pour toi, mais sans doute pas pour lui. Quand il te regarde, j'ai l'impression qu'il te mangerait s'il le pouvait.
Maintenant que je lui ai confié qu'Hanna et lui n'étaient plus ensemble depuis plus d'un an, elle semble vouloir me jeter dans les bras de Julian.
— J'aime bien passer du temps avec lui, c'est tout.
— Je ne suis pas en train de dire le contraire. Fais juste attention à son cœur, il a l'air d'en attendre plus.
Daphné a raison. Je ne dois pas tomber amoureuse de Julian, mais lui aussi ne doit pas souffrir en essayant de m'aimer. Il va falloir que l'on soit tous les deux prudents.
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Sous Les Étoiles
RomanceLouise ne cesse de faire le même cauchemar depuis plus d'un an, revoyant la même voiture accidentée, entendant les mêmes cris et sentant la même panique la gagner. Elle pense pouvoir s'accepter comme elle est : brisée. À la fac, elle fait la rencont...