Enfermé dans ma bulle, je fais abstraction de tout ce qui m'entoure, comme me l'a conseillé Louise. Mes yeux, mes oreilles, mes mains et mon esprit sont uniquement focalisés sur les touches blanches et noires de mon piano. Un cadeau de mes parents pour mes dix ans.
La mélodie de La lettre à Elise de Beethoven découle de mes doigts presque aussi parfaitement qu'avant, à quelques fausses notes près. Cependant, je continue, emporté par une envie folle de finir ce morceau. J'avais oublié à quel point le piano m'apaisait, m'enveloppant dans une bulle que seule la dernière note éclatera.
Mes mains jouent d'elles-mêmes, sans que je n'aie à les guider. Elles ne me font même pas mal, malgré les coups de poings que j'ai donné ces derniers jours. Jouer du piano m'est naturel, mais pas autant que dessiner. Dès que j'ai un crayon ou un stylo en main, je noircis ma feuille de dessins. Et un simple gribouillis se transforme en un visage.
Après avoir joué la dernière note, je n'ose pas lever les yeux pour voir les réactions de Lou et de mes proches. Et si j'avais massacré leurs oreilles ? Mais quelqu'un applaudit, suivi par d'autres, puis Lou m'enlace par derrière. Je reconnais le parfum de miel.
— Alors ? J'étais comment ?
— Magnifique, répond ma mère. Je n'ai pas d'autre mots.
— Tu n'as pas perdu la main, enchaîne mon père. C'était très bien. J'espère t'entendre rejouer bientôt.
— Le piano m'a manqué, je ne compte plus arrêter.
Mes parents s'éloignent vers les canapés, me laissant seul avec Lou, toujours accrochée à mon cou, son menton posé sur mon épaule.
— T'as aimé ? demandé-je en posant ma main sur les siennes.
— C'était incroyable. Je pourrais t'entendre jouer pendant des heures. T'es vraiment doué de tes mains.
Je lève les yeux pour la regarder, heureux de la faire sourire. Si je ne devais avoir qu'un but dans la vie, ce serait celui-ci. Faire sourire Louise tous les jours, jusqu'à la fin des temps.
— Je suis désolé pour hier, je me suis comporté comme un con...
— C'est bon, je t'ai pardonné, dit-elle dans un sourire. T'étais en colère. Mais arrête de frapper tout le monde, tu veux ? Je déteste quand t'es comme ça.
— Promis.
Je lui promettrais n'importe quoi si ça fait son bonheur.
Pour une fois, c'est Louise qui doit baisser la tête pour m'embrasser. C'est la première fois qu'elle est plus grande que moi, mais je n'ai aucune envie de me lever.
— Tu veux dîner ici ? lui demandé-je en espérant qu'elle accepte.
— Non, j'ai dit à mes parents que je ne serai pas longue.
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Sous Les Étoiles
RomansaLouise ne cesse de faire le même cauchemar depuis plus d'un an, revoyant la même voiture accidentée, entendant les mêmes cris et sentant la même panique la gagner. Elle pense pouvoir s'accepter comme elle est : brisée. À la fac, elle fait la rencont...