Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'Argent

Chapitre 10 - La Sentinelle d'Argent

Le chef passa par dessus le bord du toit.

Oups.

Mais immédiatement après avoir franchi la limite du toit, je le vis sourire et je compris vite pourquoi. Il allait à nouveau contrôler l'air, comme il l'avait déjà fait pour attirer le lycéen, afin de me filer entre les doigts. Mais il était absolument hors de question que je le laisse s'échapper, j'avais vraiment besoin de savoir pourquoi ils étaient venus précisément dans mon lycée, et pas ailleurs. Je repoussai donc le toit des pieds et me jetai dans le vide, tête la première.

Non mais quelle idiote je suis ! J'ai pourtant pas des pulsions suicidaires d'habitude !

Le chef s'éloignait du bâtiment grâce à son pouvoir comme je m'en étais doutée. Instinctivement j'ajustai ma chute, ou plutôt ma trajectoire de vol. Mon instinct de survie de Sentinelle semblait avoir pris les commandes de mon corps, et tant mieux sinon je me serais écrasée dans d'horribles bruits de craquements osseux dans la cour du lycée ! Quand je fus suffisamment proche, je tendis les bras pour saisir le chef du petit commando de Corbeaux par sa chemise avant qu'il ne m'échappe lorsque je crus apercevoir un éclair de surprise traverser son visage. Je mis un instant à comprendre ce qu'il avait vu pour déclencher une telle émotion. Ma capuche avait libéré ma chevelure argentée qui flottait à présent librement derrière moi. Je saisi le Corbeau et me figeai en l'air.

Comment ça se fait que j'arrive à voler ? Il faudra que je me penche sur la question après m'être occupée de lui...

- Qu'est ce que tu es venu faire ici ? Lui demandai-je durement.

Ses yeux me fixèrent et soudain il sembla... apeuré ?

- Qui êtes vous ? Demanda t-il retrouvant subitement sa langue.

- C'est moi qui ai posé une question, répliquai-je en le secouant comme un prunier par le col de son tee-shirt.

- On cherchait une fille, elle a participé à la capture de notre chef et on sait juste qu'elle étudie ici.

Attend, il parle bien de moi là?

Il était à présent complètement paniqué. J'avais l'air si terrifiante que ça ?

J'entendis des élèves qui criaient aux fenêtres, je me retournai pour constater que certains nous pointaient du doigts et d'autres nous filmaient avec leur téléphone. Les trois-quarts des lycéens devaient se trouver aux fenêtres. Heureusement que je portais un masque parce que les images allaient probablement faire le tour des réseaux sociaux pendant un moment, sans parler du journal du lycée vu les apprentis reporters qu'on se traînait depuis deux ans...

- Ne t'avise même plus de mettre les pieds ici ! Menaçai-je le Corbeau. Sinon c'est moi qui t'accueille et je ne serais pas aussi clémente.

J'allais faire le même avertissement à ses deux acolytes mais je me rendis compte qu'ils n'étaient plus là. Ils avaient profité de notre combat pour fuir, les lâches !

Je tournai ma tête vers le portail du lycée et aperçu les Sentinelles qui attendaient, tous enfermés à l'extérieur du lycée. Je volai jusqu'à eux et leur laissai le membre de la secte. Je partis sans un mot, de peur que l'un d'eux reconnaisse ma voix. Mon instinct me soufflait de ne rien leur dire, du moins pas tout de suite, pas à tous...

Je retournai aux WC en repassant par le toit et constatai que mes yeux reprenaient leur teinte habituelle, et le temps que je retire mon sweat mes cheveux étaient eux aussi normaux, noirs comme la nuit. Je me glissai dans le flot d'élèves qui quittaient les salles de travail précipitamment pour voir les nouveaux arbres de la cour. J'eus une petite pensée pour les trois jardiniers du lycée qui allaient devoir s'occuper des dégâts. Les profs étaient complètement dépassés par les évènements, ils tentaient sans grande conviction d'empêcher les élèves de sortir alors que eux-mêmes voulaient constater de leurs propres yeux le phénomène qui venait de se produire. Je profitai de l'effervescence qui gagnait progressivement l'ensemble de l'établissement pour rejoindre discrètement le portail où étaient encore rassemblées les Sentinelles. Le vent porta leurs voix jusqu'à mes oreilles.

- Cette fille était une Sentinelle, s'exclamait Sheila. Il n'y a aucun doute possible.

- La Sentinelle d'Argent, murmurait Zita, les yeux écarquillés.

- Une septième Sentinelle ? Il faut absolument la retrouver, répliquait Walter. Elle avait un sweat bordeaux et une jupe plissée.

Ils tournèrent tous la tête vers la cour pour essayer de retrouver leur mystérieuse Sentinelle parmi tous les élèves.

- Merde... s'exclama soudain Yoann en comprenant où était le problème, ils sont en uniforme, toutes les filles portent la même jupe que cette Sentinelle !

Pas de chance pour eux, mais en effet, le jeudi était la journée uniforme instaurée par la politique de notre lycée. Une histoire d'égalité des chances, de réduction des discriminations sociales ou un truc dans le genre... En tous cas, ça m'était bien utile dans cette situation pour me fondre dans la masse. Environ 50% des élèves étaient potentiellement la Sentinelle d'Argent puisque le seul indice à leur disposition était qu'il s'agissait d'une fille.

Walter pesta entre ses dents, énervé par cet obstacle qui l'empêchait de retrouver la «Sentinelle d'Argent» comme l'appelait si bien Zita. Brusquement, Robin me fixa de son regard vert puis il écarquilla les yeux.

- Où as-tu trouvé ce sweat? Me demanda t-il avec empressement.

Les autres Sentinelles se tournèrent vers moi et attendirent ma réponse. Vous remarquerez qu'aucune personne de notre Organisation ne me soupçonna. Je dépliai donc le sweat pour mettre en évidence l'emblème de mon lycée.

- C'est celui du lycée, leur répondis-je, et les trois quarts des lycéens doivent avoir le même, ajoutai-je pour bien enfoncer le clou.

Je vis bien qu'ils étaient réellement déçus mais je me voyais mal leur annoncer «C'était moi, je suis sensée n'avoir aucun pouvoir mais je peux voler et faire pousser des arbres !». De plus, aucun ne m'avait soupçonnée, persuadés que j'étais bel et bien la plus nulle de nous tous. Mais je commençai à douter de mon rôle de bonne dernière au sein de notre groupe.

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