Chapitre 11 - Le quartier général

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Le samedi suivant avait lieu l'enterrement de Teddy. Cette semaine était vraiment pourrie... Nous l'enterrâmes dans le cimetière des Sentinelles. Tous les membres étaient enterrés derrière le quartier général depuis que l'Organisation existait en Amérique, soit près de cinq cents ans. Au centre du cimetière, qui ressemblait à un cercle presque parfait, poussait un immense olivier. Peut-être était t-il là depuis l'installation des Sentinelles sur ce vaste terrain. De cet arbre majestueux partaient des allées qui coupaient le cercle en six sections. Chaque parcelle rassemblait les Sentinelles d'une même famille, un jour je me trouverai dans l'une d'elle, aux côtés de mon père. Milla m'avait montrée sa tombe, une pierre blanche ornée de sculptures de fleurs, de feuilles et de lianes en hommage à son élément. Teddy fut enterré dans une autre section. Zita, habillée d'une robe noire dans un style gothique à l'occasion de l'enterrement, semblait très affectée par la perte de son oncle et avait les yeux rougis à force de pleurer. Moi même, je sentais qu'un lien s'était brisé, comme si, inconsciemment, j'étais reliée à toutes les autres Sentinelles.

C'était un matin pluvieux qui m'avait poussée à ressortir ma veste molletonnée noire à capuche. Walter nous invita à déjeuner une fois que la cérémonie fut achevée. Nous nous rendîmes chez lui - c'est à dire au quartier général des Sentinelles - à une trentaine de mètres. Le quartier général était une vieille bâtisse en pierre qui se dressait sur trois niveaux au milieu des arbres. Du lierre courait le long de la façade et de grandes fenêtres envahissaient les murs de la maison. Walter poussa la lourde porte en chêne pour nous faire entrer. L'intérieur était chaleureux, les meubles étaient en bois et du parquet recouvrait le sol. Le doyen nous guida jusqu'à la salle à manger, qui occupaient entièrement la moitié gauche du rez-de-chaussée. L'autre partie de ce niveau était occupée par un salon plutôt moderne, avec un grand sofa beige en face d'un écran plat, et une cuisine ouverte, elle aussi moderne et apparemment bien équipée. Quant à la salle à manger, une interminable table en noyer trônait au milieu, un feu brûlait dans une immense cheminée, sur le mur d'en face. Dans l'angle à côté, sous une fenêtre, un tapis persan beige prenait la poussière au pied d'un fauteuil en velours bordeaux. La table était déjà mise : couverts en argent, verres en cristal, assiettes en porcelaine et serviettes en lin. Des coups de tonnerre retentirent au loin et le ciel se fit encore plus sombre et menaçant ce qui incita Walter à allumer la lumière, un magnifique lustre doré avec des moulures de feuillages, au dessus de la grande table. Nous nous assîmes en silence en nous répartissant sur les deux bancs en bois de part et d'autre de la grande table.

***

Tout le repas s'était déroulé en silence et, une fois achevé, Walter nous conduisit à la bibliothèque, au dernier étage, où nous nous installâmes tous. Tout un côté de la salle était couvert d'étagères débordantes de toutes sortes de livres de toutes les époques. La plupart semblaient vieux et leur couverture en cuir avait souffert du temps mais ils bénéficiaient d'un soin tout particulier : il n'y avait absolument aucune trace de poussière... De lourds rideaux de velours rouge encadraient les portes fenêtres qui donnaient sur un balcon sur les deux façades opposées de la maison.

Denise, Olga et Milla s'installèrent avec leur tasse de café pour bavarder sur un sofa qui disparaissait presque derrière une multitude de coussins colorés. Walter, après s'être excusé de nous abandonner, quitta la pièce pour aller interroger Colin tandis qu'Éric prit place dans un confortable fauteuil avec un livre qui pouvait rivaliser en taille avec l'encyclopédie. Lydie et Sheila, assises sur le doux tapis, réconfortaient Zita qui s'était repliée sur elle-même dans un coin de la bibliothèque. Ses longs cheveux roux cachaient son visage ruisselant de larmes. Teddy était sa seule famille, c'était lui qui l'avait élevée depuis la mort de ses parents. Yoann et Robin, assis sur le second divan, discutaient avec entrain des derniers résultats de l'équipe de basket de leur université. J'observai à nouveau la pièce : une étagère à part était recouverte de livres tous semblables. Je m'approchai d'Éric, qui semblait bien connaître cette bibliothèque, et lui demandai :

- Les livres qui sont à part ont quelque chose de particulier-?

Il leva la tête pour me fixer de ses yeux sombres. Je lui montrai l'étagère au fond de la salle et il se retourna vers moi.

- Ils ont tous été écrit par des Sentinelles, en général les chefs de groupe. La plupart des livres contiennent des rapports sur les activités de l'Organisation du type expéditions, déménagement temporaire ou encore affrontement avec la secte.

- Merci Éric.

Il replongea dans son ouvrage laissant juste ses cheveux noirs frisés dépasser. Je choisis le plus petit livre sur l'étagère et optai pour un fauteuil, le seul de libre. Je l'ouvris à une page au hasard et commençai ma lecture. C'était une autobiographie d'un certain Lord Godefroy. D'après ce que je compris, il avait été le dernier à avoir vu la pierre volcanique, l'artefact du feu. En 1723, il entrepris un voyage au Brésil et il parti avec mais revint sans. Dans ce livre il ne parlait presque pas de son voyage. Il concluait son livre avec une phrase pour le moins étrange :

« Pour retrouver la pierre, pense à boucher ce qui doit l'être . L. Godefroy »

Je reposai le livre et fis le tour de la pièce en laissant courir mes doigts sur le mur. Sous l'étagère des livres des Sentinelles mes doigts rencontrèrent quelque chose. J'enlevai la poussière et observai ma trouvaille. C'était un cadre de la même couleur que le mur . Un cadre vide avec des trous. La forme des trous me rappelait vaguement quelque chose de familier et pourtant je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je soupirai et retournai m'asseoir. Je fermai les yeux et m'endormis, bercée par la pluie qui martelait doucement les carreaux.

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Les Sentinelles 1 - La Sentinelle D'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant